Ça fait énormément de bien de regarder Bellefleur, la nouvelle comédie dramatique de la plateforme Crave, dont les deux premiers épisodes sortent jeudi.

C’est doux, c’est bienveillant, c’est drôle, c’est remuant et c’est très moderne. Les cinq hommes hétéros, fin trentaine, début quarantaine, que la série met de l’avant ne se rangent pas dans la filière « trou de cul ». Au contraire. Bellefleur nous montre des gars intelligents et sensibles, soudés par une amitié remontant à l’école secondaire.

Bref, il s’agit d’une « gang de chums » pas toxiques, qui ont leurs défauts, certes, mais qui montrent leur vulnérabilité, qui se serrent dans leurs bras et qui se disent « je t’aime », oui, oui.

Et non, non, ce n’est pas quétaine. Et non, non, ces hommes ne sont pas moins « virils » parce qu’ils expriment des émotions, au lieu de les réprimer comme à l’époque de leurs grands-parents.

On enchaîne les épisodes de Bellefleur et on ressent le même attachement qu’envers les personnages de La vie, la vie, il y a presque 25 ans. On voudrait s’insérer dans leurs soupers d’amis. On voudrait que nos copines célibataires rencontrent ces hommes bons et investis. Mais où se cachent-ils donc, seigneur ? Manifestez-vous !

Coécrite par Sarah-Maude Beauchesne (Fourchette, Cœur de slush) et son fiancé Nicola Morel, Bellefleur réfère au protagoniste Nicolas Bellefleur (excellent Guillaume Laurin), un humoriste au grand cœur qui tombe amoureux de la nutritionniste Ariane (Charlotte Aubin), enceinte jusqu’aux yeux d’un homme qui a disparu dans la brume, adios, amiga, je me flexe.

PHOTO FOURNIE PAR BELL MÉDIA

Charlotte Aubin dans Bellefleur

Plutôt que de déguerpir, lui aussi, Nicolas Bellefleur reste et élève le petit Émile avec Ariane pendant les trois premières années de sa vie. Jusqu’à la rupture. Nicolas, qui adore son rôle de beau-papa, espère conserver un lien avec Émile, 3 ans, qu’il considère comme son propre fils. Ariane, qui a enclenché la séparation, refuse. Nicolas capote et cherche des solutions judiciaires pour revoir Émile.

L’âme en peine, Nicolas atterrit dans la belle maison de son grand frère Maxime (Maxime de Cotret), à Sherbrooke. Maxime, avocat respecté, vit avec la médecin généraliste Claudie (Sarah-Jeanne Labrosse), enceinte de leur premier enfant, longtemps désiré.

Le groupe d’amis de Nicolas Bellefleur comprend aussi Yann (Marc-André Grondin), prof d’anglais dans une polyvalente de Sherbrooke, en couple avec la doctorante Raphaëlle (Sarah-Maude Beauchesne), qui ne souhaite pas avoir d’enfants.

PHOTO FOURNIE PAR BELL MÉDIA

Guillaume Laurin et Marc-André Grondin dans Bellefleur

C’est agréable de voir Marc-André Grondin dans un rôle plus rigolo, moins ténébreux, que ce qu’il joue habituellement. Son prof d’anglais, qui parle très mal anglais (vive Duolingo), est super sympathique, pétri par l’insécurité et la nostalgie. La scène où Yann subit une vasectomie est vraiment bien écrite et interprétée.

Un autre couple gravite dans la garde rapprochée de Nicolas Bellefleur, soit Minh (Jean Bui), qui a deux filles avec Marie (Marilyn Castonguay), atteinte d’un cancer agressif.

Puis, il y a le camionneur Alex (Guillaume Cyr), séparé de Sabrina (Nathalie Doummar) pour cause de tromperie et père d’un ado (André Kasper) avec qui le courant ne passe plus.

Les demi-heures de Bellefleur, bien compactes, filent à la vitesse de l’éclair. Le premier épisode présente de façon efficace les protagonistes de la série et la rupture de Nicolas permet à la bande de se réunir et de se serrer les coudes. Le texte renferme plusieurs bons gags sur le longboard électrique, les trippeux de vins naturels et les gars qui se taillent les poils du pubis.

Le modèle d’homme féministe mis de l’avant par Bellefleur ne court pas les rues, il faut le dire. En même temps, on ne demande pas aux scénaristes de faire du documentaire d’observation.

Dans Bellefleur, les hommes partagent la charge mentale et ne s’enfuient pas au premier soubresaut matrimonial. Dans Bellefleur, le héros se bat pour demeurer dans la vie de son beau-fils, alors que bien de ses camarades auraient été soulagés de se décharger de cette responsabilité.

Dans Bellefleur, les hommes cherchent du soutien émotif à l’extérieur de leur couple. Ils s’ouvrent à leurs boys, avec qui ils discutent d’autre chose que du quatrième trio du Canadien de Montréal pendant 45 minutes.

Dans Bellefleur, un homme est capable de trouver « sexe » un autre homme sans que ça cache une homosexualité refoulée. D’ailleurs, à la fin du quatrième épisode, sans divulgâcher, un personnage hétérosexuel très préoccupé par son image et par ce que les gens pensent de lui éprouvera du désir pour un collègue de travail (Antoine Yared), séduisant et énigmatique.

Vous relisez ces dernières phrases et pensez sûrement : coudonc, est-ce que les gars de Bellefleur sont tous des saints, sans défaut et sans reproche ? Nope. Nos héros en décousent avec l’adultère, des blocages émotifs, de la jalousie et du manque de confiance en soi.

Ce qui ressort le plus de cette nouveauté télévisuelle, c’est l’acteur Guillaume Laurin, qui y campe le rôle-titre. On l’a vu dans Fourchette, Sorcières et La candidate, mais c’est Bellefleur qui lui permettra de charmer tout le Québec avec son personnage de « bon Jack », que l’on voudrait tous avoir dans son entourage.