Le Musée des beaux-arts du Canada présente jusqu’au 25 août une grande et belle rétrospective de l’artiste mohawk Shelley Niro. Récit, en cinq points clés.

Ce qu’il faut savoir

C’est une exposition à ne pas manquer si vous aimez l’art contemporain, l’histoire, le patrimoine, nos traditions ou les œuvres fortes. Idéalement, un peu (ou beaucoup) de tout ça.

Shelley Niro est une artiste multidisciplinaire qui passe par tous les chemins pour dire ce qu’elle a à dire. Et ce sont des choses qu’il faut entendre – et voir. On retrouve 70 œuvres dans Shelley Niro : 500 Year Itch [500 ans de réflexion], la plupart étant chargées d’émotions ou de sarcasme ; souvent des deux. C’est une exposition qui ébranle, doucement.

PHOTO FOURNIE PAR LE MUSÉE DES BEAUX-ARTS DU CANADA

La rétrospective présentée à Ottawa réunit le travail de l’artiste qui s’échelonne sur une quarantaine d’années. Ici : la récente Lune pandémique (postindustrielle/précolonisée), 2023 : épreuve sur Duratrans dans un caisson lumineux circulaire.

Qui est Shelley Niro ?

Shelley Niro est native de Niagara Falls, dans l’État de New York. Elle est membre de la nation Kanien’kehaka (Mohawk).

L’artiste parle beaucoup de son territoire dans son travail. Le Canada y est très présent : on y découvre ce pays de son point de vue, à travers son art engagé, revendicateur et beau.

Shelley Niro, qui était présente à Ottawa pour l’ouverture de cette rétrospective il y a quelques jours, est très humble, malgré l’immense corpus qu’elle lègue ici.

Ses collaborateurs la décrivent comme une artiste joyeuse, ce qui peut expliquer que ses œuvres qui peignent des réalités dures soient abordables ; qu’on ait envie de s’en approcher, de les saisir d’une manière ou d’une autre. Parce que c’est important.

Shelley Niro vit et travaille maintenant en Ontario, où elle est installée avec sa famille depuis plusieurs années.

Cette exposition, la première rétrospective intégrale de son travail, est une présentation du Musée des beaux-arts de Hamilton en collaboration avec le Smithsonian’s National Museum of the American Indian, avec le soutien du Musée des beaux-arts du Canada.

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Chiquita I, 2021, épreuve au jet d’encre. Chiquita était le prénom de la mère de Shelley Niro. Elle est représentée au cœur d’une rose, alors qu’elle était allergique.

Une œuvre marquante

Parmi nos pièces favorites figurent sans aucun doute ces œuvres composées de quelques toiles ou photographies ; souvent, l’artiste incorpore plus d’un savoir-faire dans une même composition, dont le perlage.

Un exemple : Le passage, splendide suite de toiles et de photos qui veut représenter la vie autochtone en contraste avec le contrôle gouvernemental. L’exposition inclut aussi de courts films et des arts traditionnels. Niro aborde beaucoup les questions liées à la situation et à l’histoire des peuples autochtones, ainsi que le matriarcat, la maternité et les femmes dans ses œuvres.

Dans La rebelle, Niro représente sa mère qui pose en pin-up sur une vieille voiture de marque… Rebel. Double symbole éloquent, Chiquita ne correspondant pas aux standards esthétiques de l’époque où l’on utilisait beaucoup les femmes pour les promotions de voitures, de cette façon, et même sur les capots.

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L’œuvre qui a donné son nom à la rétrospective : 500 Year Itch [500 ans de réflexion], 1992, épreuve à la gélatine argentique rehaussée de couleurs. L’artiste se met souvent en scène dans ses pièces.

Des pièces chargées

Si l’impression que nous laisse Shelley Niro : 500 Year Itch [500 ans de réflexion] est si forte, c’est sûrement en partie grâce aux symboliques et aux représentations qu’on y trouve et qui nous mettent face à nos paradoxes. Bien qu’elle soit très inclusive, on ne peut pas ignorer le discours présent du début à la fin de cette rétrospective – qu’on peut ne pas saisir complètement, en sachant que l’art fait son chemin par une route de travers.

Le travail de Shelley Niro n’est pas toujours brodé de subtilité : on y écrit parfois en toutes lettres l’injustice et la douleur subies par une partie de la société, souvent les peuples autochtones. L’artiste dénonce ces injustices depuis les débuts de sa pratique.

L’exposition s’ouvre d’ailleurs sur une toile de 1987 où l’on voit Brian Mulroney s’amuser dans un restaurant avec sa femme en arrière-plan d’une scène où une serveuse (Niro, elle-même) renverse du vin sur la cliente (blanche). Message : le premier ministre de l’époque ignorait les misères qui se passaient à deux pas de lui.

Notre conseil

Mettez-y le temps. Si vous ne connaissez pas Shelley Niro et que vous planifiez une visite au grand musée d’Ottawa, vous allez être tenté d’inclure cette rétrospective dans une visite globale, voire la garder pour la fin, juste avant de partir. Faites l’inverse ! Et calculez au moins une heure dans les salles de l’expo Niro, idéalement plus.

Shelley Niro : 500 Year Itch, jusqu’au 25 août 2024

Consultez la page de l’exposition