Des amendes et des sanctions plus sévères sont réclamées pour dissuader les courtiers de se retrouver en situation de conflit d’intérêts

Les sanctions et amendes infligées aux courtiers immobiliers qui se placent en situation de conflit d’intérêts ne sont pas assez sévères, dénoncent le président du conseil d’administration de l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ), le Parti libéral du Québec, le Parti québécois et Québec solidaire, qui ont réagi à notre dossier sur les courtiers qui achètent la maison de leurs clients au rabais.

En voyant le dossier de La Presse1 mercredi à 6 h du matin, le président du conseil d’administration de l’APCIQ a décidé d’enregistrer sur-le-champ un message vidéo à l’intention des membres de son association. Cet « appel à tous » à « travailler de façon professionnelle » dans lequel il « déplore les mauvais gestes » a été envoyé à toute l’industrie pour les « chicaner un peu », confie Serge Brousseau lors d’une entrevue téléphonique.

« J’ai toujours trouvé que les sanctions n’étaient pas assez sévères en fonction de la problématique que ça peut poser », affirme-t-il, tout en dénonçant fermement et sans équivoque tout acte illégal qui a ou aurait pu avoir été commis par certains courtiers immobiliers comme le rapportait le dossier de La Presse.

« Les courtiers eux-mêmes trouvent que les sanctions ne sont pas assez sévères quand ils ont des comparses qui ne suivent pas ce qu’ils devraient faire », observe celui qui a été pendant 12 ans président du conseil de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ).

Là, avec ce que j’entends et avec ce que je vois, une chose est sûre, on va taper sur le clou encore, que ce soit sur la représentation, sur le conflit d’intérêts, et on va régler le problème, c’est sûr.

Serge Brousseau, président du conseil d’administration de l’APCIQ

Élu en avril à la tête de l’APCIQ, il souhaite rapprocher l’association et l’OACIQ afin que la réglementation et la législation soient bien comprises à la fois par les courtiers immobiliers et les consommateurs. Le public doit être en mesure de savoir ce qui se fait ou pas, explique-t-il, tout en conseillant aux personnes âgées de toujours être accompagnées d’une personne de confiance lors d’une transaction immobilière avec un courtier. Outre les enjeux de conflit d’intérêts, observe-t-il, il y a plusieurs décisions à prendre, notamment au sujet de la date de prise de possession.

Serge Brousseau rappelle que les courtiers qui veulent acheter des propriétés doivent se faire représenter eux-mêmes par un courtier et que s’ils veulent acheter la maison de leur client, ce dernier doit aussi se faire représenter par un autre courtier.

« C’est surprenant qu’un courtier dise qu’il ne le sait pas, parce que les pratiques sont très claires au sujet des conflits d’intérêts et la réglementation est très claire. »

Les partis de l’opposition réclament des sanctions dissuasives

« C’est une infraction éthique et déontologique majeure, la définition même du conflit d’intérêts et du délit d’initié. On ne peut pas tolérer qu’il y ait un flou à cet égard, c’est non seulement les propriétaires les plus vulnérables qui sont à risque, mais également l’équilibre du marché des propriétés, dit Méganne Perry Mélançon, porte-parole nationale du Parti québécois. L’OACIQ est claire, elle doit aussi clairement sévir contre les contrevenants et faire appliquer la loi toutes les fois que des conduites de ce genre lui sont rapportées. »

Lors d’une entrevue téléphonique avec Virginie Dufour, députée libérale des Mille-Îles, porte-parole de l’opposition officielle en matière d’habitation, et sa collègue Linda Caron, députée libérale de La Pinière, porte-parole de l’opposition officielle pour les aînés, les deux députées ont aussi réclamé des sanctions plus sévères.

« C’est important de prévoir des sanctions qui sont à la hauteur des gestes qui sont commis pour que ce soit dissuasif. C’est important aussi de les appliquer, parce que ça, c’est clairement un cas de maltraitance financière à l’égard des aînés », soutient la députée Linda Caron.

« Ce qu’on voit dans votre dossier, c’est l’abus d’aînés, mais ça pourrait être des jeunes, de nouveaux arrivants, des gens qui connaîtraient moins le marché, renchérit Virginie Dufour. C’est absolument inacceptable. »

Selon la députée libérale, le gain financier est important pour les courtiers immobiliers alors que « les tapes sur les doigts ne sont pas assez grandes » de la part de l’OACIQ.

« C’est comme le code de la route, illustre-t-elle. Plus l’amende est élevée, plus on y réfléchit avant de faire une infraction. Il faut que ça devienne dissuasif, et la perte d’un permis devrait vraiment être envisagée dans des cas comme ça. »

La députée dit trouver aussi inquiétant que le public ne sache pas l’historique de toutes les sanctions qu’un titulaire de permis de courtage a reçues.

« C’est du gros n’importe quoi »

Lorsque le Bureau du syndic de l’OACIQ fait enquête et en arrive à la conclusion qu’un courtier a manqué à ses obligations déontologiques, il peut décider de lui donner une mesure disciplinaire qui est une formation ou un plan. Dans ces situations, le dossier est clos, ne se rend pas devant le tribunal de la profession et la mesure n’est pas indiquée lorsque le public consulte le dossier du courtier. Comme ce fut le cas pour Jean-Philippe Barrette, de RE/MAX Crystal.

« Ce que ça illustre, c’est que ce sont des sanctions bonbon de dire on vous sanctionne à suivre une formation. C’est du gros n’importe quoi, poursuit Virginie Dufour. Il semble manquer aussi de transparence de la part de l’OACIQ. Donc, ça aussi, il y aurait lieu de revoir le fonctionnement, la gestion des courtiers. »

« Et je me pose même la question, est-ce qu’on devrait permettre aux courtiers de pouvoir acheter la propriété de leur client ? », conclut la porte-parole de l’opposition officielle en matière d’habitation.

« On devrait aller plus loin et interdire carrément qu’un courtier immobilier achète la maison de son client, affirme de son côté Andrés Fontecilla, député de Laurier-Dorion pour Québec solidaire, porte-parole du deuxième groupe d’opposition en matière de logement et d’habitation.  

« Ce type de pratique ne doit plus continuer d’exister au Québec. Ça brise le lien de confiance entre les clients et l’ensemble des courtiers immobiliers au Québec. C’est quelque chose d’assez grave et on devrait intervenir de façon plus costaude en termes de punition. Les amendes sont nettement insuffisantes. »

Andrés Fontecilla, qui avait présenté une motion à l’Assemblée nationale pour que le contenu des promesses d’achat soit divulgué aux consommateurs, réitère encore une fois que c’est la chose à faire.

1. Lisez l’article « Ils achètent au rabais, revendent à gros prix »