Le développement des projets pour produire du gaz naturel renouvelable (GNR) à partir de résidus agricoles s’étale sur plusieurs années. N’empêche, le distributeur Énergir estime pouvoir atteindre son objectif, qui est de porter à 10 % le volume minimal de GNR dans son réseau d’ici 2030. La Presse s’est entretenue avec Renault Lortie, vice-président, clients et approvisionnement gazier chez Énergir.

Pourquoi des projets de production de GNR agricole ne démarrent-ils pas aussi rapidement qu’envisagé ?

Il y a une réalité économique. Tous les projets de production d’énergie verte ont subi les impacts de la hausse des taux d’intérêt, de l’inflation et de la difficulté de trouver de la main-d’œuvre. Ça coûte plus cher de construire des infrastructures. C’est la même chose pour les projets éoliens et solaires. Ce n’est pas pour rien qu’Hydro-Québec annonce que son prix marginal va augmenter à 0,13 $ le kilowattheure, alors qu’on est habitué à payer autour de 0,04 $. À cela s’ajoute l’enjeu de l’acceptabilité sociale ; c’est une nouvelle filière qui n’est pas encore totalement comprise. Il y a des communautés près des projets qui se posent beaucoup de questions : est-ce qu’il y a des odeurs ? Qu’est-ce qui va arriver avec le digestat ?

PHOTO BÉNÉDICTE BROCARD, FOURNIE PAR ÉNERGIR

Renault Lortie, vice-président clients et approvisionnement gazier d’Énergir

Est-ce qu’Énergir aura de la difficulté à atteindre ses objectifs ?

Non. On compte toujours atteindre l’objectif que nous a fixé le gouvernement, soit 5 % de GNR dans notre réseau d’ici 2025 et 10 % d’ici 2030. Actuellement, 20 % du GNR injecté dans notre réseau vient du Québec. Pour ma part, j’aimerais que dans quelques années, la tendance soit inversée pour que le GNR consommé ici soit produit ici. Concernant spécifiquement la production de GNR agricole, des huit projets qui injectent actuellement dans notre réseau, il n’y a qu’un seul projet qui vient du secteur agricole, celui de Coop Agri-Énergie à Warwick, dans le Centre-du-Québec.

Pourquoi faudrait-il développer davantage la filière agricole ?

Lorsqu’on parle de GNR de première génération – fait à partir de matière organique –, c’est la matière agricole qui a le plus grand potentiel. Et aussi, on y gagne à tous les niveaux : il y a beaucoup de matière organique à valoriser, ça représente une nouvelle source de revenus pour les agriculteurs et ça donne du digestat qui remplace des engrais chimiques. La nécessité d’intensifier la production de GNR en milieu agricole est une évidence. Aussi, les émissions en agriculture ont augmenté au fil des ans. Le secteur représente maintenant près de 10 % des émissions totales dans la province.

Pour les producteurs de GNR, le raccordement au réseau d’Énergir peut coûter des millions de dollars. Est-ce que ça ne devient pas un frein pour la filière ?

On a fait des démarches auprès de la Régie de l’énergie du Québec pour qu’une partie du raccordement – celle du conduit qui rejoint notre réseau – puisse être assumée par l’ensemble de la clientèle d’Énergir, plutôt que par le producteur. Il n’en reste pas moins que la situation au Québec est enviable, avec le soutien financier du Programme de soutien à la production de gaz naturel renouvelable. Sur le plan des contrats, Énergir en offre d’une durée de 20 ans – à 45 dollars le gigajoule, indexés au fil des ans –, ce qui n’existe pas vraiment ailleurs en Amérique du Nord. Malgré les défis, quand on se compare, on se console : 10 des 30 projets de production de GNR au pays sont au Québec.