Lorsqu’on a sa petite entreprise, on a le choix entre se verser un salaire ou des dividendes. Si les deux ont des avantages et des inconvénients, il est judicieux d’évaluer l’incidence de son choix pour prévoir sa retraite en conséquence.

La situation

Carl* a 53 ans et est consultant en technologies de l’information. Il aimerait prendre sa retraite autour de 65 ans. Il a créé une entreprise pour laquelle il est président, unique actionnaire et travailleur. Il facture environ 165 000 $ par année et se verse toujours en dividendes tout ce que l’entreprise a comme profit depuis 18 ans. Cette stratégie lui donne des avantages fiscaux et fait en sorte qu’il n’a pas à contribuer au Régime de rentes du Québec (RRQ) et au Régime québécois d’assurance parentale. Cela lui en fait donc plus dans les poches.

En contrepartie, comme il ne paie plus sa part du RRQ depuis belle lurette, le montant de la rente qu’il recevra à la retraite sera minime. De plus, il n’accumule pas de droits de cotisation pour son régime enregistré d’épargne-retraite (REER).

Carl n’est pas propriétaire : il habite dans la maison de sa conjointe. De plus, il ne pense pas recevoir d’héritage. Après une séparation difficile, il a accumulé du retard dans le paiement de ses impôts et dans son épargne. La situation étant maintenant réglée, il évalue être en mesure d’épargner 25 000 $ par année.

Je me demande si, avec mon plan d’épargne, il est réaliste de pouvoir prendre ma retraite à 65 ans tout en pouvant maintenir un train de vie raisonnable. Aussi, pour atteindre mon objectif, devrais-je continuer à me verser des dividendes ou ferais-je mieux d’opter pour un salaire ?

Carl

Les chiffres

  • Dividendes versés par année : 165 000 $
  • Profit accumulé dans l’entreprise : 0 $
  • REER : 120 000 $
  • CELI : 0 $
  • Rente du RRQ : 329 $ à 60 ans, 435 $ à 65 ans

Les conseils

La question du salaire ou des dividendes est intéressante d’après Simon Préfontaine, planificateur financier chez Lafond Services Financiers. Toutefois, elle n’est pas la plus importante dans le cas de Carl, évalue-t-il. « Ce qui est prioritaire pour lui, c’est de réfléchir à son train de vie. Il est sérieusement en retard sur son plan de retraite. »

Réduire son train de vie

Maintenant que Carl a payé complètement sa facture d’impôt, il doit vraiment regarder combien il a besoin d’argent pour vivre confortablement, estime Simon Préfontaine.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Simon Préfontaine

« Si c’est 40 000 $ par année, il sera correct avec son plan de retraite actuel, affirme-t-il. C’est ce qu’il aurait en dollars d’aujourd’hui s’il réalise son plan d’épargner 25 000 $ par année jusqu’à 65 ans en considérant l’inflation, une espérance de vie à 94 ans et un rendement de 5,5 % par année. »

Or, actuellement, Simon Préfontaine évalue que comme Carl gagne 165 000 $ par année, qu’il doit payer environ 55 000 $ d’impôt et qu’il économise 25 000 $, il vit avec environ 85 000 $. « C’est toute une différence de passer d’un train de vie de 85 000 $ à un de 40 000 $ », indique-t-il.

Épargner et travailler plus

Le planificateur financier a calculé que si Carl veut maintenir son train de vie de 85 000 $ à la retraite, il devrait économiser 52 000 $ par année et prendre sa retraite à 70 ans.

« Ce sont de gros changements à son plan, affirme-t-il. C’est pourquoi mon premier conseil serait de regarder ses dépenses pour voir s’il peut réduire son train de vie actuel. Il devrait aussi regarder ce qu’il prévoit comme budget dans les prochaines années et une fois à la retraite pour voir si son train de vie pourra plus tard être significativement réduit. »

Arriver à vivre avec moins fera une grande différence dans le plan de retraite de Carl, évalue Simon Préfontaine. Il a calculé que s’il décide de travailler jusqu’à 70 ans et qu’il place 25 000 $ par année jusqu’à ce qu’il prenne sa retraite, cela lui permettrait d’avoir 57 000 $ par année pour ses vieux jours.

« Évidemment, plus il arrivera à épargner et à réduire son train de vie, plus son scénario s’améliorera », précise-t-il.

Le planificateur financier conseille toutefois à Carl de ne pas être trop optimiste et de toujours garder en tête qu’il est possible qu’il ait à payer davantage pour se loger. « Il n’est pas propriétaire et il habite chez sa conjointe en ce moment, mais s’il a un jour besoin de louer un appartement, il paiera probablement bien davantage », souligne-t-il.

Opter pour un salaire

Une fois que toutes ces réflexions seront faites, Carl pourra effectivement peaufiner son plan en revoyant sa rémunération.

« Je n’ai pas tous les détails de sa situation et il y a toujours des exceptions, mais j’aurais tendance à penser qu’il ferait mieux d’aller vers un salaire pour accumuler des droits de cotisation REER, affirme Simon Préfontaine. Actuellement, il a un taux d’imposition marginal de 47 % et à la retraite, il sera plutôt à 36 ou 26 %, selon son épargne et son train de vie, alors c’est certain que le REER serait avantageux pour lui. »

Toutefois, le planificateur financier invite Carl à consulter un planificateur financier et un comptable pour avoir leur avis sur cette question.

« Tout n’est pas noir ou blanc, affirme Simon Préfontaine. C’est même possible qu’il ait des avis divergents et il devra leur demander sur quoi ils se basent pour faire leur recommandation, pour ensuite prendre sa décision. Mais chose certaine, ce qui fera la grande différence dans sa situation, c’est vraiment la réduction de son coût de vie et l’augmentation de son épargne. Pour y arriver, il aura des choix difficiles à faire. C’est toujours dur de redescendre son train de vie une fois qu’on l’a augmenté. »

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, le prénom utilisé est fictif.