Pour certains professionnels financiers, il y a une question qui n’est jamais la bienvenue et qui surgit dans divers contextes sociaux : « As-tu un tuyau en Bourse ? »

Non. La réponse est toujours non.

Pour les conseillers financiers qui pensent ainsi, investir, c’est bien, c’est nécessaire, mais ce n’est pas toujours très intéressant et ce n’est pas ça qui donne de la joie dans la vie.

Ces professionnels savent comment investir et se soucient du travail bien fait. Mais pour eux – et peut-être pour vous aussi –, les placements ne sont qu’un outil qui aide à atteindre ses objectifs, dans la vie. Ils tirent leur vraie satisfaction dans le fait d’aider les gens à définir ces objectifs et à les atteindre.

Il n’y a rien de mal à cela. En fait, c’est peut-être la façon la plus saine d’envisager l’investissement, que vous gériez vous-même vos finances ou que vous essayiez de trouver un conseiller qui soit du même avis.

La défiance exige du courage

Fixer des objectifs et engager un dialogue sérieux à long terme pour les affiner semble plus important que l’attention portée au marché boursier. Ça semble même évident.

Pourtant, le secteur des services financiers a du mal avec ça.

Durant des décennies, les courtiers ont été payés à la commission, ce qui les incitait à multiplier les transactions et les stratégies d’investissement. Encore aujourd’hui, bien des planificateurs financiers basent leurs honoraires sur les actifs qu’ils gèrent pour vous, ce qui tend à centrer trop de conversations sur la façon dont ils investissent ces actifs (et avec quelle agressivité).

Alors un professionnel financier doit avoir du courage pour détourner les conversations sur l’investissement ou admettre que les marchés vont mal.

« C’est risqué de dire ça dans le journal, c’est clair », avoue Danika Waddell, planificatrice financière à Seattle, qui l’a dit pour la première fois à haute voix lors d’une conversation avec Joy Lere, psychologue et coach de cadres. Les deux femmes rentraient à pied d’un dîner-conférence, quand Mme Lere lui a demandé ce qu’elle aimait le moins dans son travail et ce qui lui prenait le plus d’énergie.

Il faut aussi du courage et de la fermeté aux particuliers qui cherchent à se doter d’un patrimoine. Il faut faire abstraction du tapage qui donne l’impression que tout le monde fait fortune avec la dernière action en feu, Nvidia ces temps-ci.

Mais comment faire ?

Ennuyeux, c’est une vertu

« Je pense que l’investissement devrait être ennuyeux », affirme Leighann Miko, planificatrice financière sur la côte Ouest. « Il ne faut pas y accorder trop d’importance. »

PHOTO ANN WANG, ARCHIVES REUTERS

Pour le particulier qui cherche à faire fructifier son patrimoine sans jouer au casino boursier, il faut faire abstraction du tapage qui donne l’impression que tout le monde fait fortune avec la dernière action en feu – Nvidia ces temps-ci.

L’idée maîtresse est de prendre ce que vous donneront les différents marchés – actions, obligations, immobilier. Donc, acheter des fonds communs de placement ou des fonds négociés en Bourse qui détiennent tous les titres d’un segment donné. Ainsi, un fonds indiciel S&P 500 possède l’ensemble des 500 actions.

Si vous tolérez un risque plus élevé, vous en mettez plus dans des fonds d’action et conservez moins d’argent en liquidités. Mais il ne faut pas trop miser sur une poignée d’entreprises individuelles ou sur un seul segment du marché : cela peut faire baisser rapidement votre valeur nette si vous vous trompez. Et il y a de la devinette là-dedans.

Cette approche a beaucoup d’avantages. Ces fonds indiciels ont des frais peu élevés et le portefeuille global est généralement moins volatil que les actions individuelles. À long terme, cette approche devrait offrir de meilleurs rendements.

Poser beaucoup de questions

Les fonds indiciels, plutôt ternes, sont souvent décrits comme de l’investissement passif : on n’essaie pas d’entrer et de sortir des marchés selon la conjoncture. On garde le cap, en investissant, par exemple, 80 % de son épargne-retraite dans des actions pendant les 25 premières années de sa carrière.

L’intérêt de cette méthode est qu’elle laisse du temps pour poser des questions plus pointues à son conseiller, ou à soi-même. Quel type de vie vous rendrait plus heureux ? De quoi vos proches vieillissants auront-ils besoin de votre part, et combien aurez-vous à donner ? Comment aider au mieux vos petits-enfants ?

Poser ces questions et y répondre, c’est tout le contraire de la passivité.

« Nous planifions activement les choses qui sont importantes quand nous sommes à l’écoute des désirs les plus profonds et les plus importants dans la vie de nos clients, a déclaré Mme Miko. Si vous ne savez pas à quoi est destiné l’argent, comment pouvez-vous élaborer une stratégie d’investissement pour cet argent ? »

Mike Zung, planificateur financier à Lee’s Summit, au Missouri, évite les sujets techniques quand il discute avec les gens dans un contexte social. « Je préfère entendre parler de leurs premiers souvenirs d’argent et de la façon dont ils gèrent l’argent en couple », dit-il.

Ce sont des sujets qui décoiffent avec un inconnu, mais pas avec un ami. L’ami d’une personne n’ayant pas l’aide d’un professionnel financier pourrait poser des questions et essayer d’aider, s’il sent une ouverture et que la conversation se prête à cela.

« Je veux savoir à quoi ressemblent leur vie actuelle et leur vie idéale future, pour voir si leur situation financière s’y prête », explique Mme Waddell, qui a récemment discuté avec un client qui se demandait si être thérapeute n’aurait pas été un meilleur choix de carrière.

Est-il trop tard, à 40 ans, pour changer d’emploi ? Peut-être pas.

La même chose s’applique aux autres grands tournants de la vie : « Il y aura une ou deux choses très importantes, explique Mme Waddell. Pour la plupart des gens, il ne s’agira pas d’investissements. »

Cet article a été publié dans le New York Times.

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