Après les annonces en grande pompe, la recette de Northvolt est déjà mise à l’épreuve. Des retards de production obligent la jeune pousse à prendre un pas de recul, ce qui pourrait ralentir la construction de son complexe québécois – financé par les gouvernements.

Ce qu’il faut savoir

Northvolt peine à accélérer la vitesse de production de sa première méga-usine, en Suède.

Parallèlement, l’entreprise suédoise a annoncé la construction de complexes au Québec et en Allemagne.

Après avoir perdu un important contrat, Northvolt met en place une révision stratégique, ce qui pourrait influer sur l’échéancier de son projet québécois.

L’entreprise peine à accélérer la cadence de production de cellules de batteries dans sa première méga-usine, dans le nord de la Suède, alors que deux autres projets multimilliardaires, au Québec et en Allemagne, en sont à leurs balbutiements.

Northvolt a dû se rendre à l’évidence : son expansion a été « un peu trop agressive », a reconnu son cofondateur et chef de la direction, Peter Carlsson, mardi, dans des entrevues accordées à des médias européens.

« Nous procédons présentement à une revue stratégique de nos activités, a indiqué le directeur des affaires publiques et communications de la multinationale en Amérique du Nord, Laurent Therrien. Il s’agit d’une saine pratique. »

Ce dernier n’a pas offert plus de détails sur les options étudiées. L’usine de 7 milliards actuellement en construction sur la Rive-Sud de Montréal est concernée par le processus, dévoilé après une série de revers chez Northvolt.

Le mois dernier, la multinationale a notamment vu BMW annuler une commande de cellules de batteries d’environ 3 milliards de dollars parce qu’elle n’aurait pas été capable de respecter certaines modalités du contrat annoncé en 2020 avec le géant automobile allemand.

Qu’est-ce qu’une cellule de batterie ?

Une batterie lithium-ion que l’on retrouve dans une voiture est en quelque sorte un assemblage d’unités de batterie individuelles, les cellules. Elles sont branchées en série par un circuit électronique. Le nombre et la taille de chaque cellule permettent de déterminer la quantité d’électricité qu’une batterie pour véhicule électrique est en mesure de stocker.

De plus, l’entreprise a aussi vu son président du conseil d’administration, Jim Hagemann Snabe, sur la touche depuis le début de l’année pour des raisons de santé, indiquer publiquement qu’il n’anticipait pas réintégrer ses fonctions.

Selon Steve LeVine, de la publication The Electric, considérée comme une référence dans l’industrie, le coup de frein annoncé par Northvolt témoigne des défis qui guettent les jeunes pousses occidentales spécialisées dans les véhicules électriques et la fabrication de batteries.

« Alors que Northvolt apprend à fabriquer des batteries à grande échelle, elle est confrontée à une vive concurrence d’entreprises comme la société chinoise CATL et Samsung (Corée du Sud), écrit-il dans une analyse. Ces entreprises ont déjà résolu les problèmes liés à la fabrication des batteries et en produisent efficacement et à grande échelle. »

Plus concrètement, ces écueils de production se sont reflétés dans les finances de Northvolt, toujours en phase d’investissement de ses grands projets. Selon le bilan du rapport annuel, la perte opérationnelle a plus que triplé en 2023, pour atteindre 1,03 milliard US, alors que la croissance des revenus a été beaucoup plus modeste, à 128 millions US.

« La progression s’est orientée vers une production plus stable », indique M. Carlsson dans le document.

Dans l’attente

Au Québec, le fabricant de cellules s’installe sur un terrain de 170 hectares qui chevauche Saint-Basile-le-Grand et McMasterville. Northvolt planifie d’y fabriquer des matériaux de cathodes – le pôle positif d’une batterie lithium-ion – ainsi que des cellules. Québec et Ottawa financent le projet en offrant 2,7 milliards pour la réalisation du complexe. À cela s’ajoutent des subventions à la production de cellules plafonnées à 4,6 milliards.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Northvolt construit son complexe québécois sur un immense terrain qui chevauche McMasterville et Saint-Basile-le-Grand.

La production de cellules doit débuter vers 2026, selon l’échéancier actuel. Sans s’avancer sur le résultat de la révision stratégique, M. Therrien assure que le fabricant de cellules est au Québec pour de bon et que pour l’instant, la construction se poursuit comme prévu.

« Nos intentions sont inchangées : jouer un rôle central dans la transition énergétique du Québec en y fabriquant les batteries les plus vertes au monde », affirme-t-il.

Le gouvernement Legault a été informé de la révision stratégique chez Northvolt, a confirmé le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, sur X. Il a ajouté que la compagnie avait assuré que son « projet au Québec n’était aucunement remis en cause ».

En avril dernier, au cours d’une entrevue éditoriale avec La Presse, le président de Northvolt Amérique du Nord et cofondateur de la multinationale, Paolo Cerruti, avait révélé que le « client d’ancrage » nord-américain de l’entreprise était prêt à acheter jusqu’à la moitié de la production annuelle du mégacomplexe québécois.

Tout retard sur la Rive-Sud de Montréal s’avérera coûteux pour Northvolt. Pour la convaincre de ne pas s’établir aux États-Unis, Québec et Ottawa ont accepté de reproduire ce qui est offert par Washington avec l’Inflation Reduction Act (IRA), qui subventionne une partie de la production de chaque batterie.

En principe, les mesures américaines prendront fin en 2032. L’échéance est la même en territoire québécois. Tout retard réduirait ainsi la fenêtre de Northvolt pour profiter de ces généreuses subventions.

En savoir plus
  • 53 milliards US
    Valeur du carnet de commandes de Northvolt à la fin de 2023, en baisse de 2 milliards US sur un an
    source : northvolt
    5860 personnes
    Effectif global de Northvolt
    source : northvolt