Une grève des mécaniciens d’avion de WestJet a forcé la compagnie aérienne à annuler des centaines de vols supplémentaires dimanche, bouleversant les plans d’environ 110 000 voyageurs pendant le long week-end de la fête du Canada et incitant le transporteur à exiger des mesures du gouvernement fédéral.

Les quelque 680 travailleurs, dont les inspections et les réparations quotidiennes sont essentielles aux opérations de la compagnie aérienne, ont débrayé vendredi soir malgré une directive d’arbitrage exécutoire du ministre fédéral du Travail.

Le président de WestJet, Diederik Pen, a écrit dans un communiqué publié dimanche que la compagnie « a obtenu une ordonnance d’arbitrage et attend de toute urgence que le gouvernement confirme qu’une grève et un arbitrage ne peuvent se dérouler simultanément ».

Il a également insisté sur le fait que « c’est un problème auquel ils se sont engagés à remédier et, comme tous les Canadiens », ils attendent.

Depuis jeudi, WestJet a annulé 832 vols prévus entre cette date et lundi – le week-end de voyage le plus chargé de la saison, a indiqué le transporteur.

Dimanche matin, 77 % des vols de la journée ont été annulés. C’était le cas des deux départs offerts par la compagnie depuis l’aéroport Montréal-Trudeau alors qu’un des trois de lundi était lui aussi déjà annulé.

La grande majorité des vols de dimanche ont été annulés alors que WestJet a réduit sa flotte de 180 avions à 32 appareils actifs et est en tête de la liste mondiale des annulations parmi les grandes compagnies aériennes au cours du week-end.

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Trevor Temple-Murray faisait partie des milliers de clients qui se bousculaient pour modifier leur réservation après que leurs voyages ont été annulés moins d’un jour avant les départs.

« Nous devrons simplement attendre », a déclaré le résident de Lethbridge, en Alberta, qui attendait dans le stationnement de l’aéroport de Victoria pour essayer de prendre l’avion à destination de Calgary avec sa femme et son fils de deux ans, tous deux à ses côtés dans la voiture.

PHOTO CHRISTOPHER KATSAROV, LA PRESSE CANADIENNE

Un employé parle avec des passagers dans la zone d’enregistrement de WestJet à l’aéroport international Pearson, à Toronto, le 29 juin.

Leur vol, prévu à 18 h 05, a été annulé et ils ne sauront pas avant la soirée si un vol prévu à 7 h du matin le lendemain aura lieu.

« Il y a beaucoup de gens en colère là-bas », a dit M. Temple-Murray en désignant l’aéroport.

D’autres voyageurs se sont tournés vers les réseaux sociaux pour exprimer leur frustration – parfois dans un langage coloré.

Un client a affirmé que la compagnie aérienne ne l’avait informé qu’à 23 h 12 samedi que leur vol du lendemain au départ de Las Vegas avait été annulé, qualifiant cette décision de dernière minute de « comportement de salaud ».

Accusations de part et d’autre

WestJet et l’Airplane Mechanics Fraternal Association (AMFA) ont accusé l’autre partie de refuser de négocier de bonne foi.

Le président de WestJet Airlines, Diederik Pen, a critiqué ce qu’il appelle les « actions imprudentes continues » du syndicat, qui fait selon lui des « efforts flagrants » pour perturber les projets de voyage des Canadiens, tandis que le syndicat soutient que l’entreprise basée à Calgary a refusé de répondre à sa dernière contre-proposition.

Dimanche, la partie syndicale a déclaré que ses membres étaient « victimes de la campagne de relations publiques virulente de WestJet selon laquelle [ils sont] des contrevenants », citant des « calomnies » contre les travailleurs concernant leur droit de grève.

Les moyens de pression surviennent après que les membres du syndicat ont voté massivement en faveur du rejet d’un accord de principe avec WestJet à la mi-juin et après deux semaines de négociations tendues entre les deux parties.

Alors que l’on s’approchait de la date limite de grève de vendredi, l’impasse a incité le ministre du Travail Seamus O’Regan à intervenir, exigeant que la compagnie aérienne et le syndicat entreprennent un arbitrage exécutoire dirigé par le tribunal du travail du pays.

Ce processus évite généralement un arrêt de travail. WestJet le pensait certainement, affirmant que le syndicat avait « confirmé qu’il respecterait les instructions ».

« Dans ces conditions, aucune grève ou lock-out n’aura lieu et la compagnie aérienne ne procédera plus à l’annulation de vols », a déclaré jeudi la compagnie aérienne.

L’AMFA a adopté un point de vue différent. Le comité de négociation syndical a déclaré qu’il « se conformerait à l’ordre du ministre et demanderait à ses membres de s’abstenir de toute action illégale ». Moins de 24 heures plus tard, les travailleurs étaient sur les lignes de piquetage.

Une décision du Conseil canadien des relations industrielles semble confirmer la légalité de leurs actions, quels que soient les protocoles entourant l’arbitrage, un processus qui évite généralement les arrêts de travail plutôt que de les déclencher.

« Le conseil estime que le renvoi ministériel n’a pas pour effet de suspendre le droit de grève ou de lock-out », a écrit le tribunal vendredi.

M. O’Regan a déclaré le lendemain que la décision du conseil d’administration était « clairement incompatible » avec les instructions qu’il avait données, mais a ajouté plus tard qu’il respectait l’indépendance de l’organisme. Il a rencontré les deux parties samedi soir.

« Je leur ai dit qu’ils devaient travailler ensemble avec le Conseil canadien des relations industrielles pour résoudre leurs différends et conclure leur premier accord », a-t-il écrit dans une publication sur les réseaux sociaux.

M. O’Regan dispose de larges pouvoirs en vertu du Code canadien du travail. Bien que sa directive initiale au tribunal d’arbitrage exécutoire a pu supposer qu’une grève était exclue en raison d’un précédent, le ministre du Travail pourrait prendre une série de mesures pour « assurer la paix sociale et promouvoir des conditions favorables au règlement des conflits du travail », précise la législation.

« À ces fins, le ministre peut […] ordonner au conseil de prendre les mesures qu’il juge nécessaires. »

Le premier ministre de la Saskatchewan, Scott Moe, a déclaré dimanche dans un message sur les réseaux sociaux que le gouvernement fédéral « peut faire ce qu’il faut en intervenant pour mettre fin à l’arrêt de travail aujourd’hui ».

La première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, a lancé un message similaire.

Les deux parties devaient se rencontrer dimanche, a indiqué le syndicat.

« Territoire inconnu »

« C’est un territoire inconnu. Nous brisons ici un nouveau précédent », a affirmé Ian Evershed, mécanicien et représentant syndical impliqué dans les négociations, lors d’un entretien téléphonique dimanche.

L’objectif du syndicat reste un accord conclu par la négociation plutôt que par l’arbitrage – une voie à laquelle il s’est opposé dès le départ.

« Ce processus pourrait prendre des mois », a-t-il lancé, soulignant qu’une grève exerce une pression sur l’employeur. Cette position est en contradiction avec la déclaration de WestJet selon laquelle les moyens de pression se résumaient à de « pures représailles » étant donné qu’un accord serait réglé par arbitrage de toute façon.

« C’était notre seule décision », a stipulé M. Evershed, ajoutant qu’un accord négocié pourrait encore voir le jour.

Dans un mémoire soumis au tribunal la semaine dernière, les avocats de WestJet ont déclaré que le syndicat recherchait « un résultat déraisonnable et extorquant » et avait intentionnellement manœuvré pour placer la date de grève au plus fort des voyages d’été.

Le syndicat affirme que ses revendications salariales coûteraient à WestJet moins de 8 millions de plus que ce que l’entreprise a offert pour la première année de la convention collective – le premier contrat entre les deux parties. Il a reconnu que les salaires seraient plus élevés que la rémunération des collègues de l’industrie à travers le Canada et seraient plus comparables à ceux de leurs homologues américains.

WestJet affirme avoir proposé une augmentation salariale de 12,5 % au cours de la première année du contrat, ainsi qu’une augmentation salariale composée de 23 % pour le reste des cinq ans et demi.

Pendant ce temps, les turbulences du week-end ont fait le bonheur de certains.

« Nous constatons une énorme augmentation des réservations, probablement due à des passagers qui se démènent pour sauver leur long week-end », a rapporté Kim Bowie, porte-parole de Flair Airlines, une compagnie aérienne à bas prix basée à Edmonton.

Avec Vincent Larin, La Presse