(New York) Le ministère américain de la Justice compte proposer à Boeing un nouvel accord de poursuites différées (DPA), mais avec nomination d’un superviseur indépendant, jugeant un procès trop risqué pour la survie de l’avionneur, a écrit vendredi le New York Times (NYT).

Un responsable du ministère a néanmoins démenti, auprès d’un avocat de parties civiles, avoir pris une décision.

Le quotidien new-yorkais, faisant référence à des sources proches des discussions, a rapporté qu’après un « intense débat interne, de hauts responsables du ministère paraissent avoir conclu que poursuivre Boeing serait trop risqué juridiquement ».

Ils « considèrent que la nomination d’un superviseur indépendant est une façon plus rapide et plus efficace de s’assurer » que Boeing améliore ses processus de production et de contrôle de qualité, a poursuivi le journal.

Le ministère a prévenu mi-mai d’un risque de poursuites pénales contre l’avionneur pour non-respect d’un accord conclu le 7 janvier 2021 après l’écrasement de deux 737 MAX 8, ayant fait 346 morts.

Boeing a officiellement contesté ces conclusions mi-juin.

Le ministère doit désormais se positionner. Il s’est engagé à faire connaître, au plus tard le 7 juillet, sa décision au juge fédéral du Texas chargé de cette affaire.

Sollicités par l’AFP au sujet des informations du NYT, Boeing et les avocats des familles dans le volet civil n’ont pas réagi. Le ministère s’est refusé à tout commentaire.

« Cet article est tout simplement incorrect », a fait savoir un responsable du ministère à Paul Cassell, professeur de droit à l’université de l’Utah et avocat des familles pour le volet pénal, dans un courriel que ce dernier a relayé auprès de médias.

Aucune décision

« Le ministère n’a pas pris de décision sur la façon de procéder ni sur l’opportunité de poursuivre Boeing », lui a assuré Glenn Leon, chef de la section fraude du service pénal au ministère, s’engageant à l’informer de « toutes décisions majeures » dans cette affaire.

« Nous espérons que le démenti du ministère […] n’est pas un stratagème pour gagner du temps afin de parvenir à un autre DPA avec Boeing », a réagi M. Cassell. « Le premier DPA a échoué. Il n’y a pas de raison de penser qu’un second ferait mieux ».

« Il est temps de mettre un terme à cette affaire en allant au procès et en obtenant un verdict de culpabilité contre Boeing », a-t-il poursuivi.

Accusé de fraude dans le processus de certification du 737 MAX – son avion-vedette –, Boeing avait accepté en 2021 de payer 2,5 milliards de dollars et s’était engagé, entre autres, à renforcer son programme de conformité.

Il prévoyait une mise à l’épreuve de trois ans.

Mais l’avionneur multiplie, surtout depuis début 2023, les problèmes de production et de contrôle de qualité sur trois de ses quatre avions commerciaux (737 MAX, 787 Dreamliner et 777).

L’incident en vol sur un 737 MAX 9 d’Alaska Airlines le 5 janvier, dont une porte-bouchon-opercule condamnant une issue de secours redondante-s’est détachée, a été de trop.

Crucial pour l’économie américaine

Des enquêtes ont été ouvertes par les régulateurs, la justice et des commissions parlementaires, dont certains membres plaident pour des poursuites.

Des familles de victimes des écrasements réclament également un procès pénal contre le groupe et ses dirigeants, ainsi qu’une amende de près de 25 milliards de dollars.

Dave Calhoun, patron de Boeing depuis début 2020 et qui doit partir d’ici la fin de l’année en retraite anticipée à cause des problèmes de l’avionneur, a reconnu mardi devant une commission d’enquête sénatoriale la « gravité » de la situation. Il a affirmé que des progrès avaient déjà été effectués.

Mais, selon le NYT, un procès pénal entraîne souvent le dépôt de bilan de l’entreprise visée. Or Boeing est un groupe crucial pour l’économie américaine et pour la sécurité nationale.

D’après le quotidien, une condamnation pénale pourrait l’exclure des contrats gouvernementaux et militaires américains.

Sa branche Défense, Espace et Sécurité (BDS) a généré quasiment 25 milliards de dollars en 2023, soit près d’un tiers du chiffre d’affaires du groupe.