(New York) Les actionnaires d’ExxonMobil ont reconduit mercredi, lors de leur assemblée générale, la totalité du conseil d’administration du géant américain du gaz et du pétrole, après des contestations liées au changement climatique.

Le groupe, qui n’affiche aucun remords à investir dans l’industrie pétrolière malgré les répercussions sur le climat, a en effet adopté une posture plus combative que les années précédentes pour cette édition qui s’est déroulée par vidéoconférence.

Il a lancé des poursuites contre deux groupes d’actionnaires – l’ONG Follow This et la société d’investissements militante Arjuna Capital – qui voulaient soumettre aux porteurs de titres une résolution prévoyant une limitation des émissions de gaz à effet de serre.

Les deux entités ont renoncé, mais le géant leur réclame le remboursement des frais judiciaires.

Cette réplique brutale lui a attiré de vives critiques de la part du fonds souverain norvégien et du fonds de retraite des fonctionnaires de Californie (CalPERS), l’un des plus grands aux États-Unis.

« Nos investisseurs ont envoyé un puissant message », a annoncé le groupe dans une brève déclaration envoyée à l’AFP à l’issue de l’assemblée.

Leur vote illustre la conviction que nous sommes sur la bonne voie, en réélisant de manière écrasante nos administrateurs et en rejetant massivement les quatre résolutions qui auraient entravé notre capacité à créer de la valeur sur le long terme.

Extrait d’une déclaration d’ExxonMobil

Les 12 candidats au conseil ont recueilli en moyenne 95 % des votes (96 % en 2023) – qui représentaient environ 84 % des droits de vote –, avec une fourchette allant de 87 % à 98 %.

Un nombre important de votes défavorables aurait pu illustrer le ressentiment des actionnaires à l’égard des tactiques du groupe.

CalPERS avait relevé en amont que le changement climatique représentait « une grave menace pour les rendements des investissements de long terme » et que l’attitude belliqueuse d’ExxonMobil pourrait entraîner des conséquences « dévastatrices » sur la gouvernance des entreprises.

« Si ExxonMobil parvient à éteindre les voix et à bouleverser les règles de la démocratie au sein de l’actionnariat, quels autres sujets les dirigeants d’une société vont-ils considérer comme chasse gardée ? La sécurité au travail ? Les rémunérations excessives des dirigeants ? », avait relevé le fonds de retraite, comptant voter contre tous les candidats « pour envoyer le message que [ses] voix ne seront pas réduites au silence ».

Actionnaires militants

Les racines de la controverse remontent au mois de décembre lorsque Follow This et Arjuna ont réclamé un vote des actionnaires sur une mesure exigeant d’ExxonMobil une accélération de la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre.

Ce projet établissait des objectifs et un calendrier d’abaissement des émissions indirectes (Scope 3), c’est-à-dire incluant toute la chaîne depuis les fournisseurs jusqu’aux consommateurs.

Mais, pour le groupe pétrolier, cette proposition était identique à celle rejetée par près de 90 % de ses actionnaires en 2023.

La gestion de telles résolutions est « coûteuse et gourmande en temps », argumente le groupe dans le cadre de ses poursuites, affirmant que ladite proposition « ne cherchait pas à améliorer les performances économiques d’ExxonMobil ni à créer de la valeur pour les actionnaires ».

« L’objectif principal des parties défenderesses est de forcer ExxonMobil à changer la nature de ses activités de base ou à faire faillite dans son entièreté », a-t-il poursuivi.

Peu après le lancement de ces poursuites en janvier devant un tribunal fédéral du Texas, Arjuna et Follow This ont retiré leur proposition.

Mais leur adversaire n’a pas sonné le repli de son côté.

Le juge fédéral Mark Pittman a accepté la semaine dernière de cesser la procédure à l’encontre de Follow This, estimant que le tribunal n’était pas compétent pour statuer sur cet organisme établi aux Pays-Bas. Mais il a autorisé sa continuation contre Arjuna.

Dans un courrier du 27 mai adressé à ExxonMobil, la société d’investissements a rejeté les accusations contre elle.

D’après Natasha Lamb, membre de l’équipe dirigeante d’Arjuna, la mobilisation de cette dernière à l’égard du changement climatique « est nécessaire pour assurer le succès de son avenir financier ».

Elle s’est engagée à ne plus émettre de proposition liée au changement climatique chez ExxonMobil, espérant par ailleurs que le groupe « arrête ses poursuites ».

Le titre d'ExxonMobil a cédé 1,07 % à la Bourse de New York, à 113,63 $.