(Toronto) Les travailleurs du principal détaillant d’alcool de l’Ontario, qui affirment que le projet du gouvernement d’ouvrir le marché de l’alcool constitue une menace existentielle pour leurs emplois, sont maintenant en grève et les magasins devraient rester fermés pendant au moins 14 jours.

Des milliers de travailleurs de la Régie des alcools de l’Ontario (LCBO) ont amorcé une grève vendredi matin lors de la première interruption de travail de ce type dans l’histoire du détaillant, après des mois de négociations contractuelles entre leur syndicat et la direction qui n’ont pas abouti à un nouvel accord.

Le Syndicat des employés de la fonction publique de l’Ontario (SEFPO) avait initialement fixé la date limite de grève à 0 h 01 vendredi. Passé cette heure, le syndicat a partagé une vidéo de travailleurs manifestant devant un entrepôt de la LCBO à l’est de Toronto.

« Bienvenue dans l’été sec de Doug Ford », lit-on dans la légende de la vidéo publiée sur les médias sociaux du syndicat.

Le SEFPO craint des pertes d’emplois après que le gouvernement du premier ministre Doug Ford a annoncé son intention d’ouvrir le marché de l’alcool pour permettre aux dépanneurs et à toutes les épiceries de vendre de la bière, du vin et des cocktails prêts à boire.

Le syndicat affirme que le plan accéléré visant à privatiser davantage les ventes d’alcool menace l’avenir de la LCBO ainsi que ses recettes publiques.

La première étape devrait démarrer dans moins d’un mois, lorsque les épiceries qui vendent déjà de la bière et du vin pourront vendre des cocktails prêts à boire. Les dépanneurs pourront quant à eux commencer à vendre de la bière, du vin, du cidre et des cocktails prêts à boire à partir du 5 septembre.

La Commission des alcools et des jeux de l’Ontario a annoncé en juin qu’elle avait accordé près de 1900 permis à des dépanneurs quelques jours seulement après l’ouverture des demandes.

« Nous serons à la table de négociation si le gouvernement veut réellement répondre à certaines de nos principales préoccupations sur la manière de garantir un avenir à la LCBO, afin qu’elle puisse rivaliser sur un pied d’égalité avec les intérêts privés », a déclaré le président du SEFPO, JP Hornick, lors d’une conférence de presse jeudi soir.

Nous savons que la LCBO peut faire mieux, de manière plus sécuritaire, et que nous pouvons garder l’argent public dans les coffres publics.

JP Hornick, président du SEFPO

Une précédente expansion des ventes d’alcool sous l’ancien gouvernement libéral, qui a permis de mettre de la bière et du vin sur les tablettes de certaines épiceries, a maintenu les ventes de spiritueux entre les mains de la LCBO. Jusqu’à récemment, le plan de Doug Ford n’incluait pas les spiritueux.

M. Hornick a souligné que le syndicat ne s’oppose pas à ce que M. Ford respecte sa promesse électorale de 2018 de permettre la vente de bière et de vin dans les dépanneurs, mais il souhaite garder les cocktails prêts à boire hors de ces endroits.

« La balle est dans le camp du premier ministre Ford quant à la manière dont il souhaite aborder cette question. Nous pensons que l’employeur est prêt à négocier. Nous pensons qu’il y a ici de nombreux intérêts partagés, mais le premier ministre est le point de friction. »

Le ministre des Finances Peter Bethlenfalvy a écrit dans un communiqué que le gouvernement était « plus engagé que jamais » envers son plan.

« Nous sommes particulièrement déçus que le SEFPO s’oppose à donner aux Ontariens le choix et la commodité d’acheter des boissons prêtes à boire dans les épiceries et les dépanneurs. »

L’industrie inquiète

Le bureau du premier ministre Ford a fait savoir que le gouvernement n’envisageait pas de légiférer pour forcer le retour au travail.

PHOTO BRENT LEWIN, ARCHIVES BLOOMBERG

Une grève prolongée pourrait être désastreuse pour les bars et les restaurants de la province, selon un responsable de l’industrie.

Il y a environ 14 000 restaurants et bars ontariens qui dépendent de la LCBO. Environ la moitié d’entre eux avaient du mal à atteindre le seuil de rentabilité avant la grève, a souligné Kris Barnier, vice-président de Restaurants Canada.

Les ventes d’alcool représentent en moyenne environ 30 % des revenus de ses membres, a-t-il estimé. Mais cette proportion est bien plus élevée pour les discothèques et les pubs, où plus de 60 % des revenus proviennent de la vente d’alcool.

« Plus une grève dure longtemps, plus il y aura de risques. C’est une période effrayante pour notre industrie », a-t-il dit.

Il a indiqué que la LCBO avait accepté d’ouvrir cinq succursales pour que les bars et restaurants autorisés puissent acheter de l’alcool.

« Cela pourrait être une question de vie ou de mort pour de nombreuses entreprises. »

La LCBO « déçue » par la décision du syndicat

Avec cette grève, le SEFPO cherche également à obtenir des augmentations de salaire et davantage d’employés à temps plein, affirmant que 70 % de son effectif sont des employés à temps partiel.

La LCBO a déclaré que sa dernière proposition répondait à un certain nombre de revendications des travailleurs, mais que le syndicat n’avait pas fait de contre-offre. Elle s’est dite « déçue » par la décision de grève du syndicat, mais espère qu’un accord équitable pourra être conclu rapidement.

« Nous allons exploiter notre entreprise, mais ce ne sera pas comme d’habitude », peut-on lire dans un communiqué de la LCBO publié vendredi matin.

Les succursales de la LCBO seront fermées pour les 14 prochains jours, mais les commandes en ligne seront disponibles avec livraison gratuite à domicile, bien que des limites de produits s’appliquent.

La grève ne touche pas les succursales de la LCBO dans les petites communautés, et les ventes se poursuivent également dans les épiceries, les établissements vinicoles privés, les brasseries et les distilleries, ainsi que dans les bars, les restaurants et The Beer Store.

La dernière proposition de la LCBO, qui a été déposée jeudi après-midi, comprend des augmentations salariales de 2,5 % au cours des deux premières années de l’accord et de 2 % la troisième année, ainsi qu’un ajustement spécial pour certains postes d’entrepôt.

La proposition convertirait environ 400 travailleurs à temps partiel en travailleurs permanents à temps plein, améliorerait l’accès aux avantages sociaux pour les travailleurs à temps partiel, élargirait les plages de travail pour les travailleurs permanents à temps plein au détail et améliorerait les dispositions en matière d’indemnités de départ.