(Washington) En mars 2018, un jour après avoir frappé les importations de métaux de tarifs élevés, le président Donald Trump a écrit ceci sur les médias sociaux : « Les guerres commerciales sont bonnes et faciles à gagner. »

Durant son mandat, M. Trump a présidé à la plus forte hausse des tarifs américains depuis la Grande Dépression, frappant la Chine, le Canada, l’Union européenne, le Mexique, l’Inde et d’autres pays. Ils ont riposté avec des tarifs sur le soya, le jus d’orange, les motos et le whisky américains. Les exportations agricoles américaines ont chuté, ce qui a incité M. Trump à indemniser les agriculteurs à hauteur de 23 milliards de dollars.

Aujourd’hui, le candidat Trump promet d’intensifier sa guerre commerciale. Il prône des « tarifs universels de base sur la plupart des produits étrangers », plus élevés encore pour les pays qui dévaluent leur monnaie. Il évoque des tarifs de 10 % sur la plupart des importations et des tarifs de 60 % ou plus sur les produits chinois. Avec ces recettes, il propose de réduire l’impôt fédéral sur le revenu.

« Tariff Man » à la rescousse

M. Trump, qui s’est autoproclamé « Tariff Man », affirme depuis longtemps que les tarifs aideraient les usines américaines, élimineraient le déficit commercial et stimuleraient l’emploi.

Ses premiers tarifs portaient sur 400 milliards de dollars d’importations générales (acier, panneaux solaires, machines à laver) et chinoises (montres intelligentes, produits chimiques, casques de vélo, moteurs). Il estimait que taxer l’importation relancerait l’industrie manufacturière américaine, réduirait la dépendance à l’égard des produits étrangers et aiderait les entreprises américaines à rivaliser avec les produits bon marché de la Chine et d’autres pays.

Oui, cela a réduit les importations et encouragé la production industrielle américaine dans certains secteurs, notamment l’acier, les semi-conducteurs et l’équipement informatique. Mais à coût très élevé, qui a vraisemblablement annulé tous les gains. Des études montrent que les tarifs ont fait monter les prix pour les consommateurs et les usines qui dépendent des intrants étrangers, tout en réduisant les exportations américaines visées par les mesures de rétorsion d’autres pays.

PHOTO RÉMI LEMÉE, ARCHIVES LA PRESSE

En août 2020, le président Donald Trump avait annoncé des tarifs de 10 % sur les importations d’aluminium canadien, comme celui produit dans les alumineries de Rio Tinto au Saguenay.

S’il est élu, M. Trump envisage de taxer dix fois plus d’importations que durant son premier mandat, ce qui pourrait déclencher une guerre commerciale qui ferait grimper les prix et plongerait les États-Unis dans la récession, préviennent des économistes.

Selon David Autor, professeur d’économie au Massachusetts Institute of Technology (MIT), ces mesures auraient « un effet très grand et quasi instantané sur les prix ».

D’après moi, ils ne le feront pas. Ça pourrait facilement mener à une récession.

David Autor, professeur d’économie au MIT

Dans une lettre ouverte récente, 16 économistes lauréats du prix Nobel ont écrit être « très préoccupés » par les risques que fait peser M. Trump sur l’économie et sur l’État de droit.

« Nous pensons qu’un second mandat Trump aurait un impact négatif sur la position économique des États-Unis dans le monde et un effet déstabilisateur sur l’économie intérieure des États-Unis », ont-ils écrit.

M. Trump et ses partisans ont une vision très favorable des tarifs. Ils les voient comme un levier contre les gouvernements étrangers, un remède au déficit commercial avec la Chine et un facteur de création d’emplois manufacturiers.

PHOTO JADE GAO, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le port de Shenzhen, en Chine. Lorsqu’il était président, Donald Trump a invoqué des tarifs de 60 % sur certains produits importés de Chine.

« Je crois beaucoup aux tarifs. Je pense que les tarifs apportent deux choses : un gain économique, mais aussi un gain politique », a récemment déclaré M. Trump dans une émission balado.

« Des prix Nobel sans valeur »

« Le peuple américain n’a pas besoin de prix Nobel sans valeur et détachés de la réalité pour lui dire quel président a mis le plus d’argent dans ses poches », a indiqué Karoline Leavitt, porte-parole de la campagne Trump. « Le président Trump a construit l’économie la plus forte de l’histoire des États-Unis, puis, en seulement trois ans, les dépenses incontrôlées de Joe Biden ont créé la pire crise inflationniste depuis des générations. »

Les tarifs de M. Trump ont des appuis dans les secteurs qui en ont bénéficié. D’ailleurs, le président Biden a maintenu les tarifs visant la Chine. Il en a même rajouté, notamment sur les voitures électriques, l’acier et les semi-conducteurs.

PHOTO DANIEL LOZADA, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Cette usine de panneaux solaires de Perrysburg, en Ohio, a profité des tarifs imposés à la Chine.

Mais certains secteurs qui ont souffert des guerres commerciales de M. Trump ne veulent pas rejouer dans ce film. Dans le commerce de détail et les spiritueux, on craint qu’une nouvelle salve de tarifs ravive les tensions, augmente leurs coûts et les exclue de marchés d’exportation cruciaux.

Après les premiers tarifs imposés par Trump sur l’acier et l’aluminium, l’Union européenne a riposté avec des tarifs de 25 % sur le whisky américain, et les exportations de spiritueux vers l’Europe ont chuté de 20 %. Les tarifs visant la Chine ont augmenté les coûts des détaillants, qui ont dû refiler la note aux consommateurs ou réduire leurs marges.

« Il nous faut une politique commerciale, pas juste d’autres tarifs », plaide David French, vice-président de la National Retail Federation. Son groupe, qui représente les grands magasins, les sites de commerce électronique et les épiceries, a mené une campagne publicitaire télévisée contre les tarifs de Trump en 2018.

Ils ont seulement ajouté des frictions à la chaîne d’approvisionnement et coûté 220 milliards aux consommateurs. L’ancien président Trump considère le commerce comme un jeu à somme nulle – si vous gagnez, je perds, et vice versa. Le commerce ne fonctionne pas comme ça.

David French, vice-président de la National Retail Federation

L’incidence favorable ou défavorable des tarifs sur les exportations est évidente quand on observe ce qui est arrivé aux secteurs où la paix commerciale est revenue sous le président Biden : en 2021, les tarifs européens sur le whisky ont été suspendus après des négociations.

Les exportations de whisky américain vers l’Europe sont passées de 439 millions en 2021 à 705 millions en 2023.

Une étude gouvernementale a révélé que les tarifs sur l’acier et l’aluminium étrangers ont augmenté la production américaine de ces métaux de 2,2 milliards de dollars en 2021. Mais les usines américaines qui utilisent l’acier et l’aluminium pour fabriquer leurs produits (voitures, canettes, appareils électroménagers, etc.) ont payé leur matière première plus cher et leur production a baissé de 3,5 milliards la même année.

Des études suggèrent que les tarifs ont eu un effet mitigé sur l’emploi. Dans un article récent, M. Autor et d’autres économistes ont constaté que l’effet combiné des politiques commerciales de M. Trump et des mesures de rétorsion des autres pays était légèrement négatif pour les emplois américains, ou au mieux, nul.

En matière d’inflation, des études ont estimé que les ménages américains ont dû faire face à des prix plus élevés en raison des tarifs – de plusieurs centaines de dollars à plus de 1000 dollars par an.

Cet article a été publié dans le New York Times.

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