Ce n’est pas ce que la Banque du Canada voulait voir. Le soubresaut de l’inflation observé en mai au pays risque de faire réfléchir la banque centrale à un mois de sa prochaine réunion – où elle décidera si elle abaisse de nouveau son taux directeur.

Les prix des forfaits de téléphonie cellulaire, des voyages organisés, des billets d’avion et des logements ont poussé l’indice des prix à la consommation (IPC) à 2,9 % en mai, a indiqué Statistique Canada, mardi. Cela est supérieur à la hausse de 2,7 % des prix observée en avril.

C’est la première fois en 2024 que l’inflation surpasse les attentes des économistes. Ceux-ci anticipaient une croissance des prix de 2,6 % en mai.

« Il ne fait aucun doute que ce n’est pas ce que la Banque du Canada souhaitait voir, estime Douglas Porter, économiste en chef de BMO, dans une note d’analyse. Cela réduit clairement les chances d’une nouvelle baisse des taux [le 24] juillet. »

Le Mouvement Desjardins est plus nuancé. En dépit du regain observé en mai, l’inflation est demeurée dans la fourchette cible de 1 % à 3 % de la Banque du Canada pour le cinquième mois consécutif, fait remarquer le groupe financier coopératif.

Si son économiste Randall Bartlett table sur une deuxième baisse consécutive du taux directeur dans un mois, celui-ci prévient que les prochaines semaines seront déterminantes.

« Les prochains chiffres sur l’emploi et l’inflation revêtiront une importance accrue », souligne-t-il, dans un rapport.

D’ici la prochaine réunion de la Banque du Canada, les économistes auront les yeux rivés sur les prochaines données sur l’inflation, sur le portrait de Statistique Canada sur le produit intérieur brut (avril) ainsi que sur le portrait sur le chômage de l’agence fédérale.

Incertitude

Malgré tout, les plus récents indicateurs de Statistique Canada sèment le doute chez un nombre croissant d’observateurs quant au moment où l’on pourrait assister à une nouvelle diminution du taux directeur – une annonce attendue, notamment, par les détenteurs de prêts hypothécaires à taux variable.

En faisant passer son taux de base à 4,75 % le 5 juin dernier – une baisse de 25 points de base –, la Banque du Canada avait signalé que d’autres baisses étaient à venir. Jouant de prudence, son gouverneur, Tiff Macklem, n’avait toutefois pas ouvert son jeu sur la possibilité d’un nouvel assouplissement dès le 24 juillet prochain.

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Le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem

« Nous prenons nos décisions sur les taux une à la fois », avait-il répété.

Depuis, le résumé des délibérations du conseil de l’institution avait révélé que M. Macklem et ses adjoints jonglaient avec la possibilité d’attendre jusqu’en juillet pour abaisser les taux d’intérêt. Ces derniers craignaient notamment une stagnation des progrès pour mater l’inflation.

Même s’il ne faut pas voir une tendance s’installer malgré les données décevantes du mois de mai, l’économiste principal de la Banque TD James Orlando croit néanmoins que le rapport de Statistique Canada témoigne de la difficulté à renouer avec la cible inflationniste de 2 %.

« Pour cette raison, nous pensons que la Banque du Canada optera pour une pause en juillet avant de réduire de nouveau ses taux en septembre », croit-il.

Rebond à l’épicerie

Dans l’ensemble, l’augmentation des prix des services a affiché une hausse de 4,6 % en mai après l’augmentation de 4,2 % du mois précédent, note Statistique Canada.

À l’épicerie, le prix des aliments a recommencé à croître plus rapidement d’une année à l’autre en mai (1,5 %) après le ralentissement observé en avril. Cette croissance mensuelle est surtout attribuable au prix des légumes frais, de la viande et des fruits frais, d’après l’agence statistique.

Cette catégorie pèse grandement sur les dépenses des ménages depuis l’arrivée de la COVID-19, selon Statistique Canada : depuis 2020, le prix des aliments a bondi d’environ 22,5 %.

« Il s’agit d’un important vent de face pour les ménages qui risque de continuer à alimenter les comportements de la chasse aux aubaines », croit Irene Nattel, de RBC Marchés des capitaux.

Au Québec, l’inflation a grimpé en passant de 3 % en avril à 3,1 % en mai.

Rectificatif :
Une version précédente de ce texte affirmait erronément que la Banque du Canada avait abaissé son taux directeur à 4,5 %. En réalité, il a diminué à 4,75 %. Nos excuses.

En savoir plus
  • 4
    Années qui se sont écoulées avant la dernière baisse du taux directeur du 5 juin dernier
    source : la presse
    10
    Hausses du taux directeur décrétées par la Banque du Canada depuis 2022
    Source : la presse