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J’aimerais savoir si ce n’est qu’une impression, mais le fait d’augmenter le salaire minimum ne semble pas être une solution si efficace que cela. Les prix des denrées et des services augmentent en conséquence, alors quel est le gain réel ?

Mario Lamanna

En général, oui, les hausses des salaires ont un effet sur l’inflation. La plupart des économistes évoquent une répercussion complexe et à double sens : la hausse des salaires en général fait augmenter les prix, qui font à leur tour monter les salaires quand les employés négocient de meilleures conditions pour faire face à l’inflation.

« Mais la hausse du salaire minimum ne concerne que la rémunération d’une très petite fraction de l’ensemble des salariés », note Pierre Fortin, professeur émérite au département des sciences économiques à l’Université du Québec à Montréal et grand spécialiste de la question. La hausse du salaire minimum ne peut donc avoir qu’une influence microscopique sur l’indice des prix à la consommation. »

En 2023, l’Institut de la statistique du Québec dénombrait 177 000 emplois au salaire minimum, soit seulement 4 % de la main-d’œuvre salariée dans la province.

Par définition, les travailleurs au salaire minimum ont aussi un pouvoir d’achat plus faible que les autres citoyens, puisqu’ils sont les plus bas salariés de la société. L’incidence de leur salaire sur la hausse des prix est donc d’autant plus marginale : peu de chances qu’ils fassent augmenter le prix des voitures neuves, des habitations pour propriétaires occupants, des billets d’avion ou des aliments de luxe, par exemple.

Des hausses efficaces

C’est aussi ce qui rend la hausse du salaire minimum particulièrement pertinente pour améliorer leur condition, puisque l’augmentation de leurs revenus ne vient pas elle-même faire grimper le prix de ce qu’ils consomment.

« Au net, une hausse du salaire minimum fait augmenter considérablement le pouvoir d’achat réel des salaires faibles », note Pierre Fortin, qui s’est consacré à la question dans ses recherches.

À l’inverse, les hausses de salaire touchant les fonctionnaires, les travailleurs de la santé, de la construction ou de l’éducation, très nombreux dans la société, ont une incidence plus importante sur l’inflation.

Des hausses plus rapides que l’inflation

En général, Québec a d’ailleurs augmenté le salaire minimum plus vite que l’indice des prix à la consommation (IPC) 18 années sur 25 depuis l’an 2000, notent les chercheurs Suzie St-Cerny et Luc Godbout, de la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke.

Dans leur dernière étude en avril 2024, ils notent que le salaire minimum a augmenté de 26 %, alors que l’IPC a crû de 20 % durant cette période.

À chaque hausse, des organismes comme la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante et le Conseil du patronat du Québec soulignent l’effet qu’elle aura sur les prix des produits et services que vendent les PME.

Cet effet est réel, reconnaît Pierre Fortin. Mais l’inflation est calculée sur l’ensemble de l’économie. « Ça représente une très faible fraction de l’ensemble de tous les prix. »

Étant donné ses bienfaits sur le pouvoir d’achat des plus vulnérables de la société, « on veut avoir un salaire minimum aussi élevé que possible, mais pas au point de répandre le chômage parmi les travailleurs au bas de l’échelle », signale Pierre Fortin.

Selon lui, c’est donc le critère qui doit guider la politique du gouvernement en la matière : ne pas empirer la situation des pauvres en décourageant les employeurs de les embaucher.