Alors que Santé Canada s’apprête à autoriser la vente de produits issus du clonage animal sans étiquetage obligatoire, les consommateurs risquent de perdre la traçabilité sur ce qu’ils mettent dans leur assiette. L’acceptabilité sociale et morale de cette technologie reste hautement incertaine, nécessitant une meilleure communication et une véritable consultation.

Avez-vous envie de manger un bon steak qui émane d’un animal cloné ? Ou du lait provenant d’une vache clonée ? Sans l’article du journaliste Thomas Gerbet de Radio-Canada, peu de gens connaîtraient ce procédé et plusieurs groupes de producteurs agricoles réalisent avec grand regret qu’ils n’ont même pas été consultés.

Selon Santé Canada, qui vient de terminer une ronde de consultations « en catimini », ces produits pourront se vendre sans étiquetage obligatoire. Du moins, le site de Santé Canada ne contient aucune mention relative à l’étiquetage de produits clonés.

Santé Canada a mis fin à sa ronde de consultations le 25 mai dernier sur sa « Mise à jour de la politique sur les aliments dérivés d’animaux clonés par transfert de noyaux de cellules somatiques et de leur descendance ». Cette mise à jour propose essentiellement que les produits issus du clonage ne soient plus soumis à une évaluation préalable à la mise en marché, conformément au titre 28 de la partie B du Règlement sur les aliments et drogues.

Mais qu’est-ce que le clonage d’animal ? L’objectif du clonage vise à créer une copie génétique d’un animal en substituant le noyau d’un ovule non fécondé (cellule-œuf) à celui d’une cellule somatique de l’animal, ce qui forme un embryon. Cet embryon est ensuite implanté dans l’utérus d’une femelle porteuse, où il se développe jusqu’à la naissance.

L’insémination artificielle, pratique bien ancrée dans l’industrie, consiste à collecter le sperme d’un mâle et à l’introduire artificiellement dans le système reproducteur d’une femelle pour faciliter la fertilisation.

Ce processus aboutit à une reproduction sexuée traditionnelle, conservant ainsi la variabilité génétique. Mais le clonage va plus loin puisqu’il produit des animaux génétiquement identiques au donneur, sans variabilité génétique.

Quant à la salubrité et à l’innocuité des aliments, ces produits ne posent aucun danger pour la santé humaine. Mais qu’en est-il de l’acceptabilité sociale et morale de ce type de pratique ? Les consommateurs risquent fort de ne pas approuver cette technologie de façon inconditionnelle, surtout sans étiquetage. Pour la production plus traditionnelle, entremêler ce genre de produit avec les autres peut aussi affecter la perception des consommateurs pour l’ensemble d’une catégorie, particulièrement les viandes et produits laitiers.

On y retrouve un peu le syndrome du saumon génétiquement modifié qui est arrivé sur le marché et qui a été rejeté aussitôt par les diverses enseignes. Même si ces produits ne présentent pas de risques, non seulement il convient d’expliquer la technologie, mais il devient aussi essentiel que les consommateurs comprennent bien l’astuce et le besoin d’un tel procédé, pour eux et pour l’industrie.

Pour l’industrie, le besoin de changer les règles reste nébuleux. Le clonage s’obtient par un processus coûteux. Et même si les coûts de production diminuent en raison du clonage, l’argument selon lequel les prix au détail fluctueront pour aider les consommateurs demeure invraisemblable.

Sans étiquetage, il devient difficile d’offrir un vrai choix éclairé aux consommateurs. Nous avons vu les mêmes bêtises avec le génie génétique et les OGM. Santé Canada se prépare à reconnaître l’évolution technologique qui affecte notre industrie agroalimentaire sans démontrer le moindre respect envers les consommateurs.