(Washington) Le Bureau du représentant américain au Commerce déclare qu’il fera le nécessaire pour mettre fin à la taxe canadienne sur les grandes entreprises étrangères de services numériques.

Le mois dernier, le Parlement a approuvé le projet du gouvernement de Justin Trudeau d’imposer une taxe de 3 % aux géants étrangers de la technologie qui génèrent des revenus grâce aux utilisateurs canadiens. Ces entreprises devront maintenant payer des impôts sur ces revenus au Canada.

Puisqu’un grand nombre d’entre elles sont établies aux États-Unis, l’industrie américaine réclame des mesures.

L’Association de l’industrie de l’informatique et des communications, qui représente plusieurs grandes entreprises technologiques telles qu’Amazon, Apple et Uber, a demandé à l’administration Biden de prendre des mesures officielles dans le cadre de l’accord de libre-échange entre les États-Unis, le Mexique et le Canada.

Jonathan McHale, vice-président du commerce numérique de l’association, a écrit dans un communiqué qu’« avec la taxe canadienne sur les services numériques devenue loi, le moment est venu d’annoncer des mesures ».

Dix autres associations professionnelles ont envoyé une lettre à la représentante américaine au Commerce, Katherine Tai, pour lui demander une réponse ferme.

Un responsable du Bureau du représentant américain au Commerce a affirmé qu’il était ouvert à l’utilisation de tous les outils à sa disposition.

La taxe numérique faisait partie de la plateforme électorale libérale lors de la campagne de 2019. Les conservateurs et les néo-démocrates ont également proposé une taxe similaire.

Le gouvernement Trudeau a toutefois retardé sa mise en œuvre afin de consacrer plus de temps aux efforts mondiaux visant à établir un plan fiscal multinational plus vaste.

Discussions

Une porte-parole de la ministre des Finances, Chrystia Freeland, a déclaré que la priorité et la préférence du Canada ont toujours été un accord multilatéral.

« Le gouvernement canadien a clairement indiqué depuis plusieurs années qu’il irait de l’avant avec sa propre taxe sur les services numériques si un accord mondial n’était pas conclu. Nous sommes déterminés à protéger les intérêts économiques nationaux du Canada », a écrit Katherine Cuplinskas dans un courriel.

D’autres pays ont instauré des outils similaires pour taxer les bénéfices des grandes multinationales du secteur numérique. Les détracteurs de la mesure canadienne souhaitent qu’Ottawa la mette en suspens afin de donner à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) plus de temps pour mettre en place un cadre mondial.

Toutefois, celui-ci a connu d’importants retards, en particulier aux États-Unis, où les initiatives visant à signer l’accord pourraient rester bloquées par le contexte politique d’un Congrès divisé.

Les libéraux ont maintenu qu’ils avaient été clairs avec leurs homologues américains sur le fait que le Canada appliquerait la taxe si le cadre mondial n’évoluait pas.

David Cohen, ambassadeur des États-Unis au Canada, a déclaré que les discussions entre le département du Trésor américain, le représentant commercial et le ministère des Finances canadien étaient en cours.

« Nous continuons de discuter de nos préoccupations avec le Canada et espérons qu’elles pourront être résolues afin d’éviter d’avoir à spéculer sur la réaction possible des États-Unis, a fait savoir M. Cohen dans un communiqué envoyé par courrier électronique.

La Chambre de commerce des États-Unis a affirmé le mois dernier dans un communiqué de presse que la taxe canadienne contrevenait à ce cadre mondial et aux principes fiscaux internationaux.

« En cette période très délicate des relations commerciales entre le Canada et les États-Unis, nous demandons au gouvernement du Canada de reconsidérer ce nouveau prélèvement unilatéral et discriminatoire, de s’abstenir de désigner sa mise en œuvre et de se joindre à nouveau au processus multilatéral, en reconnaissance de l’importance d’une approche commune du marché nord-américain. »

« Nid de frelons »

Le moment est problématique avec la révision imminente de l’accord commercial Canada-États-Unis-Mexique en 2026, a déclaré John Dickerman, qui dirige le bureau de Washington du Conseil canadien des affaires. Cela risque de séparer le Canada d’un partenaire économique essentiel.

« Vous frappez dans un nid de frelons », a prévenu M. Dickerman.

Si le Canada se met dans une position où il s’aliène les entreprises et les autres pays, M. Dickerman estime qu’il devient un endroit moins attrayant pour faire des affaires.

« Ce n’est pas le moment pour nous de travailler les uns contre les autres, a-t-il dit. C’est le moment pour nous de travailler ensemble. »