De la fumée dans la cabine. Un pneu crevé. Un pare-brise fissuré. Les avaries durant des vols ne manquent pas. Elles nourrissent l’anxiété des voyageurs et causent des milliers de retards et d’annulations. Malgré les frustrations et la peur provoquées par ces évènements, il n’est pas simple d’en interpréter la gravité. Voici quelques règles pour se faire une opinion sur ce qui se passe.

Les problèmes sont monnaie courante

Plusieurs incidents aéronautiques ont fait la une récemment : un plongeon brutal vers l’océan, une vive oscillation qui a endommagé la queue d’un avion et un moteur qui semblait en feu juste avant un décollage.

Mais les incidents les plus courants, même s’ils font dresser les cheveux sur la tête, sont généralement sans gravité, disent les experts.

Une fuite hydraulique, par exemple, est un évènement que les pilotes prennent au sérieux, mais qui n’est pas aussi perturbant qu’il y paraît. Les avions ont des systèmes hydrauliques de secours pouvant actionner le train d’atterrissage, les freins, les ailerons, les commandes de vol, bref, tout ce qu’il faut pour décoller, voler et atterrir. Une sortie de piste fait une vidéo captivante (et une expérience inoubliable pour les passagers). Mais endommage-t-elle l’avion ? Menace-t-elle la sécurité des occupants ? Pas nécessairement.

Il en va de même pour les multiples enjeux mécaniques ou d’entretien pouvant survenir avant le décollage et qui peuvent retenir l’avion à la porte d’embarquement ou l’y ramener après qu’il a roulé. Ces incidents doivent être analysés et traités, mais sont souvent mineurs, selon les experts.

Le pilote se dit : “J’ai été très bien formé, j’ai une connaissance approfondie de cet appareil, et la prudence dicte qu’on fasse demi-tour et sollicite les experts.” C’est le système qui fonctionne parfaitement. C’est une bonne chose.

Shawn Pruchnicki, ex-pilote de ligne et chargé de cours au Centre d’études aéronautiques de l’Université d’État de l’Ohio

Parfois, ces problèmes causent l’annulation d’un vol ou mettent l’avion hors service. Mais dans d’autres cas, ils sont vite résolus. Les avions sont équipés de dispositifs de sécurité, il arrive qu’un système défaillant soit simplement remplacé par un autre en appuyant sur un bouton et que le vol se poursuive en toute sécurité.

Défier la gravité en volant est complexe, un exploit qui se produit des milliers de fois chaque jour dans des conditions multiples. Personne ne devrait être surpris qu’il y ait parfois des incidents, souligne Amy Pritchett, pilote et professeure d’ingénierie aérospatiale à l’Université d’État de Pennsylvanie.

« De petits composants grillent ou cassent constamment. Parfois, un nid-de-poule dans la voie qui mène à la piste de décollage cause une secousse et secoue quelque chose. On examine toujours si les conditions météo sont adéquates, s’il y a des turbulences. Toutes ces variables doivent être gérées », dit-elle.

PHOTO PATRICK T. FALLON, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Après qu’un panneau de fuselage s’est détaché d’un Boeing 737 MAX lors d’un vol en janvier, l’avionneur a fait l’objet d’un examen minutieux, à juste titre, selon les experts.

Voler est sûr

Les voyageurs doivent savoir que les problèmes graves en vol sont extrêmement rares, selon les experts.

L’avion est plus sûr que la voiture ou le train parce que la sécurité est intégrée dans la conception de tous les éléments, du contrôle du trafic aérien à l’avion lui-même. Les systèmes et procédures importants ont des sauvegardes, les points de défaillance uniques sont rares, la formation des pilotes est intense et continue, et les transporteurs prévoient de nombreuses éventualités.

« C’est le moyen de transport le plus sûr jamais conçu », affirme John Cox, ex-pilote de ligne devenu expert en sécurité. « Soyez prudent au volant en route pour l’aéroport. »

Au cours des dernières décennies, la sécurité de l’aviation commerciale aux États-Unis a été multipliée par plus de quarante, selon une analyse réalisée en 2022 par les Académies nationales.

Voici les principales causes d’accidents, selon le National Transportation Safety Board (NTSB) : turbulences, atterrissages durs, collisions au sol avec d’autres avions ou véhicules, et défaillances de composants (avarie d’un volet d’aile ou d’un moteur).

PHOTO NATIONAL TRANSPORTATION SAFETY BOARD, VIA REUTERS

Le moteur tribord endommagé d’un Boeing 777-200 de United Airlines, lors d’une inspection menée conjointement avec le NTSB à l’aéroport de Denver, au Colorado, le 22 février 2021, après une panne survenue le 20 février.

Si l’aviation est si sûre, c’est aussi parce que ce secteur a comme pratique de réagir à tout problème, aussi bénin semble-t-il. Aux États-Unis, les transporteurs, les fabricants et des agences comme la Federal Aviation Administration (FAA) et le NTSB surveillent et examinent en permanence les risques et dangers du transport aérien.

« Les systèmes de surveillance du transport aérien commercial sont d’un niveau très élevé », affirme Mme Pritchett. Mais tous les acteurs doivent demeurer vigilants dans l’évaluation des risques et dangers, ajoute-t-elle.

Et si des vols sont parfois détournés de leur destination, c’est généralement un reflet de la prudence des pilotes, des transporteurs et des contrôleurs, et non une situation d’urgence. « Pourrait-on se rendre à destination ? Oui, mais est-ce l’option la plus sûre ? », explique Kenneth Byrnes, pilote, professeur et directeur de la formation des pilotes à l’Embry-Riddle Aeronautical University.

Garder les choses en perspective

Lorsqu’un accident survient, il faut considérer le contexte, selon les experts.

Les voyageurs peuvent avoir noté que de nombreux problèmes semblent affecter deux appareils, le Boeing 737 et l’Airbus A320. Or, ces familles d’avions représentent plus de la moitié des avions commerciaux en service : elles sont naturellement les plus représentées dans la couverture médiatique.

Les experts mettent en garde contre le biais de confirmation. Quand un transporteur ou un fabricant est nommé après un incident, les médias et le public sont plus attentifs à tout autre problème impliquant la compagnie, même s’il n’a pas grand-chose à voir avec la compagnie ou s’il n’est pas assez important pour attirer l’attention des autorités.

PHOTO LINDSEY WASSON, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Un Boeing 737 MAX se posant à l’aéroport Boeing de Seattle en 2020. Les 737 MAX ont été cloués au sol durant 20 mois après deux écrasements en 2018 et en 2019 ayant fait 346 morts au total.

« Quand quelque chose arrive, il faut du temps pour établir les faits et les causes exactes », souligne Jeff Guzzetti, qui a été enquêteur en accidents pour la FAA et le NTSB. « Ça prend plus de temps qu’un cycle d’information ou deux. »

Il faut parfois des mois, voire plus d’un an au NTSB pour boucler une enquête, qui débouche sur des recommandations visant à prévenir de futurs accidents.

Après qu’un panneau de fuselage s’est détaché d’un 737 MAX lors d’un vol en janvier dernier, Boeing a fait l’objet d’un examen minutieux, à juste titre, selon les experts. Mais plusieurs d’entre eux disent avoir été souvent appelés par des journalistes par la suite, au sujet de problèmes impliquant des Boeing dans des affaires qui n’avaient pas grand lien avec l’avionneur.

« Ce n’est pas parce qu’un avion Boeing a un problème mécanique que cela a nécessairement un rapport avec Boeing », dit M. Pruchnicki.

Dans l’épisode du panneau de fuselage, l’avion était presque neuf, ce qui a attiré l’attention sur son fabricant. Mais si un problème survient sur un appareil livré des années plus tôt et ayant volé en toute sécurité depuis, le constructeur n’est probablement pas en faute, disent les experts.

Cet article a été publié dans le New York Times.

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