Nul n’est censé ignorer la loi. Faute d’alternative viable, semble-t-il, nous prenons collectivement le risque d’exposer nos données, personnelles ou non, en acceptant de les confier à des centres d’hébergement à propriété étrangère.

Elles portent le nom de Could Act ou FISA, et sont des lois qui autorisent le gouvernement américain à demander l’accès aux données hébergées par des entreprises américaines, quel que soit le pays où ces données sont physiquement stockées. Et des données, on en génère une quantité phénoménale. Le monde devrait créer, capturer, copier et consommer potentiellement 175 zettaoctets d’ici 2025.

Admettons que le disque dur de votre ordinateur chez vous ait une capacité d’un téraoctet, cela représente un total de presque 188 milliards d’ordinateurs, soit un peu plus de 23 ordinateurs pour chaque habitant sur la Terre, dont les disques durs seraient rendus au maximum de leur capacité. Et toute cette donnée est accaparée à hauteur de 43 % par des entreprises américaines.

On pourrait donc croire que le principe de souveraineté numérique est basé sur cet état de fait. Dans la réalité, ce principe a d’abord été évoqué dès 1997 par Pierre Bellanger, alors président de Skyrock (une station musicale FM française), puis défini plus précisément en 2011, comme « la maîtrise de notre présent et de notre destin tels qu’ils se manifestent et s’orientent par l’usage des technologies et des réseaux informatiques ».

Un principe qui a pris toute son importance avec des évènements comme les révélations d’Edward Snowden en 2013 (sur la surveillance mondiale de tous les moyens de communication par la NSA) et le scandale Cambridge Analytica en 2015 (qui réfère à l’utilisation non autorisée des données personnelles de 87 millions d’utilisateurs Facebook pour influencer les élections politiques, notamment l’élection présidentielle américaine de 2016).

Un principe qui, en 2024, année d’élections pour plus de la moitié de la population terrestre, renforce encore un peu plus sa proposition de valeur.

Si l’Union européenne a mis en place des réglementations pour encadrer le partage des données, afin de renforcer la souveraineté numérique des États membres, qu’en est-il chez nous ?

Si l’on se fie à l’Institut d’études internationales de Montréal, le Québec met l’accent sur la gouvernance des données pour réduire sa dépendance vis-à-vis des grandes entreprises technologiques étrangères et pour protéger les données personnelles de ses citoyens.

Mais dans cette même étude, il est mentionné que le Canada et le Québec sont particulièrement dépendants des États-Unis en matière numérique, et que pour contrer cette dépendance, le Québec cherche à développer un tissu local de production numérique, incluant des solutions de stockage de données et des technologies de pointe.

Seulement voilà, face à une Silicon Valley particulièrement innovante avant l’heure, les hébergeurs américains dominent aujourd’hui le marché mondial, et leur capacité d’innovation, leurs infrastructures globales, leurs investissements massifs et leur portée mondiale leur permettent de fournir des services aussi diversifiés que leur clientèle internationale.

Les hébergeurs québécois, quant à eux, disposent certes de ressources plus limitées et d’une plus faible capacité à innover, les contraignant à se concentrer principalement sur le marché local, mais ils ont au moins pour eux des solutions qui respectent les réglementations canadiennes et québécoises en matière de protection des données.

Alors « trop peu trop tard » pour penser qu’un jour nous pourrions penser nous doter d’une souveraineté numérique ?

Le projet semble fragile, mais il faut compter sur notre créativité, celle qui nous permettra de regarder le tout sous un autre prisme, qui nous permettra d’activer des leviers qui feront plier la croissance effrénée de génération de données que les géants du numérique ne cessent de nous imposer, sous le couvert d’une fluidité de l’information pratique à la croissance de notre économie.

Notre planche de salut passe certainement plus par le contrôle de nos données que par leur hébergement, et ce contrôle passe quant à lui par un juste retour de balancier de la monétisation que les géants du numérique en font.