Alors que le Canada et le Québec ont besoin plus que jamais d’électricité, ils n’en ont jamais produit aussi peu. La production totale d’électricité au pays a atteint l’an dernier son plus bas niveau depuis que les statistiques existent, malgré l’ajout de nouvelles installations de production.

La presque totalité de cette baisse de production est due aux conditions météorologiques, explique Statistique Canada dans une étude récente. Environ 60 % de l’électricité produite au Canada est de l’hydroélectricité, dont la performance est directement liée aux conditions météo.

La baisse de la production d’électricité au Canada s’explique par la sécheresse qui a affecté les trois principales provinces productrices d’hydroélectricité. Le Québec a produit 9,3 % de moins d’électricité en 2023 qu’en 2022, ce qui a creusé un trou de 1 milliard de dollars dans les finances d’Hydro-Québec et celles de son actionnaire gouvernemental. La Colombie-Britannique a été encore plus touchée, avec une baisse de 21,5 % de sa production hydroélectrique ; celle du Manitoba a reculé de 12,1 %.

Une nouvelle réalité

Le monde moderne est de plus en plus dépendant de l’électricité, constate François Bouffard, spécialiste de l’énergie et professeur à l’Université McGill. « Le Québec l’est déjà beaucoup, mais d’autres le deviennent de plus en plus, comme l’État de New York. »

En raison de la conversion du chauffage à l’électricité et de l’électrification des voitures, l’État de New York a publié récemment des prévisions qui pointent vers une augmentation fulgurante de ses besoins d’électricité en hiver.

Pour Hydro-Québec, qui a toujours pu compter sur l’énergie disponible chez ses voisins pour les pointes de consommation en hiver, ce n’est pas une bonne nouvelle, estime François Bouffard.

Le Canada est un exportateur net d’électricité aux États-Unis – du moins, il l’était jusqu’à maintenant. En janvier et en février de cette année, les États-Unis ont exporté plus d’électricité au Canada pour la première fois depuis huit ans, selon Statistique Canada. C’est la Colombie-Britannique qui a importé le plus gros volume d’électricité américaine.

Lisez « Le Canada importe plus d’énergie américaine »

Le Québec s’est fait dépasser par l’Ontario au titre de plus important exportateur d’électricité aux États-Unis.

L’impact à long terme des changements climatiques sur la production d’hydroélectricité reste la grande inconnue. Le professeur rappelle que les experts d’Ouranos, sur lesquels s’appuie Hydro-Québec, prévoient une augmentation des apports d’eau dans le nord du Québec, où se trouvent les grands réservoirs.

« On est actuellement dans un cycle de sécheresse et on peut penser qu’avec le temps, l’équilibre va revenir », dit François Bouffard. Il rappelle que pas plus tard qu’en 2017 et en 2018, Hydro-Québec avait trop d’eau dans ses réservoirs du Nord, et elle a dû en déverser d’énormes quantités en pure perte.

Des solutions à envisager

Puisque personne ne connaît l’avenir, il faut trouver des solutions pour s’assurer de ne pas manquer d’électricité. « La nouvelle réalité fait en sorte qu’on peut certainement s’inquiéter de la résilience de nos approvisionnements en électricité », selon François Bouffard.

Des solutions existent, selon lui, à condition d’avoir la sagesse de penser les richesses énergétiques à l’échelle continentale plutôt que régionale.

Il faut plus de lignes de transport d’électricité entre le Canada et les États-Unis, plus de stockage à grande échelle et plus d’installations comme des centrales à réserves pompées qui permettent de stocker de l’eau pour la transformer en électricité quand les besoins sont plus élevés.

Chacune de ces solutions a des avantages et des inconvénients. Les lignes de transport, comme les deux que construit actuellement Hydro-Québec vers Boston et New York, serviront à diriger l’électricité dans une seule direction, soit du nord vers le sud, pendant au moins 20 ans, soit la durée des contrats, souligne-t-il.

Le stockage à grande échelle est une solution encore très coûteuse tandis que les centrales à réserves pompées ne sont possibles que dans certains sites géographiques spécifiques, qui sont peu nombreux.

François Bouffard croit toutefois que l’ingrédient qui risque de manquer est la volonté politique. Abandonner le contrôle de l’énergie à une agence transnationale, par exemple, « est une pilule politique impossible à avaler », selon lui.

En savoir plus
  • 615,3 millions de mégawattheures
    Production totale d’électricité au Canada en 2023, en baisse de 3,4 % par rapport à 2022
    source : Statistique Canada