Les bermudas chez Desjardins, les jeans à la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), ainsi que les sandales et autres vêtements d’été chez Ubisoft : le code vestimentaire s’assouplit au bureau, ce qui tombe à point au cœur d’une canicule. L’enjeu : rester dans la crédibilité quand il le faut.

La canicule qui sévit actuellement peut donner à certains employés l’idée de tester, volontairement ou non, les limites du bon goût au bureau.

Difficile d’alléger les tenues dans des secteurs où le port d’équipements de protection est obligatoire. Ailleurs, on sent que les habitudes changent.

Appel à tous

Quelles limites vous imposez-vous (ou pas) en termes de tenue vestimentaire au bureau, particulièrement quand il fait chaud  ? Vos collègues dépassent-ils les bornes?

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Dans l’industrie des jeux vidéo, où la créativité est à l’honneur, on ne se casse pas la tête. Pour les quelque 5000 employés québécois d’Ubisoft, on préconise l’approche « venez comme vous êtes », résume la porte-parole du géant français, Magali Valence.

Les « cheveux roses », les « pantoufles » et les « sandales », c’est dans la philosophie d’Ubisoft de ne pas imposer de politique à ses salariés, ajoute-t-elle.

« Personne n’arrive en maillot de bain, dit Mme Valence. Il y a très peu d’interventions. Les gens s’autorégulent bien. L’unique bémol, c’est pour des raisons de sécurité. Si vous travaillez dans la logistique, le port de chaussures fermées est obligatoire. »

Question de crédibilité

Dans les organisations où aucune règle formelle ne prévaut, où les camisoles côtoient les gougounes, la spécialiste de l’étiquette Julie Blais Comeau suggère de commencer par se questionner sur l’enjeu de la crédibilité et de la confiance.

Est-ce que moi, j’ai envie de voir le gros orteil du grand patron ? Et si je suis grand patron, est-ce que j’ai envie que mes subalternes voient mon gros orteil ?

Julie Blais Comeau, spécialiste de l’étiquette

Julie Blais Comeau explique qu’en plus d’être une expérience visuelle, les gougounes peuvent être une expérience sensorielle à cause du son que produit la sandale lors des déplacements d’un collègue à l’autre et d’une réunion à l’autre. Sans oublier l’expérience odorante, souligne-t-elle.

La spécialiste conseille aussi aux travailleurs de se demander s’ils pourront vaquer à toutes leurs activités de la journée tout en dégageant confiance et crédibilité en portant des shorts ou une jupe courte.

« On s’habille pour son client, qui, lui, a une image de qui on est, une conception de notre personne avec un titre, un bloc signature. Il faut se rappeler que par la tenue vestimentaire, on communique quelque chose », relate la spécialiste, qui suggère de toujours vérifier la politique vestimentaire de son entreprise ou de son organisation.

Lorsque la spécialiste de l’étiquette donne des ateliers dans des institutions financières, des cabinets d’avocats, de comptables ou même pour les finissants des universités, elle invite les professionnels à réfléchir à l’image qu’ils veulent projeter. « Est-ce que les gens peuvent avoir confiance en moi ? Est-ce que je suis crédible ? Est-ce que ça va être convivial de faire affaire ensemble ? Cette communication, elle est visuelle et elle passe par ma tenue vestimentaire », affirme Julie Blais Comeau.

Allègement dans la finance

Dans le milieu plutôt conservateur des services financiers, le port du bermuda est maintenant toléré au Mouvement Desjardins – tant qu’on ne fait pas affaire avec la clientèle.

Il n’y a pas de « code vestimentaire officiel » au sein du groupe coopératif.

« La tenue dite de ville ou de ville décontractée est donc de mise pour les employés en relation directe avec les clients externes », explique la porte-parole de Desjardins, Chantal Corbeil.

C’est le même genre de recommandation que l’on retrouve à la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), qui compte quelque 1650 employés. Les cravates et autres articles associés aux tenues de travail classiques cèdent du terrain, pourvu que les interactions se limitent aux collègues.

« La tenue décontractée est acceptée en tout temps pour le travail de collaboration à l’interne, indique la porte-parole de l’institution, Kate Monfette. Par exemple, le port du jeans est permis. »

Il y a cependant une frontière à ne pas franchir : lorsque des rencontres avec des « partenaires externes » sont à l’agenda, souligne Mme Monfette, sans entrer dans les détails. On peut présumer que c’est lors de ces rencontres que le veston regagne en popularité.

Lorsqu’un employé doit rencontrer des clients, « le t-shirt » n’est pas recommandé, ajoute la Banque de Montréal.

Julie Blais Comeau suggère des adaptations qui peuvent être faites pendant que l’employé est en transition vers son lieu de travail. Un travailleur peut se vêtir légèrement lors du déplacement en transports en commun et se changer une fois arrivé dans son bureau climatisé.

Pour ce qui est des réunions en visioconférence, la règle est la même, selon la spécialiste : on s’assure de rester crédible.

Une politique claire : la meilleure option, partout

Un employeur a toujours avantage à avoir une politique vestimentaire et à bien la communiquer, estime Julie Lajoie, consultante en développement organisationnel et formatrice chez Joie conseils. Peu importe le milieu de travail.

Même aujourd’hui, en 2024, c’est un droit de gérance, précise cette spécialiste, et c’est aussi un outil qui facilitera la vie des gestionnaires qui devront ensuite faire des interventions si un employé se présente au bureau comme s’il allait à la plage et que ce n’est pas dans la culture d’entreprise.

« Il faut, au départ, s’entendre sur quels sont les paramètres, explique Julie Lajoie. Ce qu’on juge convenable et ce qui ne l’est pas. » Selon les différents environnements professionnels, il peut s’agir de raisons de santé et sécurité au travail ou alors de code vestimentaire lié à des activités de représentation.

Une entreprise peut avoir un code vestimentaire informel, mais ça rend les discussions plus complexes en cas de mésentente. « Si on doit intervenir, les gens ont besoin de comprendre les raisons du code vestimentaire », dit Julie Lajoie, qui confie que la canicule favorise, plus souvent qu’on le pense, ces situations délicates.

Même si les raisons sont plus subjectives, les attentes de l’employeur doivent être claires et connues.

« C’est dans les bonnes pratiques, dit-elle. Dès l’entrée en poste, on partage le guide ou le code. »

Ça peut être fait d’une manière plus ludique, en dessins par exemple, mais ça donnera des balises pour tous. Et avant les grandes chaleurs de l’été, rappeler la politique est une excellente chose, précise également Julie Lajoie.