(Ottawa) Le directeur parlementaire du budget (DPB), Yves Giroux, affirme ne pas se laisser « museler » par les libéraux fédéraux sur les données économiques liées à l’impact de la tarification du carbone.

M. Giroux a dit vouloir clarifier la situation après avoir créé un malentendu lors d’une réunion d’un comité il y a deux semaines.

Le 3 juin, il a été interrogé sur son analyse de la tarification du carbone devant le comité des finances de la Chambre des communes, après avoir reconnu plus tôt ce printemps que son analyse initiale était erronée.

Lors de cette rencontre, il a convenu avec le député conservateur Marty Morantz que les libéraux l’empêchaient de parler des données gouvernementales.

Mais lors d’une réunion du Comité permanent des opérations gouvernementales lundi, lorsque le député libéral Charles Sousa a demandé à M. Giroux de confirmer cette affirmation, il a affirmé que c’était une erreur.

« Le gouvernement ne me musèle pas », a-t-il dit lors de la réunion, où il comparaissait sur un autre sujet.

M. Giroux a indiqué qu’il y avait de la confusion, car il avait répondu à une question en anglais, qui n’est pas sa langue maternelle.

Ses analyses de 2022 et 2023 concluent que même si la plupart des familles canadiennes tirent davantage des remises sur le carbone qu’elles ne paient en tarification du carbone, ces avantages sont en grande partie effacés lorsque l’on prend en compte les impacts économiques sur les emplois et les salaires.

Les résultats sont devenus un élément majeur du débat sur la tarification du carbone, les libéraux insistant sur le fait que les économies compensent le coût pour la plupart des gens, alors que les conservateurs soutiennent le contraire.

Échange controversé

L’analyse était uniquement censée mesurer l’impact économique de la tarification du carbone sur la consommation, mais elle incluait également le prix du carbone industriel. Les économies que M. Giroux a mesurées sont basées uniquement sur le prélèvement à la consommation.

Il a affirmé qu’il recalcule les chiffres, mais a avoué qu’il ne pensait pas que les résultats seraient différents.

Lors d’un échange tendu sur cette affirmation avec le secrétaire parlementaire libéral aux Finances, Ryan Turnbull, pendant la réunion du 3 juin, M. Giroux a insisté sur le fait que le gouvernement disposait de données qui prouvent ce point, parce qu’il les a consultées.

Mais il a dit qu’il ne les divulguerait pas.

Peu de temps après, le député conservateur Marty Morantz lui a demandé si le gouvernement l’empêchait de les publier.

« Ils vous ont mis un bâillon en disant que vous ne pouvez pas en parler ? », a demandé M. Morantz.

« C’est ce que je comprends », a répondu le directeur parlementaire du budget.

Les conservateurs ont attaqué les libéraux à plusieurs reprises après cet échange. Plusieurs députés conservateurs ont posé des questions ou évoqué l’« ordre de bâillon » contre M. Giroux, soulevant la question au moins 40 fois à la Chambre entre le 4 et le 14 juin.

Interrogé lundi par le député libéral Charles Sousa, Yves Giroux a déclaré que cette affirmation était un malentendu. Cette fois, il a répondu en français, sa langue de prédilection.

« Le gouvernement ne m’a pas muselé dans la publication d’un rapport ni dans le contenu d’aucun des rapports que j’ai publiés », a-t-il stipulé.

Il indique qu’il ne devait pas divulguer les données réelles qu’Environnement et Changement climatique Canada lui avait fournies pour préparer son analyse, mais qu’on ne l’a pas empêché d’inclure les données dans son analyse.

Les documents comprennent un certain nombre de feuilles de calcul sur les données sur le PIB et les émissions, basées sur des modèles économiques et climatiques de l’impact de la tarification du carbone.

Le gouvernement avait auparavant refusé de rendre les données publiques, affirmant qu’elles ne révélaient qu’une partie de la réalité sans prendre en compte les impacts économiques positifs des investissements climatiques et des remises sur les émissions de carbone ni les impacts économiques négatifs des changements climatiques eux-mêmes.

Les feuilles de calcul ont été publiées jeudi dernier au moment même où les conservateurs déposaient une motion exigeant leur publication.

Les données ont montré qu’avec la tarification du carbone, les émissions du Canada seront inférieures de 12 % en 2030 à ce qu’elles seraient sans cette tarification, une différence qui équivaut à environ 78 millions de tonnes d’émissions de gaz à effet de serre.

Sur le plan économique, la tarification du carbone réduira le PIB national de 0,9 %, soit 25 milliards.

Le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, s’est dit heureux mardi que M. Giroux ait rectifié le tir.

Les conservateurs affirment quant à eux que les libéraux ont refusé de divulguer les données parce qu’elles confirment que la tarification du carbone a un impact économique négatif.

Le chef conservateur, Pierre Poilievre, a également insisté la semaine dernière sur le fait que le montant de 25 milliards n’était pas exact parce qu’il ne tenait pas compte de l’inflation. Il a ajouté que cela représentait en réalité 30 milliards.

Le leader conservateur à la Chambre, Andrew Scheer, a interrogé Yves Giroux à ce sujet mardi en comité.

Cependant, Chris Matier, directeur général de l’analyse économique et fiscale au bureau parlementaire du budget, a répondu à M. Scheer que le chiffre de 25 milliards tenait compte de l’inflation.

Andrew Scheer a aussi demandé à Yves Giroux de confirmer si la tarification du carbone réduirait l’impact économique des changements climatiques. Ce dernier a dit que cela ne se ferait pas de soi-même, car les changements climatiques sont un phénomène mondial.