Tous les vendredis, une personne du monde des affaires se dévoile dans notre section. Cette semaine, la présidente-directrice générale de Fondaction, Geneviève Morin, répond à nos questions.

Vous considérez-vous comme un bourreau de travail ?

Oui, je travaille beaucoup. J’ai de l’intérêt et j’ai beaucoup de choses que je veux faire. Donc j’y mets beaucoup de temps. J’essaie de préserver des espaces de vie privée qui sont bien protégés. Mais je fais de bonnes semaines. Je réussis à trouver mon équilibre là-dedans. Il y a des moments qui sont plus intenses et d’autres périodes qui sont plus tranquilles. Il faut savoir en profiter.

Quel conseil êtes-vous heureuse d’avoir ignoré ?

Le gros conseil que j’ai ignoré, c’est de ne pas aller en finance, que je ne travaillerais jamais dans les chiffres. On m’avait dit d’oublier ça. J’avais un bac en économie, mais j’avais aussi un certificat en affaires publiques et communautaires et j’ai surtout trouvé des jobs dans ça. J’ai toujours aimé les chiffres. J’étais une grande fan de mathématiques quand j’étais jeune. C’est mon autre rêve fou, j’aurais voulu être professeure de mathématiques.

Quel mot ne pouvez-vous plus supporter ?

L’écoanxiété. Ce n’est pas tant que je n’aime pas le mot. Je trouve que c’est dommage. C’est la notion d’écoanxiété que j’aimerais transformer en écodétermination. Il faut trouver une façon d’aider les gens à réaliser qu’ils peuvent avoir un impact sur l’environnement et qu’ils peuvent faire quelque chose. On ne peut pas tous faire de grandes choses, mais on peut tous faire quelque chose. J’aimerais être capable d’amener plus de gens à être écodéterminés, à vouloir agir, y compris au moyen de leur épargne, bien sûr.

Que faites-vous quand vous avez besoin de trouver une idée ?

Me tourner vers les gens, poser des questions, qu’il y ait un rapport ou pas. Des fois on cherche une idée sur un sujet, mais c’est en parlant à du monde qui n’est pas dans le thème qu’on est capable d’avancer. Je ramasse plein de données, je mets ça en arrière et j’arrête d’y penser. À un moment donné, ça émerge. Généralement proche de l’échéance…

Avez-vous une mauvaise habitude ?

Oui. Je suis meilleure quand il y a un peu de stress et d’adrénaline. Quand l’échéance approche. Ce qui fait que, oui, je commence à me préparer d’avance, mais j’ai une petite tendance à garder la finalisation pour la dernière minute. On dirait que tant qu’on n’est pas rendu proche, ça peut encore mijoter… Ce petit côté dernière minute, ça peut insécuriser les gens quand ils n’ont pas encore travaillé avec moi.

Et une bonne habitude ?

Je suis assez contente d’avoir pris l’habitude de programmer mes courriels. Quand j’écris aux gens le soir ou les fins de semaine, je ne veux pas les déranger dans leur temps personnel. Je ne veux pas créer de fausses urgences non plus et je ne souhaite pas que tout le monde se sente obligé de répondre parce que la PDG vient de leur écrire. J’aime aussi respecter les vacances. Il y a des moments où je mets mon téléphone loin et je ne réponds pas. C’est important de pouvoir couper.

Comment vous débranchez-vous ?

Il y a beaucoup de choses qui me permettent de décrocher. La première, c’est le jardinage. J’adore jardiner. J’ai beaucoup de plates-bandes. On est constamment en train d’ouvrir des plates-bandes, de déplacer des plantes. C’est un jardin de fleurs et d’arbustes. J’ai beaucoup d’ombre chez nous, alors j’ai passé les premières années à me battre contre ça et maintenant j’embrasse mon ombre. J’ai appris à vivre avec les plantes d’ombre et à trouver où c’est mieux de les mettre.

Un livre qui vous a marquée ?

Il y a un livre que je trouve extraordinaire, ça s’appelle Maus. C’est un roman graphique d’Art Spiegelman qui raconte la vie de son père qui était un juif polonais. Il le fait dans une bande dessinée où les Allemands sont des chats et les Juifs sont des souris. Le fait que ça passe par des animaux, ça crée une certaine distance qui nous permet de voir ça d’un autre œil et de bien comprendre les enjeux de l’humanité. Je trouve ce livre vraiment intéressant et bien fait. J’en ai parlé à plusieurs personnes et je l’ai acheté à plusieurs reprises à des amis.

De quoi êtes-vous le plus fière ?

J’ai de la misère à me l’attribuer, mais c’est sûr que je suis très fière de Fondaction. J’ai eu l’honneur et le plaisir d’être à la fondation de Fondaction. J’étais dans le comité pour le démarrer. La première journée, on était quatre et j’étais là-dedans. Alors de voir qu’on est rendus à 3,5 milliards, 218 000 actionnaires et qu’on est capables d’avoir une influence sur la finance durable, oui, j’en suis fière. Sur un plan plus personnel, je suis fière d’avoir toujours trouvé le moyen d’embaucher des gens plus compétents que moi, de m’entourer de gens forts.

Pensez-vous à la retraite ?

Oui, ça va arriver, c’est sûr. Je pense à la retraite tout le temps parce que je travaille dans la retraite des autres. Pour moi, ça va être comme une continuité, je vais être encore active, je vais faire des choses qui contribuent à rendre le monde un peu plus équitable, inclusif et vert et ça ne sera pas nécessairement en étant payée pour le faire. J’aime être active et contribuer. Ça va être ça, avec du jardinage, des oiseaux, et des bandes dessinées.

Qui est Geneviève Morin ?

Depuis janvier 2020, Geneviève Morin est présidente-directrice générale de Fondaction, le fonds d’investissement de la CSN axé sur le développement durable.

Elle gère un actif de 3,5 milliards appartenant à 218 000 actionnaires.