Une nouvelle méthode de dépistage de la prééclampsie mise à l’essai au CHU de Québec grâce au concours de plus de 2000 patientes a permis de réduire de moitié les accouchements avant la 34semaine de grossesse.

La nouvelle méthode a notamment permis de dépister 77 % des cas de prééclampsie sévère et le taux de faux positifs (les femmes à qui on aurait inutilement prescrit de l’aspirine en prévention) a été de seulement 16 %.

En comparaison, la méthode traditionnelle de dépistage aurait permis de dépister 59 % des cas de prééclampsie sévère et aurait généré 34 % de faux positifs.

« On a démontré qu’on a un outil disponible pour prédire les prééclampsies les plus graves chez les femmes enceintes au Canada », a résumé le directeur de l’équipe de recherche internationale, le docteur Emmanuel Bujold de la faculté de médecine de l’Université Laval.

La prééclampsie est causée par une mauvaise implantation du placenta dans l’utérus, ce qui fait en sorte que le sang se rend moins bien jusqu’au bébé. Pour compenser, la pression artérielle de la mère augmente, ce qui peut se répercuter sur le fonctionnement de ses reins, de son foie et de son cerveau.

Dans les cas les plus graves, le médecin n’a d’autre choix que de provoquer l’accouchement, même si le développement du fœtus n’est pas terminé.

La prise quotidienne d’aspirine à partir de la onzième ou de la douzième semaine de grossesse peut prévenir jusqu’à 90 % des cas de prééclampsie qui conduisent à des accouchements avant la 34semaine de grossesse. Toutefois, les propriétés antiplaquettaires du médicament signifient qu’il ne peut pas être prescrit à toutes les femmes. Le défi consiste donc à identifier très tôt les femmes enceintes qui doivent prendre de l’aspirine.

« Des chercheurs ont donc décidé de développer un algorithme qui combinerait tout ce qui a été développé, a dit le docteur Bujold. L’outil a été validé auprès de plus de 40 000 femmes au Royaume-Uni. On a découvert qu’en donnant de l’aspirine aux femmes identifiées “à risque”, qu’on était en mesure de prévenir la grande majorité des prééclampsies les plus graves ».

Ces résultats, publiés en 2017, ont eu l’effet d’une « vague » dans le monde de la pédiatrie, a-t-il ajouté, mais il restait encore à vérifier l’efficacité de la nouvelle méthode ailleurs que dans un seul hôpital britannique.

Actuellement, au Canada et aux États-Unis, on identifie les femmes à risque de prééclampsie à partir de variables telles que l’âge et le poids de la mère, le fait qu’il s’agisse d’une première grossesse, qu’on soit en présence d’une grossesse multiple, que la mère ait une pression sanguine élevée ou que la grossesse résulte d’une fécondation in vitro. En bout de compte, moins de la moitié des femmes qui souffriront de prééclampsie seront dépistées, mais on donnera de l’aspirine à plus d’une femme sur trois.

L’équipe du docteur Bujold a donc mis à l’essai une méthode développée au Royaume-Uni et qui combine des informations médicales sur la mère ainsi que deux indices indirects de la qualité de l’implantation du placenta dans l’utérus : une mesure de la pulsatilité de l’artère utérine et un dosage des niveaux sanguins de deux protéines associées à la grossesse.

Les chercheurs ont suivi 7325 femmes recrutées au moment où elles étaient entre la onzième et la quatorzième semaine d’une première grossesse. Du nombre, 65 ont souffert de prééclampsie avant la 37e semaine de grossesse, dont 22 cas sévères qui ont nécessité un accouchement avant la 34e semaine de grossesse.

La nouvelle méthode a permis de réduire de 50 % le nombre d’accouchements avant la 34semaine et de détecter les trois quarts des cas graves de prééclampsie, tout en ne générant que 16 % de résultats faux positifs.

« On a pu conclure que la grande majorité des prééclampsies associées à un accouchement prématuré aurait pu être détectée relativement facilement avec l’algorithme », a assuré le docteur Bujold.

La nouvelle méthode de dépistage est d’autant plus intéressante que la majorité des données nécessaires sont déjà recueillies auprès d’une majorité de femmes lors d’examens de routine pendant une grossesse. Il suffirait donc d’utiliser ces données d’une manière différente.

L’introduction de ce dépistage à travers le Canada permettrait, selon le docteur Bujold, de diminuer plusieurs des principales complications de la prééclampsie, comme un accouchement prématuré, le décès périnatal et les retards de croissance.

Cette approche, a-t-on indiqué par voie de communiqué, « assure non seulement une grossesse plus sécuritaire pour la mère et l’enfant, mais elle n’engendre pas de dépenses supplémentaires au système de santé ».

Le coût des soins dispensés à un seul grand prématuré peut être très élevé, rappellent les auteurs de l’étude. Les économies générées par cette nouvelle méthode de dépistage de la prééclampsie couvriraient largement, selon eux, les coûts de son implantation.

« On dit, écoutez, on arrête de faire de la détection tardive puis d’utiliser d’énormes ressources pour faire des diagnostics tardifs, a conclu le docteur Bujold. On se retrouve avec une visite (chez le médecin) très bien faite où on fait du dépistage et on introduit le traitement, ce qui va, finalement, pratiquement éliminer les formes graves de prééclampsie et diminuer le besoin de faire de ces multiples visites-là, à la fin de grossesse. »

Les conclusions de cette étude ont été publiées par le journal médical Hypertension.