(Montréal) La montée des cas de grippe aviaire dans des fermes aux États-Unis, la contamination de troupeaux de vaches et des cas récemment transmis aux humains inquiètent les autorités québécoises et canadiennes qui disent surveiller la situation de très près.

La grippe aviaire, plus précisément l’influenza aviaire de sous-types H5 et H7, est une maladie à déclaration obligatoire au Québec puisqu’il s’agit d’une zoonose, c’est-à-dire qu’elle peut se transmettre entre les animaux et les humains.

Les cas de grippe aviaire chez les humains sont très rares, mais le printemps dernier, trois cas humains associés à des élevages de vaches laitières infectées ont été rapportés aux États-Unis. Deux personnes infectées ont eu des symptômes oculaires et la troisième personne a présenté une infection respiratoire.

À l’échelle mondiale, 15 cas humains d’un clade précis du type H5N1 ont été signalés depuis l’émergence de ce clade en 2022, soit deux cas en Chine, deux cas en Espagne, cinq cas au Royaume-Uni, quatre cas aux États-Unis, un cas en Équateur et un cas au Chili.

La majorité des cas (11 sur 15) avait des antécédents d’exposition à la volaille, a fait savoir le ministère de la Santé du Québec. « Compte tenu du petit nombre de cas humains signalés à ce jour à l’échelle mondiale, le virus semble avoir une capacité limitée d’infecter les humains », a écrit le ministère de la Santé dans un courriel transmis à La Presse Canadienne.

« On sait que plusieurs humains ont démontré des signes cliniques. […] La bonne nouvelle, c’est que ça ne se transmet pas entre êtres humains. Le jour que ça va arriver, c’est le jour qu’on va s’ennuyer de COVID », a commenté Dr Jean-Pierre Vaillancourt, professeur titulaire à la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal.

« Du H5N1, au Canada, on a ça depuis bien des années, mais faiblement pathogène. Ce qui est globalement en augmentation au niveau mondial, ce sont les virus hautement pathogènes. […] Pour faire une définition simple du hautement pathogène, c’est que pour quatre oiseaux infectés, il y en a au moins trois qui meurent », a résumé M. Vaillancourt.

Selon lui, il est peu probable que les choses se compliquent chez l’humain, mais le risque n’est pas nul. « En général le risque est très minime tandis que là, le risque est de faible à très faible. Mais faible à très faible, être politicien ou consultant d’un politicien, je dirais : vous avez intérêt à ne pas négliger cela, surtout en période post-COVID », avertit-il.

Le spécialiste de l’épidémiologie des zoonoses a expliqué que la grippe aviaire est un virus qui se réplique et parfois sa mutation lui permet de devenir « un super virus ».

À ce jour, aucun cas de transmission de la maladie à l’humain n’a encore été constaté au Québec ni au Canada.

Rehausser les mesures de protection

On a une pandémie chez les oiseaux sauvages d’une série de variants H5N1 qui sont hautement pathogènes, a affirmé Dr Vaillancourt. « Présentement, la série de variants H5N1 qui nous préoccupe – on en a au Québec et au Canada – on l’a identifiée dans au moins 489 espèces d’oiseaux et dans plus de 200 espèces de mammifères », dit-il.

Aux États-Unis, le virus a été détecté chez des oiseaux sauvages dans tous les États, chez des vaches laitières de 12 États et chez plus de 200 mammifères parmi plus de 20 espèces à travers le pays.

PHOTO AMANDA PEROBELLI, ARCHIVES REUTERS

Aucun élevage de vaches laitières infectées n’a été détecté au Québec et au Canada, ni dans les produits laitiers.

À la suite de la détection d’influenza aviaire hautement pathogène H5N1 chez des bovins et des chèvres aux États-Unis, l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) a fait une évaluation du risque en avril. Elle estime que pour l’ensemble de la population canadienne, la probabilité d’infection humaine par le H5N1 acquis par du bétail au cours des trois mois à venir demeure « tout de même très faible ».

La situation reste préoccupante. Le ministère de la Santé a d’ailleurs mandaté l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) pour élaborer des recommandations de mesures de protection des travailleurs des industries ovines, bovines et porcines en cas d’éclosion.

« Effectivement, c’est une préoccupation le fait que c’est entré dans le secteur des ruminants comme les bovins laitiers, les chevreaux et alpagas », a déclaré Martin Pelletier, agronome et coordonnateur de l’Équipe québécoise de contrôle des maladies avicoles (EQCMA).

« Ça veut dire que le virus s’installe et ça représente une exposition additionnelle pour le secteur de la volaille qui lui est plus affecté par cette maladie que les autres types d’animaux. »

Dr Vaillancourt partage son inquiétude. « Avec les vaches, c’est qu’il y a de plus en plus de mammifères, de plus en plus d’opportunités pour le virus de se répliquer. En première ligne, c’est une préoccupation pour les gens en contact direct avec ces animaux », explique-t-il.

Le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) et ses partenaires de l’industrie ont invité les éleveurs de bovins laitiers à rehausser leur vigilance et leurs mesures de biosécurité.

L’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) a aussi rehaussé ses mesures de protection et de surveillance, notamment en exigeant que les vaches laitières en lactation importées des États-Unis au Canada obtiennent un résultat négatif au test de dépistage de l’influenza aviaire hautement pathogène.

Producteurs inquiets

En 2022, 23 sites de production de volaille ont été touchés par la grippe aviaire au Québec et cela s’élevait à 28 l’an dernier. Depuis le début de l’année, trois élevages de volailles ont déclaré la présence du H5N1, selon le ministère de la Santé.

« La source de contamination potentielle, ce sont les oiseaux sauvages qui sont porteurs, et eux ils peuvent le disséminer par leur fiente ou leur sécrétion principalement », explique M. Pelletier. Le nerf de la guerre est donc de faire une barrière entre l’extérieur des bâtiments et l’intérieur.

Benoît Fontaine, directeur général de l’Équipe québécoise de contrôle des maladies avicoles, est aussi inquiet de la situation chez nos voisins du Sud.

Selon lui, les producteurs sont préoccupés et ils ont fait des améliorations sanitaires, par exemple de détruire des étangs qui attirent les oiseaux ou d’avoir des tracteurs distincts pour les champs, installés loin des bâtiments.

Il parle d’améliorations qui dépassent les normes, comme d’avoir un banc de séparation à l’entrée du poulailler ou de se laver les mains. « Je crois que tout le monde a augmenté sa biosécurité et c’est peut-être une des raisons pourquoi les cas sont en baisse (cette année) », estime M. Fontaine.

Le protocole pour un site contaminé avec la grippe aviaire exige que les producteurs exterminent tous leurs oiseaux et procèdent à la désinfection du bâtiment.

S’il y avait des cas chez les bovins, l’ACIA n’interviendrait pas comme elle le fait dans le secteur de la volaille, a indiqué M. Pelletier. Il n’y aurait pas de dépeuplement de troupeau. « Ça n’a pas le même impact. Pour le bovin ça se manifeste par certains signes cliniques, mais il n’y a pas de mortalité », explique-t-il.

« C’est pour cela qu’au Québec, le MAPAQ, avec l’industrie, est en train de développer un plan d’action pour une intervention volontaire d’autoquarantaine et de contrôle pour minimiser les risques de dissémination de la maladie », poursuit M. Pelletier.

En plus d’une période d’autoquarantaine pour l’entrée et la sortie des animaux, le lait provenant des animaux malades ou positifs serait jeté, a fait savoir le MAPAQ. Par mesure de précaution supplémentaire, le lait provenant des animaux en bonne santé du troupeau sera dirigé vers une usine qui effectue exclusivement la pasteurisation du lait, ce qui détruit le virus.

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