(Québec) Dénonçant « les attaques personnelles » et un climat « nocif » à l’hôtel de ville, la mairesse de Percé a annoncé sa démission mardi. Cathy Poirier part avec une suggestion pour le gouvernement : éliminer la période de questions des citoyens aux séances du conseil municipal, qui sont devenues selon elle « une période de vengeance ».

Cette démission survient plus de quatre mois après celle de France Bélisle à Gatineau. Mais le contexte du départ de Mme Poirier est singulier, alors que la mairesse s’était mis à dos une bonne partie du conseil municipal et des citoyens, et que son conjoint, employé de la Ville, était suspendu le temps d’une enquête administrative.

« Le harcèlement, les attaques personnelles, les agressions et l’intimidation ont eu raison de mon engagement. Ces comportements inacceptables, et pas seulement ici à Percé, m’amènent à craindre pour le bon fonctionnement de nos institutions démocratiques », a dénoncé Cathy Poirier, qui entend maintenant se consacrer à son entreprise de fumage de poisson.

C’est le deuxième maire d’affilée qui démissionne dans la petite ville gaspésienne de 3300 habitants, connue pour ses paysages de carte postale et son fameux rocher. André Boudreau avait claqué la porte en 2016 après avoir perdu un référendum sur un emprunt pour un projet de rue commerciale. « Je vais démissionner tout de suite et je vais aller m’amuser avec mes petits-enfants à la maison », avait lancé l’homme.

Redevance touristique

Cathy Poirier a été élue pour le remplacer. Elle aussi avait plusieurs projets qui ont subi le feu de la critique. Son projet de redevance touristique a suscité l’ire d’une partie des commerçants, qui étaient chargés de la percevoir.

Ils ont porté l’affaire devant les tribunaux. La Cour supérieure avait invalidé le règlement, mais Percé avait choisi de porter l’affaire devant la Cour d’appel. À la séance du conseil de juin, en l’absence de la mairesse, les conseillers ont voté à la majorité pour abandonner l’appel, et du même coup la redevance. Le conseil est aussi revenu sur deux autres décisions chères à la mairesse.

« On a anéanti le travail que j’ai fait et je n’ai pas la force, l’intérêt ou l’intention de remonter tout ça dans l’année qui suit. Ça aurait été impossible », dit Mme Poirier en entrevue téléphonique.

« Les frais [pour l’appel sur la redevance] étaient entamés à 90 %. Il faudra donc payer les frais de toute façon. Les plaidoiries étaient prévues en septembre. Et on recule. C’est dommage pour le monde municipal. »

Éliminer la période de questions ?

La suspension en novembre dernier du conjoint de Mme Poirier, directeur de l’urbanisme et de la gestion du territoire de la Ville de Percé, a aussi envenimé les choses. Il est depuis visé par une enquête administrative.

La mairesse dit s’être retirée de toute discussion à la Ville concernant ce dossier. Elle refusait d’en parler au conseil, à la suggestion du procureur de la Ville. Mais elle déplore le fait que plusieurs citoyens en faisaient constamment mention.

« S’il y a un changement à faire dans le monde municipal, moi, je considère que c’est la période de questions. Il devrait y avoir une réforme de la Loi sur les municipalités. La période de questions, je considère que c’est archaïque, je pense que ce n’est plus nécessaire pour diffuser l’information », lance en entrevue la mairesse démissionnaire.

Mme Poirier avait d’ailleurs décidé de suspendre la période de questions en avril dernier – après une heure de questions, tout de même –, alors qu’un citoyen au micro l’accusait d’avoir « favorisé son revenu familial » dans le dossier de son conjoint. Les références à cette enquête revenaient à chaque conseil, souvent des mêmes citoyens.

« Les deux autres paliers de gouvernement n’ont pas ça », lâche Mme Poirier en référence à ces périodes de questions des citoyens. « C’est devenu une période de vengeance, de désinformation. S’il y a quelque chose que je changerais dans le monde municipal, c’est définitivement la période de questions, qui n’a plus lieu d’être. »

Elle pense que les employés municipaux sont bien placés pour répondre aux questions des citoyens.

Climat tendu

Dans une déclaration, l’Union des municipalités du Québec (UMQ) a salué mardi « l’engagement de Cathy Poirier au sein de ses instances au cours des dernières années ».

« Plusieurs élues et élus municipaux, comme Mme Poirier, ont eu à prendre la difficile décision de quitter leurs fonctions en cours de mandat. Il y a encore beaucoup à faire pour améliorer la situation », souligne l’UMQ, qui tiendra en octobre prochain le Sommet sur la démocratie municipale.

La Presse a contacté quelques opposants à la mairesse. Aucun n’a voulu s’exprimer publiquement mardi. Ils accusent toutefois Mme Poirier d’avoir manqué de transparence et de les avoir peu consultés. Selon eux, sa démission va améliorer le climat à l’hôtel de ville.

Percé devra maintenant élire un nouveau maire, puisque la démission de Mme Poirier survient plus d’un an avant les prochaines élections municipales de novembre 2025.