(Ottawa) Pour Marc Miller, c’est le gouvernement de François Legault qui souffle sur les braises de l’intolérance en faisant des amalgames dans le dossier de l’immigration. Pour le député bloquiste Alexis Brunelle-Duceppe, c’est plutôt Marc Miller qui exacerbe la polarisation en jetant de l’huile sur le feu.

Les prochains mois du ministre fédéral de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté ne seront pas de tout repos. Car foi de François Legault (et de Paul St-Pierre Plamondon), l’immigration demeurera un enjeu de premier plan, voire référendaire, en amont du prochain scrutin au Québec.

Quand la CAQ [Coalition avenir Québec] dit qu’elle va faire de l’immigration l’enjeu numéro un des 18 prochains mois, ça m’inquiète, parce que les premiers qui en paient le prix, ce sont les immigrants. Je pense que nous pouvons avoir une discussion raisonnable et raisonnée sur ce défi.

Marc Miller

Il est « tanné » que les gens blâment les immigrants, leur « cassent du sucre sur le dos », laisse-t-il également tomber ici et là. C’est le genre de déclaration dont Alexis Brunelle-Duceppe, en tant que porte-parole du Bloc québécois en matière d’immigration, a désormais l’habitude.

« La réalité, c’est que les libéraux ont perdu le contrôle sur les seuils d’immigration, et on se retrouve aujourd’hui malheureusement avec un débat extrêmement polarisé. Et pour ça, je lui en veux un petit peu, parce qu’il aime jeter de l’huile sur le feu publiquement », expose le député.

Et s’il est certes possible de faire abstraction du côté « baveux et condescendant » de Marc Miller pour faire progresser certains dossiers, un constat reste, implacable : « Nous avons des visions diamétralement opposées de ce que devrait être l’immigration », lâche Alexis Brunelle-Duceppe.

Réconciliation à huis clos

La ministre québécoise de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, Christine Fréchette, a refusé notre demande d’entrevue. Marc Miller et elle ont eu des prises de bec, la première accusant le deuxième de « continue[r] de s’obstiner sur les chiffres au lieu d’agir » et de « jouer avec les chiffres » sur le réseau X.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

La ministre québécoise de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, Christine Fréchette

C’était avant leur première rencontre en personne, en mai dernier. Depuis ce temps, le ton entre les deux est plus serein, signale-t-on sur les deux collines. « C’est quelqu’un qui a de l’ardeur au travail, elle est assidue […]. On s’entend bien, on s’est parlé de nos étés au [bar] Dagobert à Québec », relate le ministre fédéral.

Entre les deux approches, la directrice générale de la Maison d’Haïti, Marjorie Villefranche, préfère celle – plus pragmatique, selon elle – de Marc Miller.

Je trouve qu’il est peut-être l’une des premières personnes qui essaient d’appliquer quelque chose qui soit plus logique que politique.

Marjorie Villefranche, directrice générale de la Maison d’Haïti

Resserrement des programmes

Depuis son arrivée, Marc Miller serre la vis de plusieurs tours en matière de politiques migratoires.

En rafale, il annonce un plafond pour l’admission d’étudiants étrangers, il rétablit le visa obligatoire pour les voyageurs du Mexique et il échafaude des plans pour que la proportion de résidents temporaires au sein de la population canadienne passe de 6,2 % à 5 % d’ici 2027.

Cette « ribambelle » de mesures est trop timide et le gouvernement québécois n’a donc pas tort de résister aux poussées fédérales, fait valoir l’économiste Pierre Fortin. « Ce ne sont pas de grosses réformes », plaide-t-il en s’exprimant avec des pincettes, de peur de « passer pour un crypto-raciste ».

Mais « l’expérience canadienne est unique », explique-t-il. Car « le taux d’immigration totale de 3,2 % de la population du Canada en 2023 était 8 fois plus élevé que le taux d’immigration médian (0,4 %) des 25 plus grands pays avancés de l’OCDE », détaille-t-il.

100 % d’accord (que ce n’est pas 100 %)

Le professeur émérite d’économie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) est lui aussi d’avis que les immigrants que le Canada accueille en son sol sont les premiers à faire les frais des ratés des programmes d’immigration.

Comme Marc Miller.

Comme Alexis Brunelle-Duceppe.

Et là où les adversaires politiques se rejoignent également, c’est au sujet de la part de responsabilité que l’on peut imputer aux immigrants temporaires concernant la crise du logement. Bref, ils sont en porte-à-faux avec François Legault à ce chapitre.

« Moi, je ne dis pas que c’est 100 % à cause de l’immigration, la crise du logement. On ne peut pas pointer du doigt et on ne peut pas instrumentaliser des gens », soutient le député bloquiste.

De quoi faire sourire Marc Miller.