(Ottawa) Les nouvelles institutions chargées de veiller à la sécurité en ligne que promet de mettre en place le gouvernement de Justin Trudeau coûteront 201 millions sur cinq ans, estime le Directeur parlementaire du budget (DPB).

Ce coût pourrait être moindre considérant l’argent de sanctions pécuniaires qui pourrait être amassé, précise le DPB Yves Giroux dans un rapport publié jeudi.

« Peu de détails sont disponibles sur le mécanisme de recouvrement des coûts, qui pourrait compenser une partie ou tous les coûts liés à la Commission, l’ombudsman et le Bureau de la sécurité numérique, qui n’ont pas encore été rendus publics par le gouvernement », a-t-il écrit en énumérant les nouvelles institutions que les libéraux comptent mettre en place.

Ces entités seront créées si le projet de loi C-63 visant à contrer la haine en ligne est adopté.

M. Giroux a notamment basé ses estimations sur les besoins en personnel qu’anticipe Ottawa, plus précisément le ministère du Patrimoine. Ce dernier évalue qu’il aura besoin de 330 équivalents temps plein (ETP).

« La projection suppose que les dépenses par ETP de la Commission, de l’ombudsman et du Bureau seront comparables à celles des autres organismes gouvernementaux de taille moyenne, peut-on lire dans le rapport. Or, elles pourraient être plus élevées si la Commission, l’ombudsman ou le Bureau décident de recourir, dans une mesure importante, à des services externes […] une fois atteinte leur pleine capacité. »

La députée conservatrice Michelle Rempel Garner, qui avait demandé au DPB de mener l’analyse publiée jeudi, a écrit dans un billet de blogue que « le coût d’opportunité du projet de loi C-63 à lui seul devrait être suffisant pour envoyer celui-ci à la pile à déchiqueter ». Il est clair à ses yeux qu’il s’agit d’une initiative « bureaucratique ».

La pièce législative, déposée l’hiver dernier par le ministre de la Justice, Arif Virani, prévoit que les réseaux sociaux et les sites web offrant du contenu pour adultes au moyen de téléchargement devront faire rapport sur ce qu’ils font pour réduire l’exposition de leurs utilisateurs à toute forme de contenu préjudiciable.

Les méfaits en ligne tels que définis par Ottawa couvrent le partage non consensuel d’images intimes ainsi que l’exploitation sexuelle des enfants, mais aussi le discours fomentant la haine, l’incitation à la violence et au terrorisme.

Des signalements pourraient aussi être faits par la population et les plateformes se verraient forcées de retirer du contenu dans les 24 heures dans les cas de partage non consensuel d’images intimes ainsi que d’exploitation sexuelle.

Les messages privés ou cryptés sont exclus de C-63.

Les libéraux promettent de légiférer contre le contenu préjudiciable en ligne depuis la campagne électorale fédérale de 2019.

Le projet de loi C-63 a, depuis son dépôt, à peine cheminé dans son étude par les parlementaires. M. Virani blâme les conservateurs, qu’il accuse de bloquer l’avancée de l’étude législative.

À ce sujet, un porte-parole du chef conservateur a récemment déclaré que l’entente qu’ont les libéraux avec les néo-démocrates leur permet de prioriser ou contrecarrer toute législation comme ils le veulent, « contrairement à leur pleurnichage ».

Le Bloc québécois a demandé en vain que le projet de loi soit scindé afin que les sections de la proposition législative visant à protéger les mineurs de l’exploitation sexuelle en ligne soient adoptées rapidement puisque, selon la formation politique, ces éléments font consensus, contrairement à des éléments portant sur les publications haineuses.

Poilievre abrogerait la loi

Le chef conservateur Pierre Poilievre s’est engagé jeudi à abroger la Loi libérale sur les préjudices en ligne si elle devenait loi.

Si la loi est adoptée, « un gouvernement conservateur de bon sens de Pierre Poilievre l’abrogera », a déclaré son porte-parole Sebastian Skamski dans un communiqué.

Le parti a également envoyé un courrier électronique à ses partisans pour leur demander d’aider M. Poilievre à vaincre ce qu’il appelle le « monstre à trois têtes » – ou un trio de projets de loi libéraux visant à réglementer les géants de la technologie.

Les conservateurs de bon sens s’opposent au monstre de censure à trois têtes du premier ministre Justin Trudeau et à la nouvelle bureaucratie de 200 millions.

Sebastian Skamski, porte-parole de Pierre Poilievre

Le bureau de M. Virani a déclaré dans un communiqué que Pierre Poilievre « faisait passer l’idéologie avant le fait d’investir dans la sécurité de nos enfants ».

Le leader parlementaire du NPD, Peter Julian, a écrit jeudi dans un communiqué que les enfants étaient victimes de préjudices en ligne, tels que l’extorsion et l’intimidation.

« Des enfants se suicident parce qu’ils ont été victimes d’extorsion sexuelle en ligne ou parce qu’ils ont été confrontés à d’autres formes de préjudices en ligne. Et Pierre Poilievre ne veut pas arrêter cela. »

Avec des informations de Stephanie Taylor, La Presse Canadienne