(Québec) Dans la foulée du séisme provoqué par la défaite du Parti libéral du Canada (PLC) dans la circonscription ontarienne de Toronto-St. Paul’s lundi, le ministre fédéral Jean-Yves Duclos affirme que le fossé de vision qui sépare sa formation politique des troupes de Pierre Poilievre a rarement été aussi grand depuis des décennies. Il accuse la politique conservatrice au Canada de se faire « contaminer » par la « politique de la haine, de la hargne et de l’insulte » que l’on voit aux États-Unis.

« Pierre Poilievre, ce n’est pas Erin O’Toole, ce n’est certainement pas Brian Mulroney et ce n’est même pas Stephen Harper. Pierre Poilievre, c’est 40 ans en arrière », lance le ministre libéral en entrevue avec La Presse Canadienne dans son bureau à Québec.

Jean-Yves Duclos souhaite visiblement que ce soit le « contraste » – un mot qu’il a répété à plusieurs reprises durant l’entretien – entre son parti et les conservateurs qui structure les prochaines élections fédérales en 2025.

« La question, c’est quel changement on veut ? Est-ce que c’est un recul en arrière de 40 ans sur des choses comme la défense des droits des minorités, des femmes, la lutte contre la pollution et des changements climatiques, la lutte pour la classe moyenne ? Ou est-ce qu’on veut continuer à aller vers l’avant en prenant soin des gens et des communautés ? », affirme le ministre.

« On voit ce qui se passe en France avec la montée de l’extrême droite et aux États-Unis avec la montée de la droite et de la politique de la haine, de la hargne et de l’insulte qui est en train de contaminer aussi la politique conservatrice au Canada », ajoute-t-il.

Jean-Yves Duclos a indiqué qu’il continuait d’appuyer Justin Trudeau malgré la défaite de lundi. Il croit encore que le premier ministre peut mener son parti vers une victoire en 2025. Or, les sondages montrent actuellement que les conservateurs de Pierre Poilievre ont une avance confortable face au PLC.

Tramway et troisième lien

La question de la mobilité à Québec – qui a fait couler beaucoup d’encre dans les dernières semaines – sépare aussi les deux formations politiques. Favorable au tramway, le PLC est beaucoup moins chaud à l’idée du troisième lien, que le premier ministre François Legault a officiellement ressuscité il y a deux semaines.

Le ministre fédéral affirme qu’il est impératif d’aller de l’avant rapidement avec le tramway alors que le projet de lien autoroutier va prendre « des années et des années, et peut-être même des dizaines d’années » avant de se réaliser.

Le chef conservateur Pierre Poilievre, quant à lui, s’oppose vigoureusement à ce projet de transport collectif, au profit du troisième lien. « Comme premier ministre, je n’investirai pas une cenne d’argent fédéral dans un projet de tramway à Québec », a-t-il écrit sur le réseau social X, il y a deux semaines.

PHOTO CHRISTINNE MUSCHI, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Pierre Poilievre

« Pierre Poilievre veut priver les gens de Québec de l’investissement le plus important de l’histoire de la ville de Québec venant du gouvernement canadien. Le 1,6 milliard, il est budgété et il veut l’enlever. […] C’est du mépris envers les gens de Québec », rétorque Jean-Yves Duclos en entrevue.

Référendum et « politique identitaire »

Le ministre fédéral de Québec appréhende également la montée du Parti québécois (PQ) – qui est en tête dans les sondages dans la province – et sa volonté de faire un troisième référendum sur l’indépendance.

« Un référendum et toutes ces discussions versent trop souvent vers la politique identitaire. Ça divise les gens. Ça divise le Canada, mais ça divise aussi les Québécois », soutient-il.

M. Duclos assure que le fédéralisme canadien fonctionne ; il en veut pour preuve les différentes ententes que son gouvernement a conclues avec le premier ministre François Legault.

« On sert les mêmes citoyens avec les mêmes ressources, et dans une fédération on a l’avantage d’avoir différents niveaux de gouvernement qui ne sont pas toujours d’accord sur tout, mais qui arrivent toujours – du moins dans tous les dossiers que j’ai pu voir au cours des dernières années – à s’entendre », soutient-il.