Les jeunes adultes nés après le référendum de 1995 n’ont jamais vécu l’apogée de la ferveur indépendantiste. Pourtant, ils sont nombreux à se mobiliser pour l’indépendance. Mais ils visent plus que la création d’un pays. Leur souverainisme est un tremplin pour faire avancer d’autres causes. Qui sont ces jeunes ? Et pourquoi voteraient-ils Oui en 2024 ?

Pour l’environnement

« L’environnement, c’est la base de mon indépendantisme. » Alex Valiquette a d’abord milité au sein de plusieurs groupes environnementalistes avant de se tourner vers le souverainisme.

Au lendemain de la Marche mondiale pour le climat, en 2019, déçu par l’inaction du gouvernement, Alex Valiquette a cherché une solution qui aurait un impact à long terme. « Il faut un projet qui va amener un changement en profondeur, une transformation sociale. L’indépendance, je vois ce projet-là comme un potentiel pour ce changement-là », opine-t-il.

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Alex Valiquette, responsable des communications et des jeunes au sein des OUI Québec

Le jeune homme s’est ensuite joint aux OUI Québec (Organisations unies pour l’indépendance) à titre de responsable des communications et des jeunes.

Les OUI Québec luttent de manière non partisane pour la souveraineté du Québec. Réunissant des citoyens et des organisations, elles sont particulièrement actives auprès de la jeunesse en organisant des rassemblements à travers la province.

Pour plusieurs de ces jeunes souverainistes, l’environnement est une considération incontournable. « L’environnement fait partie d’un discours d’une nouvelle génération. Même en 1995, c’était à peine quelque chose qui était considéré », remarque Alex Valiquette.

« Le Québec va être super touché par la crise climatique, même plus que d’autres pays dans le monde à cause de sa position géographique », affirme la présidente des OUI Québec, Camille Goyette-Gingras.

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Camille Goyette-Gingras, présidente des OUI Québec

Un Québec souverain serait une occasion de bâtir une nouvelle société avec des orientations environnementales. Au-delà d’une dissociation des énergies pétrolières et de la création d’un plan de transition vers les énergies renouvelables, un pays québécois permettrait d’ouvrir un espace de réflexion collective sur notre avenir. « On a besoin d’un espace où on brise le statu quo et où on pose la question collectivement : comment a-t-on envie de vivre ? », avance Alex Valiquette.

Pour les communautés autochtones

Issu de la communauté innue de Mashteuiatsh, Michaël Ottereyes a grandi au Lac-Saint-Jean dans une famille qui « chantait du Paul Piché ». « Je suis né en 1995, l’année du référendum, dit-il en riant. J’ai toujours été souverainiste. »

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Michaël Ottereyes, militant autochtone

« La souveraineté du Québec, c’est l’unique chemin vers une réelle réconciliation », croit Michaël Ottereyes, qui a été coresponsable de la Commission nationale autochtone de Québec solidaire.

Le jeune homme souligne une certaine ressemblance entre les revendications autochtones et souverainistes : « Avec le Québec, on partage des luttes communes. On partage les luttes par rapport à la langue. Dans nos peuples autochtones, la langue est toujours en danger. Comme le français, on est dans une mare d’anglophones. »

Michaël Ottereyes célèbre particulièrement un « discours souverainiste inclusif avec tous les peuples du Québec ». Selon lui, un projet souverain pourrait engendrer une nouvelle Constitution et une assemblée constituante où « tous les genres, tous les peuples et tous les partis » sont inclus.

Une nouvelle Constitution pourrait permettre de corriger des injustices commises envers les peuples autochtones. « La Constitution canadienne de 1867 a séparé les Autochtones au fédéral et la forêt est devenue provinciale. Déjà, en partant, on devenait des braconniers. Nos moyens de subsistance nous étaient enlevés complètement. Ça a été décidé sans nous, mais ça impliquait toute notre vie », dit le militant.

« On veut avoir un poids politique quand il y a de grosses décisions sur des affaires territoriales quand c’est nos territoires ancestraux », rappelle-t-il. « On veut juste être réellement écoutés. »

L’important, selon Michaël Ottereyes, c’est de prendre le temps de réfléchir au projet, tout en consultant les peuples autochtones. « Tout est à bâtir, tout est permis. Est-ce que c’est possible d’imaginer qu’une personne de chaque communauté autochtone du Québec pourrait être représentée, avec un homme et une femme ? Ça se pourrait, mais il faut se donner l’opportunité d’en discuter. »

Michaël Ottereyes, qui a été invité à prendre la parole lors d’un rassemblement des OUI Québec, voit chez les jeunes un potentiel prometteur pour l’avenir du souverainisme. « La jeunesse brillait beaucoup. C’était incroyable, combien il y avait de jeunes ! […] Quand tu vois des évènements comme ça, ça n’est pas fini, la souveraineté ! »

Pour les enjeux féministes

Ayant grandi dans une famille fièrement souverainiste, Marguerite Landry baigne dans ces enjeux depuis son jeune âge. « Mes parents m’ont dit que si je ramenais un gars qui n’était pas indépendantiste à la maison, ils me jetteraient dehors, plaisante la jeune femme. Arrivée à l’âge adulte, j’ai vraiment eu une réflexion. […] J’ai commencé à lire et réfléchir et j’ai réalisé qu’ils avaient bien raison, mes parents ! »

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Marguerite Landry, vice-présidente des OUI Québec

Aujourd’hui vice-présidente des OUI Québec, Marguerite Landry travaille sur le développement d’un comité féministe au sein de l’organisation depuis l’automne. « Le combat féministe et le combat indépendantiste ont évolué vraiment très près l’un de l’autre dans mon cœur. »

« La lutte indépendantiste, c’est une lutte de libération. Les luttes féministes, ce sont des luttes de libération. Le parallèle est pour moi évident dans ce sens-là », explique-t-elle.

La convergence entre la cause féministe et la cause indépendantiste serait un prolongement de l’héritage féministe du Québec. Selon la jeune femme, l’indépendance permettrait « l’avancement de la cause féministe dans plusieurs domaines », notamment en ce qui concerne l’aspect juridique. La création d’une constitution québécoise permettrait de rapatrier des « enjeux majeurs pour les femmes qui sont complètement dans les mains du fédéral », comme l’avortement, la prostitution et les violences sexuelles.

Selon la présidente des OUI Québec, c’est grâce aux jeunes que le souverainisme reste actuel et proche des enjeux importants d’aujourd’hui. « C’est important de mobiliser les jeunes pour qu’ils ne soient pas juste des figurants dans ce combat-là, mais qu’ils soient vraiment des acteurs d’importance. »