(Ottawa) Le nombre de plaintes et d’allégations reçues chez Affaires mondiales Canada (AMC) en 2023-2024 a bondi de 97 % par rapport à l’année précédente, selon un rapport qui a été discrètement publié au dernier jour des travaux à Ottawa, mercredi. Voici quelques-uns des cas qui y sont détaillés.

Ventes aux enchères frauduleuses

Un employé d’AMC a vendu aux enchères quatre véhicules d’une mission diplomatique à un prix « bien inférieur à [leur] valeur marchande ». L’enquête a permis de déterminer que l’employé en a vendu deux à son frère, et les deux autres à des entrepreneurs avec qui il entretenait une « relation étroite » qui n’a pas été divulguée. Le même employé a aussi manipulé des appels d’offres de certains contrats de la mission diplomatique, avec la complicité d’un autre employé. Les deux ont été congédiés.

Agression sexuelle à l’étranger

Un employé a assisté à une réception organisée par une ambassade étrangère sans avoir reçu de carton d’invitation. Il a été allégué qu’il était reparti de cet évènement avec deux femmes locales. Une fois dans un appartement, il « leur a administré des drogues » en les incorporant dans leurs boissons, puis les a agressées sexuellement, est-il écrit dans le rapport d’AMC. Les autorités policières locales ont été informées de l’affaire, et l’employé a été mis à la porte. Un de moins sur les quelque 13 000 employés du gigantesque ministère.

Agitateurs de souris

En juin 2023, des infractions ont été commises par 29 employés en lien avec l’utilisation de logiciels non autorisés appelés « agitateurs de souris ». Ces logiciels téléchargés par les employés simulent le mouvement de la souris d’ordinateur afin de donner l’illusion que le fonctionnaire est bel et bien actif sur le réseau informatique du gouvernement. L’un de ces 29 employés a fait l’objet d’une procédure disciplinaire, et il a été suspendu temporairement. Le message semble avoir été compris, car depuis juin 2023, seulement quatre infractions similaires ont été recensées.

Rénovations illicites

La démolition de la cuisine d’une résidence officielle diplomatique – donc une propriété de l’État canadien – par un employé a été signalée par un lanceur d’alerte. L’enquête qui a été ouverte a permis de déterminer que l’employé n’avait pas de plan pour le projet de rénovation avant de se mettre à démolir la pièce. Cela a « entraîné un retard important entre la démolition et la rénovation, ce qui a provoqué un stress chez les employés », lit-on dans le compte rendu de l’acte répréhensible. L’affaire a contraint le gouvernement à payer « des services d’entrepreneur non utilisés » ainsi qu’à rembourser des repas pour le chef de mission, en l’absence d’une cuisine fonctionnelle. Une réprimande écrite a été remise à l’employé entreprenant.

Des blasphèmes et du harcèlement

Au cours de l’année 2023-2024, 290 plaintes ou allégations ont été formulées, toutes catégories confondues, et 129 enquêtes ont été lancées. Si les cadres et employés visés ont parfois été frappés de sanctions administratives ou disciplinaires, l’un d’eux a préféré démissionner – il a « fait des avances déplacées et des commentaires de nature sexuelle à l’endroit d’un [ou d’une] collègue ». Le gestionnaire qui a proféré « des blasphèmes » a quant à lui été sommé de suivre une formation sur le harcèlement. Et, pour sa part, le cadre qui a « fait une avance sexuelle non désirée et proposé d’envoyer des images déplacées de lui-même à un employé du Ministère » a été licencié.

Une augmentation attendue, dit le Ministère

Sollicité pour une réaction, le cabinet de la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly a référé la demande au Ministère. Dans un message envoyé en fin de soirée, mercredi, AMC a fourni une série de commentaires figurant déjà dans le document. « Bien qu’il s’agisse d’une nouveauté pour GAC [l’acronyme d’AMC, en anglais], la publication de ce type de rapport est une pratique exemplaire bien établie dans plusieurs organisations multilatérales, y compris les Nations unies », a-t-on notamment souligné. On y a aussi attribué, comme dans le document, l’augmentation « notable » des signalements de fautes et d’actes répréhensibles potentiels au fait que le Ministère « fait la promotion des mécanismes en place pour signaler de tels comportements et promouvoir une culture où il n’y a pas de crainte de représailles ».