(Ottawa) Les députés de la Chambre des communes lèvent le camp mercredi, alors qu’une chaleur torride s’abat sur Ottawa. L’ajournement des travaux met fin à des mois de sueurs froides pour les libéraux, qui espéraient pourtant renverser la vapeur avec la présentation d’un budget pimenté de mesures clivantes. Bilan en six temps.

L’ingérence (bis)

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Le chef du NPD, Jagmeet Singh

Les travaux parlementaires à Ottawa prennent fin sur fond d’ingérence étrangère encore une fois cette année. La mise sur pied de la Commission Hogue sur l’ingérence étrangère a donné un certain répit au gouvernement Trudeau cette année. Mais la publication d’un rapport explosif selon lequel des parlementaires aideraient sciemment ou à leur insu des États étrangers à s’ingérer dans la politique canadienne a relancé cet épineux débat. Et il est difficile de s’y retrouver entre les interprétations de Jagmeet Singh (des élus en poste sont à solde d’entités étatiques étrangères) et d’Elizabeth May (il n’y a pas de traîtres sur la colline du Parlement). Le fait que Pierre Poilievre refuse de se prévaloir de la cote de sécurité pouvant lui permettre de lire le rapport non caviardé et que Justin Trudeau se refuse à tout commentaire n’aident en rien à y voir plus clair.

La Poilievremanie

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Le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre

La tendance est lourde, très lourde. Sondage après sondage, le chef conservateur Pierre Poilievre jouit toujours d’une avance considérable. Une victoire conservatrice majoritaire aux prochaines élections se dessine clairement – et encore une fois, mercredi, le chef de l’opposition officielle a mis au défi le premier ministre Justin Trudeau de déclencher une élection sur la taxe carbone. L’été dernier a été payant pour Pierre Poilievre, qui a creusé un écart entre lui et Justin Trudeau. Et ce ne sont pas que ses troupes qui en ont profité : il en récolte lui aussi les fruits, étant considéré comme celui qui ferait le meilleur premier ministre avec 44 % d’avis favorables contre 25 % pour Justin Trudeau, selon un sondage Ipsos publié mercredi.

L’effeuillage

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Le ministre des Finances et vice-première-ministre, Chrystia Freeland

Il fallait bien tenter quelque chose pour mettre fin à la dégringolade, et c’est ce que les stratèges libéraux ont décidé de faire en consacrant un mois à dévoiler le budget avant se présentation officielle, le 16 avril dernier. Programme national d’alimentation scolaire, investissements massifs en logement abordable, accès universel aux contraceptifs et à l’insuline, hausse du taux d’inclusion des gains en capital : on voulait établir un contraste net entre la générosité libérale et l’austérité conservatrice. Le mois passé à déployer des ministres aux quatre coins du pays, pour faire simultanément les mêmes annonces, n’a pas été payant : l’aguille des sondages n’a pas bougé.

Le 2 %

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Le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg

Dans le cadre de l’opération de prévente du budget, justement, le gouvernement a enfin dévoilé la mise à jour de sa politique de défense. Et n’en déplaise au secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg – qui est de passage à Ottawa mercredi – ou à de puissants alliés comme les États-Unis, le plan n’établit toujours pas de trajectoire vers l’atteinte de 2 % du PIB en dépenses militaires. Il est plutôt question d’en arriver à 1,76 % d’ici 2029-2030. À l’approche du sommet de l’Alliance, qui se tient à Washington en juillet prochain, 23 sénateurs ont écrit à Justin Trudeau pour l’exhorter à délier les cordons de la bourse. « Je suis convaincue que nous allons atteindre cet objectif de 2 % », a déclaré mercredi la ministre des Affaires étrangères, sans fournir d’échéancier.

L’immigration

PHOTO ADRIAN WYLD, LA PRESSE CANADIENNE

Le ministre de l’Immigration Marc Miller

Sous la houlette du ministre de l’Immigration Marc Miller, les libéraux ont resserré la vis en matière d’immigration au cours des derniers mois : retour de l’obligation du visa pour les voyageurs mexicains, plan pour faire passer de 6,2 % à 5 % la proportion de résidents temporaires d’ici 2027, instauration d’un plafond d’étudiants étrangers. Est ensuite venu un chèque de 750 millions pour Québec en juin dernier. Mais depuis, le torchon n’a pas cessé de brûler entre les caquistes de François Legault et les libéraux de Justin Trudeau. D’un côté, le premier ministre québécois accuse le ministre Miller de vouloir dépeindre les Québécois comme des racistes, et plaide que 100 % de la crise du logement est due à l’immigration temporaire. De l’autre, Marc Miller reproche à François Legault « d’accuser les immigrants d’être des sans-abris et d’être responsable de la toxicomanie qui sévit à Montréal », des commentaires de « mononcle », selon lui.

L’incurie

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L’application ArriveCAN

Explosion de coûts pour le développement de l’application ArriveCAN, irrégularités dans l’attribution des contrats réservés aux entreprises autochtones, entorses aux politiques d’approvisionnement dans l’octroi de contrats appel d’offres à la firme McKinsey. Il s’agit d’un bilan peu reluisant pour la machine fédérale – et pour le gouvernement libéral. On aurait pu croire que la fonction publique avait appris de son expérience d’il y a deux ans, avec le fiasco de la délivrance de passeports, mais apparemment, il y a encore du travail à faire…