Les fermes du Québec recevront une aide de plus de 200 millions de dollars en réponse à la crise qui frappe le monde agricole, a annoncé jeudi le gouvernement Legault. L’inflation, la relève et le climat sont au cœur des mesures.

« Le plus grand projet de société des Québécois et des Québécoises, ça devrait être l’agriculture et l’agroalimentaire, a affirmé haut et fort le président de l’Union des producteurs agricoles (UPA), Martin Caron, en conférence de presse. On contribue à la santé des gens grâce à la qualité et à la fraîcheur de nos produits. »

Il était accompagné du ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, André Lamontagne. L’annonce s’est tenue aux Fermes Longprés, dans la municipalité des Cèdres, dans la MRC de Vaudreuil-Soulanges.

PHOTO MARIKA VACHON, LA PRESSE

Le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, André Lamontagne en compagnie du président de l’UPA, Martin Caron a fait l’annonce d’investissements dans le secteur de l’agriculture jeudi matin aux Fermes Longprés.

« Les aléas économiques et météorologiques des dernières années ont mis à mal la stabilité économique de plusieurs de nos entreprises. Dans de telles situations, ça nous appelle à être solidaires avec nos producteurs et nos productrices », a déclaré le ministre.

Parmi les sommes allouées, 30 millions sont ajoutés au « fonds d’urgence » créé pour les agriculteurs en mai dernier afin d’affronter l’inflation. Environ 3000 entreprises agricoles québécoises en difficulté financière pourront en bénéficier, le fonds totalisant maintenant 55 millions.

Une somme de 37,1 millions servira à compenser la hausse des taux d’intérêt chez la relève agricole. « Les entreprises de la relève présentent en général un taux d’endettement qui est bien supérieur à celui des entreprises qui sont bien établies », a expliqué M. Lamontagne. Environ 2900 producteurs en tireront profit.

Finalement, une somme de 106 millions sera accordée pour aider l’industrie à lutter contre les changements climatiques et à s’y adapter.

Dans la dernière année, des milliers d’agriculteurs ont pris part à des manifestations aux quatre coins du Québec afin de réclamer une meilleure reconnaissance et des investissements majeurs dans leur secteur d’activité, qui est au cœur du quotidien des Québécois.

« Une ferme, ce n’est pas juste nourrir, c’est un écosystème, a dit le président de l’UPA. On en a beaucoup sur les épaules. »

Une « tempête parfaite »

Matthew Dewavrin, copropriétaire des Fermes Longprés depuis 2020, fait partie d’une troisième génération de producteurs de grains. Pour lui, la dernière année a représenté la tempête parfaite pour nuire aux fermes d’ici.

« Ç’a été une année vraiment difficile au niveau du climat et de la hausse des taux d’intérêt. Il y a aussi une baisse marquée des prix dans le marché du grain », a expliqué M. Dewavrin, pour qui son travail est aussi une passion et une source de stimulation.

L’entrepreneur a aussi fait part des enjeux de concurrence qui ne cessent de s’accroître, particulièrement parce que ses produits sont biologiques. Il observe que le désir d’achat local s’effrite depuis la pandémie, à cause de l’inflation.

« Faire de l’alimentation des Québécois une priorité, ce n’est pas toujours évident. Pourtant, on mange tous trois fois par jour », a-t-il conclu.

Plusieurs allègements réglementaires font aussi partie des mesures annoncées. Ces assouplissements ont par exemple comme objectif de diminuer les recours aux services d’un professionnel pour remplir de la paperasse, tâche qui alourdit le travail quotidien des producteurs agricoles de la province.

D’AUTRES ENGAGEMENTS

Promesse d’une aide aux producteurs maraîchers

Selon un sondage de l’UPA, 60 % des superficies maraîchères auraient été endommagées en juillet 2023 en raison des pluies torrentielles record, qui ont occasionné des pertes financières substantielles.

Le gouvernement s’est donc engagé à offrir une aide ponctuelle aux producteurs maraîchers. Les sommes précises seront toutefois dévoilées ultérieurement.

« Est-ce que [l’annonce d’aujourd’hui] c’est assez ? Oui, mais il reste quand même les producteurs maraîchers », a affirmé le président de l’UPA.

« Avec le fédéral, on est en train de finaliser les modalités », a précisé le ministre Lamontagne.

Sécheresse en Abitibi-Témiscamingue : 1,6 million supplémentaires

Les aléas de la météo font partie des principales préoccupations des producteurs agricoles québécois, qui ont été aux prises avec d’innombrables défis au cours de la dernière année.

Parallèlement aux averses sans précédent, un second phénomène a pu être observé l’été dernier : une sécheresse exceptionnelle en Abitibi-Témiscamingue. Les entreprises agricoles touchées par ce climat exceptionnel avaient reçu une aide de 6,7 millions grâce au programme d’assurance récolte.

« Avec une analyse plus poussée des faits et de ce qu’on pouvait observer sur le terrain, il est apparu qu’une intervention additionnelle était tout indiquée », a expliqué le ministre André Lamontagne. Ces entreprises recevront donc une aide supplémentaire de 1,6 million.

Moratoire sur les superficies agricoles : la CAQ confirme vouloir y mettre fin 

Depuis 20 ans, il est interdit aux fermes du Québec d’agrandir leur superficie en culture en raison de la pollution au phosphore, qui contamine les rivières près des terres. Jusqu’à tout récemment, le gouvernement Legault envisageait la possibilité de revoir cette réglementation, ce qu’il a confirmé jeudi.

« Le gouvernement s’engage à remplacer le moratoire sur l’agriculture par un nouveau cadre réglementaire, qui va permettre [aux producteurs] d’augmenter leur superficie en culture », a affirmé M. Lamontagne.

Ces mesures d’assouplissement avaient suscité des réactions mitigées, notamment chez des scientifiques du ministère de l’Environnement du Québec.