(Ottawa) Le chef conservateur Pierre Poilievre est sorti de son mutisme mardi sur la hausse de l’imposition sur les gains en capital, quelques heures avant le vote sur la motion déposée par les libéraux la veille afin qu’elle entre en vigueur dès le 25 juin. Elle a été adoptée sans problème avec l’appui du Nouveau Parti démocratique (NPD) et du Bloc québécois.

« Cette taxe de Trudeau, qui tue les emplois, fera fuir de notre pays des milliards de dollars de machines, de technologies, d’entreprises et de chèques de paie », a dénoncé M. Poilievre par communiqué avant que son équipe de députés reprenne ce refrain lors de la période des questions.

« Les milliardaires ne paieront pas plus parce que Trudeau leur a donné un délai de deux mois pour vendre leurs investissements et transférer leur argent à l’étranger afin de payer des impôts moins élevés sur les entreprises étrangères. »

La ministre des Finances, Chrystia Freeland, s’était défendue la veille de tenter de coincer les conservateurs en séparant les dispositions sur le gain en capital du projet de loi sur la mise en œuvre des autres mesures du dernier budget fédéral, mais elle avait invité du même souffle les électeurs à prêter attention au vote sur cet enjeu. La motion de voies et moyens compte près de 60 pages.

« Prêtez attention aux députés qui voteront contre ces changements et réfléchissez à leurs motivations », avait affirmé celle qui est aussi vice-première ministre. Prêtez attention à ceux qui défendent un régime fiscal qui favorise les mieux nantis, à ceux qui s’opposent à une plus grande équité fiscale pour tout le monde, à ceux qui veulent que les millionnaires qui réalisent un gros gain sur leurs investissements paient moins d’impôt qu’une enseignante ou une infirmière, qu’un charpentier ou un plombier. »

Dans son dernier budget, la ministre Freeland a annoncé que le taux d’inclusion – la portion imposable du gain en capital – passera de 50 % à 66 % si ce gain excède 250 000 $ au cours d’une année. Elle estime que cette mesure devrait générer 19,4 milliards sur cinq ans et compte s’en servir pour financer la construction de 4 millions de logements.

Quatre exclusions sont prévues, soit la vente d’une résidence principale, les gains réalisés dans des comptes à l’abri de l’impôt (REER, CELI, CELIAPP, etc.), les revenus de pension ou gains en capital dans des régimes de retraite agréés et la première tranche de 250 000 $.

Le gouvernement prévoit que ce changement touchera quelque 40 000 personnes et 307 000 sociétés. Il s’est attiré des critiques des médecins et des propriétaires de petites et moyennes entreprises (PME) qui s’estiment injustement pénalisés.

M. Poilievre estime que ce sont les gens qui vendent ou cédent des actifs à long terme, comme une terre agricole. Il promet de former un groupe de travail pour réformer le système d’imposition dans les 60 premiers jours d’un gouvernement conservateur.

« Plus bas. Plus simples. Plus justes », a-t-il résumé.

Il promet de réduire les impôts pour les moins nantis et la classe moyenne « tout en s’attaquant aux paradis fiscaux à l’étranger et aux grands cadeaux du gouvernement aux grandes entreprises », de réduire la paperasse de 20 % et de stimuler la production, l’embauche et « de plus gros chèques de paye ».

Son groupe de travail serait composé « d’entrepreneurs, d’inventeurs, d’agriculteurs et de travailleurs (mais pas de lobbyistes) », précise le communiqué.

Le Bloc québécois qui s’était également gardé de commenter jusqu’à maintenant votera pour la motion, mais compte apporter des amendements au projet de loi qui s’ensuivra.

« Nous sommes défavorables au fait que, dans sa version actuelle, il y a ce que j’appellerais d’assez petits épargnants qui sont touchés. Nous ne sommes pas défavorables à ce que les riches et les très riches paient davantage », a résumé le chef bloquiste, Yves-François Blanchet.

Il a donné pour exemple un couple de sexagénaires qui pourraient devoir payer « des dizaines de milliers de dollars » d’impôts après la vente d’un immeuble qu’ils ont payé « toute leur vie ».

La motion adoptée mardi est une première étape qui concrétise l’application de la hausse du taux d’imposition sur le gain en capital dès le 25 juin. Le ministère des Finances devra ensuite publier ses propositions législatives pendant l’été, après quoi un projet de loi sera déposé, ce qui n’ira pas avant l’automne, puisque les travaux parlementaires feront relâche au plus tard le 21 juin.