(Ottawa) Le gouvernement libéral a l’intention d’appuyer une motion du Bloc québécois demandant à la commission Hogue d’élargir la portée de son enquête sur l’ingérence étrangère pour examiner les informations voulant que des parlementaires soient à la solde d’États étrangers.

Le ministre fédéral de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, a confirmé lundi à la période des questions que la démarche du Bloc québécois avait la faveur des libéraux.

Il a aussi spécifié que les hauts fonctionnaires du Bureau du Conseil privé avaient commencé à évaluer les options dans le courant de la fin de semaine.

La motion parrainée par le député René Villemure a été présentée une semaine après le dépôt d’un rapport du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR) qui a semé l’émoi.

Selon ce document, des parlementaires canadiens contribueraient sciemment ou involontairement aux efforts d’ingérence d’États étrangers.

La motion bloquiste demande à la Commission d’enquêter sur les institutions démocratiques fédérales et les parlementaires élus lors des 43e et 44législatures ainsi que les membres du Sénat.

À Québec, où il se trouvait pour une rencontre avec le premier ministre François Legault, le premier ministre Justin Trudeau a fait écho aux propos du ministre LeBlanc.

« L’ingérence étrangère est un sujet extrêmement préoccupant qu’on doit prendre au sérieux ; c’est pour ça qu’on appuie la motion », a-t-il affirmé en point de presse.

La motion doit être mise aux voix ce mardi après-midi. Il est déjà acquis qu’elle sera avalisée, grâce à l’appui des libéraux et des néo-démocrates.

Les conservateurs veulent des noms

Le Parti conservateur, pour sa part, continue de réclamer que les noms des présumés fautifs soient dévoilés au grand jour.

Le ministre LeBlanc a réitéré que la loi le lui interdisait, comme le lui aurait confirmé le sous-commissaire adjoint de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), Mark Flynn.

« Je [lui] ai demandé ce qui arriverait si je me levais et que je révélais les noms, comme mes collègues me le demandent, et il m’a dit que je m’exposerais à des poursuites criminelles », a-t-il lancé en Chambre.

« Eh bien, devinez quoi, Monsieur le Président, je ne vais pas faire cela », a tranché le ministre LeBlanc.

Le chef conservateur Pierre Poilievre refuse de se prévaloir de la cote de sécurité qui lui permettrait de lire le rapport du CPSNR dans sa version non censurée.

« Si un député recevait un tel breffage, il serait alors tenu au secret sur ce qu’il a appris », a justifié vendredi dernier sa porte-parole, Marion Ringuette.

« Cela impliquerait également de ne pas agir sur la base de ce qui a été appris lors de ce breffage, car cela risquerait de révéler les méthodes classifiées des agences de sécurité canadiennes », a-t-elle aussi noté.

De son côté, le chef bloquiste Yves-François Blanchet est désormais ouvert à la possibilité de se doter de la cote de sécurité « très secrète ».

Jagmeet Singh promet de sévir au besoin

PHOTO JUSTIN TANG, LA PRESSE CANADIENNE

Jagmeet Singh, chef néo-démocrate

Le chef néo-démocrate Jagmeet Singh, qui possède cette cote de sécurité, s’est engagé à mettre à la porte tout député qui se serait adonné volontairement à de l’ingérence étrangère.

« S’il y a un député de mon parti nommé dans le rapport, qui travaillait par exprès avec un gouvernement étranger pour s’ingérer au Canada, je vais le jeter dehors tout de suite », a-t-il tonné.

« Je mets les autres chefs au défi de faire la même chose », a-t-il tranché en mêlée de presse.

Il n’est pas clair si cela équivaudrait à faire indirectement ce que la loi interdit explicitement de faire. Le parti n’a pas répondu aux demandes de précision à ce sujet.

Les néo-démocrates souhaitent par ailleurs également que la commissaire Marie-Josée Hogue se penche sur l’ingérence présumée dans les courses à la direction du Parti conservateur, évoquée dans le rapport.

La commission Hogue « attendra le résultat du vote sur la motion […] avant de déterminer si elle fera un commentaire à ce sujet », a signalé son porte-parole, Michael Tansey.