(Ottawa) Le mandat de la Commission sur l’ingérence étrangère doit être élargi afin d’examiner le cas des parlementaires qui auraient sciemment participé aux manœuvres clandestines d’États étrangers voulant s’immiscer dans les affaires du pays, estime le Parti conservateur.

La commission présidée par la juge Marie-Josée Hogue devrait publier la liste des députés et des sénateurs qui sont montrés du doigt dans un rapport qui devrait être soumis au Parlement au plus tard le 1er octobre.

Le leader parlementaire du Parti conservateur, Andrew Scheer, a formulé cette demande dimanche dans une lettre de deux pages qu’il a fait parvenir au ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc.

Le Bloc québécois a par ailleurs déposé une motion qui demande aussi à ce que le mandat de la commission Hogue soit élargi pour inclure la conduite de parlementaires agissant sous l’influence d’États étrangers. Cette motion sera débattue lundi aux Communes.

Jusqu’ici, le ministre LeBlanc a catégoriquement refusé de rendre public le nom des parlementaires visés au motif que cela pourrait détruire la réputation de gens qui n’ont rien fait d’illégal.

Dans un rapport publié lundi dernier qui fait encore des vagues dans la capitale fédérale, le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR) a affirmé que des parlementaires sont « des participants mi-consentants ou volontaires » aux efforts déployés par des États étrangers pour mener à bien des activités d’ingérence sur le sol canadien.

Des conclusions « extrêmement inquiétantes »

Pour la première fois depuis que l’ingérence étrangère fait les manchettes nationales, voilà maintenant près de deux ans, le comité a braqué les projecteurs sur les élus et les sénateurs.

Le CPSNR n’a toutefois pas divulgué les noms des parlementaires en question, étant donné que ces informations s’appuient sur des renseignements colligés par le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et ne peuvent pas être diffusées.

Mais le CPSNR donne tout de même quelques exemples de gestes qu’il juge contraires à l’intérêt national. Des parlementaires ont accepté « sciemment ou par ignorance volontaire » des fonds ou des avantages de missions étrangères. D’autres ont sollicité l’aide de missions étrangères afin d’obtenir l’appui d’une diaspora durant les élections. Des parlementaires ont fourni à des diplomates étrangers des informations privilégiées sur le travail ou les opinions de collègues. D’autres ont relayé des informations apprises confidentiellement du gouvernement à un agent de renseignements connu d’un État étranger.

Selon le député conservateur Andrew Scheer, les conclusions du CPSNR « sont extrêmement inquiétantes » et « ne peuvent être ignorées ».

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le leader parlementaire des conservateurs, Andrew Scheer

Les Canadiens méritent de savoir si des parlementaires fédéraux se sont sciemment engagés dans des activités pour le compte de gouvernements étrangers qui ont porté atteinte à l’intérêt national du Canada. Ces conclusions n’ont pas été examinées et évaluées par un organisme indépendant. Cela doit être fait immédiatement.

Andrew Scheer, dans une lettre envoyée au ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc

Selon lui, la Commission sur l’ingérence étrangère est le meilleur véhicule pour faire toute la lumière sur ces dernières révélations. Elle pourrait « émettre une conclusion de fait pour chaque cas » de parlementaire relevé dans le rapport du CPSNR. Les parlementaires perfides, anciens ou actuels, seraient nommés dans un rapport spécial que la Commission devrait présenter au Parlement au plus tard au début d’octobre.

Cet exercice pourrait être réalisé tout en protégeant la confidentialité des sources et des renseignements sur lesquels le SCRS s’appuie pour sonner l’alarme.

Redonner confiance aux Canadiens

« Ces conclusions de fait ne constitueraient pas des conclusions de culpabilité criminelle, mais seraient destinées à aider la Chambre et le Sénat dans l’exercice de leurs privilèges, immunités, et pouvoirs respectifs : à chaque parti dont les membres pourraient être impliqués ; et surtout au public canadien afin de renforcer sa confiance dans nos institutions politiques », avance M. Scheer dans sa lettre.

« L’intégrité de notre Parlement a été ébranlée par les conclusions du rapport spécial. Chaque membre de la Chambre et du Sénat a prêté serment ou affirmé qu’il “déclare fidélité et sincère allégeance” à la Couronne qui est la source de l’autorité constitutionnelle au Canada. Si les Canadiens veulent continuer à avoir confiance dans leurs institutions démocratiques fédérales, ils doivent savoir qui a rompu leur serment et trahi leur confiance », ajoute-t-il.

Dans une entrevue avec La Presse, le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a indiqué qu’il envisage d’obtenir la cote de sécurité requise pour être en mesure de consulter les renseignements secrets recueillis par le SCRS. En effectuant cette démarche, M. Blanchet veut s’assurer qu’aucun de ses députés n’est sous l’influence d’un État étranger.

Il a fait valoir que le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, devrait entreprendre la même démarche afin de s’assurer qu’aucun député de la formation politique qu’il dirige n’est à la solde d’un État étranger. Jusqu’ici, M. Poilievre a refusé d’obtenir cette cote de sécurité au motif qu’il aurait par la suite les mains liées par le secret.

« Je suis convaincu qu’il n’y a personne dans mon caucus qui est lié à une influence de communautés issues de l’immigration. Mais je veux donner l’exemple pour que tout le monde fasse l’examen de conscience de sorte qu’en caucus, entre eux, ils essaient de disposer de cet enjeu », a expliqué M. Blanchet.