(Ottawa) Les chefs de tous les partis à la Chambre des communes ont le devoir de prendre les moyens qui s’imposent afin de s’assurer qu’aucun député de la formation politique qu’il dirige n’est sous l’influence d’un État étranger.

Ce qu’il faut savoir

Un rapport publié lundi soutient que des parlementaires prennent sciemment part à des activités d’ingérence étrangère menées par des États comme la Chine et l’Inde.

L’identité des parlementaires a été caviardée dans le rapport avant qu’il ne soit publié.

Il incombe aux chefs des partis de s’assurer que les candidats de leur formation politique respective sont sans reproche en matière d’ingérence étrangère, selon le Bloc québécois.

C’est pour cette raison que le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, envisage maintenant d’obtenir la cote de sécurité requise pour être en mesure de consulter les renseignements secrets recueillis par le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) qui montrent du doigt certains parlementaires qui seraient essentiellement à la solde d’un État étranger selon un rapport percutant publié lundi.

« S’il y a des gens qui sont sous influence dans le Parlement actuel, moi, je veux donner l’exemple », a soutenu M. Blanchet dans une entrevue à La Presse.

Il a dit espérer que les autres leaders, notamment le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, lui emboîteront le pas.

Je suis convaincu qu’il n’y a personne dans mon caucus qui est lié à une influence de communautés issues de l’immigration. Mais je veux donner l’exemple pour que tout le monde fasse l’examen de conscience de sorte qu’en caucus, entre eux, ils essaient de disposer de cet enjeu.

Yves-François Blanchet, chef du Bloc québécois

Selon le chef bloquiste, il serait « irresponsable » de la part de Pierre Poilievre de ne pas entreprendre la même démarche étant donné que son caucus compte 118 députés aux Communes et une douzaine de sénateurs à la Chambre haute.

L’an dernier, M. Blanchet avait refusé l’offre du premier ministre Justin Trudeau d’obtenir cette cote de sécurité après le dépôt du rapport du rapporteur spécial indépendant David Johnston sur l’ingérence étrangère. M. Trudeau avait fait cette offre à tous les leaders des partis reconnus aux Communes pour les aider à mieux comprendre les informations colligées par le SCRS.

Pierre Poilievre avait aussi décliné l’offre. Seul le chef du NPD, Jagmeet Singh, l’avait acceptée.

MM. Blanchet et Poilievre avaient justifié cette décision en disant que cela constituait une sorte de « piège » parce qu’il leur serait interdit de communiquer ces informations publiquement sans s’exposer à de graves sanctions.

« Les choses ont maintenant beaucoup évolué », a dit M. Blanchet en expliquant la démarche qu’il va entreprendre pour connaître les modalités pour l’obtention de la cote de sécurité.

Lundi, le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement a largué une véritable bombe politique à Ottawa. Dans un rapport qui fait encore des vagues, le comité affirme que des parlementaires sont « des participants mi-consentants ou volontaires » aux efforts déployés par des États étrangers pour mener à bien des activités d’ingérence en sol canadien.

Le comité donne quelques exemples. Des parlementaires ont accepté « sciemment ou par ignorance volontaire » des fonds ou des avantages de missions étrangères. D’autres ont sollicité l’aide de missions étrangères afin d’obtenir l’appui d’une diaspora durant les élections. Des parlementaires ont fourni à des diplomates étrangers des informations privilégiées sur le travail ou les opinions de collègues. D’autres encore ont relayé des informations apprises confidentiellement du gouvernement à un agent de renseignement connu d’un État étranger.

« Irresponsable » de dévoiler les noms

Le comité n’a pas publié les noms des parlementaires en question étant donné que ces informations s’appuient sur des renseignements colligés par le SCRS qui ne peuvent pas être divulgués.

M. Blanchet juge d’ailleurs qu’il serait « irresponsable » de le faire. « Ce serait l’équivalent d’une condamnation sans procès. Je n’ai aucune pitié pour quelqu’un qui collaborerait avec des puissances étrangères. Mais il faut le démontrer avant de sévir. »

Cela dit, le chef bloquiste a dit s’attendre à ce que le premier ministre Justin Trudeau s’assure que « s’il y a des députés au sein de son caucus qui sont sous influence étrangère, ils ne seront pas candidats aux prochaines élections ».

« S’il ne le fait pas et il y a éventuellement des procédures mises en place et qu’il y a effectivement quelque chose de criminel qui est rendu public, il va payer un lourd prix politique et le Parti libéral aussi », a fait valoir M. Blanchet

Si j’apprenais qu’un membre de mon caucus était sous influence étrangère, c’est sûr qu’il passerait un mauvais quart d’heure dans mon bureau. Son avenir politique serait incertain.

Yves-François Blanchet, chef du Bloc québécois

La démarche que compte entreprendre M. Blanchet s’apparente d’ailleurs à celle qu’a suggérée le directeur du SCRS, David Vigneault, devant un comité parlementaire jeudi.

Au bureau de Pierre Poilievre, une porte-parole, Marion Ringuette, a fait savoir que le chef conservateur n’a toujours pas l’intention d’obtenir la cote de sécurité.

« Si un député recevait un tel breffage, il serait alors tenu au secret sur ce qu’il a appris. Cela impliquerait également de ne pas agir sur la base de ce qui a été appris lors de ce breffage, car cela risquerait de révéler les méthodes classifiées des agences de sécurité canadiennes. Il incombe au gouvernement d’agir, et cela commence par le premier ministre. Les Canadiens méritent la vérité », a-t-elle indiqué.