(Ottawa) Des groupes musulmans ont appelé jeudi les partis politiques à redoubler d’efforts pour éradiquer l’islamophobie au Canada et à ne pas qualifier d’antisémite toute critique d’Israël.

Les préoccupations étaient centrées sur les condamnations des rassemblements et du plaidoyer propalestiniens depuis l’attaque du Hamas contre Israël, le 7 octobre.

« La réponse que la communauté musulmane du Canada reçoit depuis des mois de la part de nos dirigeants élus a été pleine de duplicité », a argué jeudi le PDG du Conseil national des musulmans canadiens, Stephen Brown.

Témoignant devant le Comité permanent de la justice de la Chambre des communes, M. Brown a soutenu qu’il est contradictoire que des politiciens dénoncent la discrimination tout en vilipendant les personnes qui participent à des manifestations pacifiques propalestiniennes.

« L’un dit qu’il se soucie de nos préoccupations, et l’autre se retourne immédiatement et diffuse davantage de fausses informations et tente délibérément de vilipender toute une communauté en la traitant de haineuse et intolérante », a-t-il témoigné.

Son témoignage faisait partie d’une étude parlementaire sur l’islamophobie au Canada, qui donnait suite à une étude similaire sur l’antisémitisme. La police a signalé une augmentation des crimes visant les Juifs et les musulmans partout au Canada depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas en octobre dernier.

Le groupe de M. Brown a appelé les députés à adopter une motion pour dénoncer le racisme anti-palestinien et demander instamment que les libertés civiles soient protégées, « y compris la capacité de critiquer les gouvernements étrangers ».

Le Conseil des agences au service des Sud-Asiatiques a également déclaré que des politiciens avaient calomnié les personnes qui s’opposaient à la campagne militaire israélienne dans la bande de Gaza.

« Nous avons vu des communautés musulmanes être ciblées par l’islamophobie parce qu’elles soutiennent le peuple palestinien et les droits des Palestiniens », a raconté Samya Hasan, cheffe du groupe basé à Toronto.

« Nous ne pouvons plus nous cacher de ce fait, et ce gouvernement devait s’attaquer à ce problème hier. »

Elle a également dénoncé le « silence choquant » du premier ministre Justin Trudeau lors d’une conférence de presse, la semaine dernière, avec le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, qui a laissé entendre que des immigrants étaient à l’origine des coups de feu tirés contre une école primaire pour filles juives à Toronto.

« Si nous voulons combattre l’islamophobie, dans tout ce qu’elle a de plus laid, il est impératif que ce gouvernement passe de la parole aux actes », a déclaré Mme Hasan.

Division et controverse

Les manifestations propalestiniennes contre l’opération militaire israélienne contre le Hamas dans la bande de Gaza ont suscité la controverse dans tout le pays.

Les députés de plusieurs partis ont fait part de leurs inquiétudes concernant certains rassemblements, notamment celui au cours duquel un partisan a qualifié un quartier de Toronto avec une importante population juive de « zone infestée par les sionistes ».

Lors d’un autre rassemblement, en avril, quelqu’un a été entendu scander « Vive le 7 octobre. Vive la résistance » sur la colline du Parlement.

Des groupes juifs ont dénoncé les chants appelant à la liberté des Palestiniens « du fleuve à la mer », ce qui, selon eux, appelle à l’effacement complet d’Israël.

Les militants affirment plutôt que ce chant vise à appeler à la paix et à l’égalité des droits dans la région.

Imran Ahmed, fondateur du groupe de défense Center for Countering Digital Hate, basé à Washington, a soutenu que les entreprises de médias sociaux doivent être punies financièrement pour les algorithmes qui amplifient les idées racistes.

M. Ahmed a affirmé que cela contrecarrerait l’incitation des entreprises de médias sociaux à promouvoir des contenus émotionnels et controversés, qui suscitent davantage d’interactions.

« Les utilisateurs sont du bétail sur les réseaux sociaux, a-t-il témoigné. Ils ne ressentent aucune pression et il est temps d’augmenter la pression. »

M. Ahmed a déclaré que les messages haineux normalisent les attitudes qui peuvent encourager les personnes ayant déjà des tendances violentes et rendre les minorités plus vulnérables, parce que le contenu qu’elles voient « donne l’impression que le monde est plus haineux » qu’il ne l’est en réalité.

Il a appelé cela « l’effet de vérité illusoire », où les personnes exposées à plusieurs reprises à une idée sont plus susceptibles de croire qu’elle est vraie.

« Lorsque nous sommes bombardés de contenus haineux, nous finissons par conclure qu’il ne peut y avoir de fumée sans feu, et nous commençons à normaliser les attitudes haineuses, les théories du complot et les mensonges », a-t-il déclaré.

Tout au long des témoignages de jeudi, des témoins ont fait référence à l’attentat de la grande mosquée de Québec en 2017, qui a coûté la vie à six personnes.

Jeudi marquait également l’anniversaire de l’attaque au camion en 2021 qui a tué quatre membres d’une famille musulmane à London, en Ontario.

« Les musulmans du Canada ne sont pas à l’abri de l’islamophobie violente », a déclaré Stephen Brown.

« L’islamophobie est réelle, elle a tué et continuera de tuer si cette étude n’est pas prise au sérieux. »