(Ottawa) Reconnaître l’État palestinien, sanctionner les ministres israéliens qui appellent à commettre des crimes contre l’humanité à Gaza, s’engager à arrêter Benyamin Nétanyahou si un mandat d’arrêt était délivré par la CPI : le Canada doit poser des gestes forts et hausser le ton s’il veut réellement exercer davantage de pression sur l’État hébreu, estime le Bloc québécois.

La formation indépendantiste a mis de l’avant mercredi une série de 10 propositions qui pourraient permettre de « nous rapprocher de la fin des combats et peut-être d’une paix durable entre Israël et la Palestine », selon son chef Yves-François Blanchet.

« Le Canada doit envoyer des signaux forts à Israël à l’effet qu’un cessez-le-feu immédiat est nécessaire et qu’Israël doit cesser d’entraver l’arrivée de l’aide médicale, alimentaire et humanitaire, tandis que le groupe terroriste Hamas doit relâcher les otages immédiatement et déposer les armes », a-t-il déclaré.

Parmi la dizaine de mesures mises de l’avant par le Bloc québécois figurent celles-ci :

  • Soutenir la Ligue arabe dans son appel à la création d’une force internationale de maintien de la paix destinée à être déployée dans les territoires palestiniens occupés, jusqu’à l’établissement d’un État palestinien fonctionnel.
  • Adopter un moratoire complet sur l’exportation vers Israël de toute technologie à possible usage militaire.
  • Appliquer le régime canadien de sanctions aux ministres israéliens qui appellent ouvertement à commettre des crimes contre l’humanité dans la bande de Gaza et viser davantage de colons extrémistes de Cisjordanie.
  • Exclure immédiatement les territoires occupés de l’Accord de libre-échange Canada-Israël afin de cesser de conférer des avantages commerciaux aux colonies illégales de Cisjordanie, ce qui contribue à leur prospérité économique.
  • Se joindre aux nombreux pays qui ont récemment reconnu l’État palestinien en reconnaissant à son tour la Palestine, tout en réitérant son appui à une solution à deux États.
  • Soutenir la Cour internationale de justice et éventuellement la Cour pénale internationale afin de faire respecter le droit international et s’engager à arrêter toute personne visée par un éventuel mandat d’arrestation qui se trouverait éventuellement sur le territoire canadien.

Invité à réagir à certaines de ces propositions lors de la période des questions en Chambre, Justin Trudeau n’a pas pris de nouvel engagement – ce que lui a reproché son adversaire bloquiste. « Est-ce qu’il peut cesser de ne dire que des mots passablement creux et passer à l’action ? », a pressé Yves-François Blanchet.

S’il ne s’est pas prononcé directement sur les suggestions bloquistes, le premier ministre a encore adressé des récriminations à l’endroit de l’État hébreu. « Nous sommes très préoccupés par la violence à Gaza, par les actions dévastatrices de l’armée israélienne à Rafah », a-t-il lancé.

À l’inverse des bloquistes, qui ont consacré toutes leurs interventions à ce sujet, mercredi, les conservateurs n’en ont fait aucune mention. Le chef Pierre Poilievre a été accusé par Jagmeet Singh d’être un « meneur de claque » pour Benyamin Nétanyahou.

PHOTO BASHAR TALEB, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des Palestiniens fuient avec leurs dernières possessions à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza

À l’issue de la séance, le porte-parole du Bloc en matière d’Affaires étrangères Stéphane Bergeron a tenté de faire adopter une motion visant à condamner les frappes israéliennes qui ont fait des dizaines de morts et de blessés dans des camps de déplacés à Rafah.

La démarche a échoué, la Chambre n’ayant pas accordé son consentement unanime.

Selon le Bloc, tous les partis avaient consenti au dépôt de cette motion, à l’exception des conservateurs.

Un bureau de députée vandalisée

L’indignation déjà vive de la communauté internationale, dont celle du Canada, a grimpé d’un cran après la frappe nocturne de Tsahal sur un camp de déplacés à Rafah, dimanche, qui a fait 45 morts, selon le ministère de la Santé de Gaza, contrôlé par le Hamas.

« La tragédie et la souffrance à Gaza doivent cesser. Nous sommes horrifiés par les frappes israéliennes qui ont tué des civils à Rafah, a laissé tomber Justin Trudeau, mardi. D’aucune façon le Canada n’appuie les opérations militaires d’Israël à Rafah. »

L’indignation populaire a aussi été exprimée à la peinture rouge sur une fenêtre du bureau local de la députée libérale Julie Dzerowicz. « Rahaf [sic] brûle. Ça arrivera aussi à Toronto », a écrit un vandale sur la fenêtre du local de la circonscription de Davenport, à Toronto, selon des photos qui ont circulé sur le réseau X.

Des marchands d’armes pris à partie

Dans la capitale fédérale, non loin de l’aéroport international, mercredi matin, des manifestants ont perturbé l’ouverture du salon annuel de l’industrie de la défense (CANSEC) organisé par l’Association des industries canadiennes de défense et de sécurité (AICDS).

Les militants ont notamment réclamé l’ouverture d’une enquête publique sur le commerce des armes.

PHOTO PATRICK DOYLE, LA PRESSE CANADIENNE

Des manifestants ont perturbé l’ouverture du salon annuel de l’industrie de la défense (CANSEC), à Ottawa, mercredi.

Le ministre de la Défense nationale, Bill Blair, qui était sur place afin de prononcer un discours, a insisté en mêlée de presse sur le fait que le Canada n’avait approuvé aucune nouvelle licence d’exportation d’armes vers Israël depuis le 8 janvier.

« Cela a été communiqué clairement à l’industrie : il est interdit d’exporter sans permis, et aucun permis n’a été accordé », a-t-il ensuite fait valoir, intercepté dans un couloir du parlement à son retour de la grand-messe annuelle de l’industrie militaire canadienne.

Aux dernières nouvelles, aucune directive officielle n’avait été communiquée aux fabricants d’armes.

Et les permis d’exportation qui avaient déjà été délivrés, eux, continuent d’être honorés.