(Ottawa) Il est inapproprié d’établir « une équivalence » entre le Hamas et le gouvernement élu d’Israël, ont commenté le premier ministre Justin Trudeau et sa vice-première ministre Chrystia Freeland en réaction à la demande de mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) – un reproche que la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, s’est pour sa part gardée de formuler.

« Je trouve ça vraiment problématique qu’il y ait suggestion d’équivalence entre le leadership élu d’un pays démocratique comme Israël et les leaders du groupe terroriste meurtrier Hamas », a laissé tomber Justin Trudeau en point de presse à Philadelphie, en Pennsylvanie.

La numéro deux du gouvernement, Chrystia Freeland, a tenu des propos semblables. « Pour le Canada, ce n’est pas correct de faire une équivalence entre les leaders d’une organisation terroriste et les leaders d’une démocratie », a fait valoir celle-ci en réponse à la question d’un journaliste, mardi.

La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, n’est pas allée aussi loin. Car ni dans une courte déclaration ni en réponse aux questions des journalistes n’a-t-elle avancé que la CPI semblait mettre le Hamas et l’État israélien sur un pied d’égalité.

« C’est sûr qu’il n’y a pas d’équivalence », a-t-elle cependant tranché lors d’un bref point de presse.

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La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly

D’un côté, il y a une organisation terroriste, de l’autre, il y a un État. En même temps, les [accusations] qui ont été déposées sont différentes à l’encontre des deux parties.

Mélanie Joly, ministre des Affaires étrangères

Tous ont, en revanche, plaidé que le Canada respectait le tribunal international et son indépendance, sans approuver ni réprouver son annonce.

Le procureur en chef de la CPI, Karim Khan, a demandé lundi la délivrance de mandats d’arrêt contre le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, et son ministre de la Défense, Yoav Gallant.

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Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou

Il leur attribue « le fait d’affamer délibérément des civils », « homicide intentionnel » et « extermination et/ou meurtre » en lien avec l’opération israélienne dans la bande de Gaza.

En même temps, mais pour des raisons distinctes, il a réclamé des mandats contre trois hauts responsables du Hamas, soit Ismaïl Haniyeh, Mohammed Deif et Yahya Sinouar.

Il leur reproche « l’extermination », « le viol et d’autres formes de violence sexuelle » et « la prise d’otages en tant que crime de guerre » liés à l’attaque du mouvement islamiste en Israël, le 7 octobre dernier.

Le Canada arrêterait-il Nétanyahou ou Gallant ?

Les ministres Joly et Freeland n’ont pas voulu préciser si Ottawa exécuterait les mandats d’arrêt si ceux-ci étaient délivrés, soutenant qu’il s’agissait là d’une question « hypothétique ».

Le Canada, qui figure parmi les 124 États membres de la CPI, serait tenu de procéder à l’arrestation des personnes visées si elles se retrouvaient sur son territoire.

« On va respecter le processus qui est entamé devant la Cour pénale internationale », a martelé Mélanie Joly.

Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, a déploré le manque de fermeté libérale.

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Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh

Ce qu’on doit dire comme pays, c’est oui, on appuie la décision, et si la Cour dit qu’on doit avoir un mandat d’arrêt, que le Canada va le mettre en [œuvre].

Jagmeet Singh, chef du Nouveau Parti démocratique

« Ça, c’est la clarté qu’on a besoin d’avoir », a enchaîné le leader néo-démocrate.

De son côté, France-Isabelle Langlois, directrice générale d’Amnistie internationale Canada francophone, a été interloquée par « les propos très préoccupants » de Chrystia Freeland.

« Tous les États doivent respecter la légitimité de la CPI et s’abstenir de toute tentative d’intimidation ou de pression sur celle-ci », a-t-elle déclaré dans un communiqué.

Le Canada a été le dernier pays du G7 à se prononcer sur l’annonce de la CPI. Ses alliés du G7 l’avaient fait lundi, certains comme le Royaume-Uni et la France condamnant aussi une « équivalence ».

Les États-Unis et Israël, qui ne sont pas des États parties au Statut de Rome de la CPI, ont fustigé le tribunal dont le siège est situé à La Haye, aux Pays-Bas.

Le NPD rappelle sa motion

Il y a un peu plus de deux mois, Justin Trudeau et l’ensemble de ses ministres ont appuyé une motion néo-démocrate exigeant du gouvernement qu’il soutienne les travaux de la CPI.

Sans être contraignante, elle a tout de même été corédigée par les néo-démocrates et les libéraux, dont le caucus est divisé sur l’enjeu.

On en a eu une nouvelle démonstration mardi.

D’un côté, le député Anthony Housefather, qui avait menacé de claquer la porte du Parti libéral dans la foulée de l’adoption de la motion, a salué les commentaires de Chrystia Freeland.

De l’autre, les élus Salma Zahid et Sameer Zuberi ont invité le gouvernement à soutenir la CPI, la première arguant que le rôle du tribunal n’était « pas de juger de l’équivalence morale, mais d’examiner les preuves de manière impartiale ».

Avec l’Agence France-Presse