Un coup publicitaire tape-à-l’œil de l’entreprise de téléphonie mobile Koodo s’attire les foudres de l’administration Plante, qui dénonce l’utilisation d’une maison centenaire du centre-ville comme enseigne commerciale.

Montréal annonce d’ailleurs que les propriétaires du bâtiment seront mis à l’amende pour avoir accepté de se prêter au jeu.

La transformation complète de la façade du 2092, rue Atateken a été réalisée le mois dernier pour annoncer le lancement d’un service internet résidentiel par l’entreprise Koodo, une filiale à bas prix de Telus. Une affiche porte le slogan « Y’a d’la joie sous ce toit. Koodo Internet. »

« Au lieu d’opter pour un affichage standard, nous avons créé une expérience mémorable qui marquera les esprits », a confié Ashley Babcock, de l’agence torontoise Camp Jefferson, au média spécialisé Grenier aux nouvelles.

Mais Montréal ne l’entend pas de la même oreille.

« Ce coup publicitaire n’a pas été autorisé par la Ville, a affirmé Béatrice Saulnier-Yelle, du cabinet de la mairesse de Montréal (qui est aussi à la tête de l’arrondissement de Ville-Marie). Ce style d’intervention est prohibé. Une inspection sera réalisée rapidement, et un avis d’infraction sera remis au propriétaire à qui l’on demandera également de se conformer dans les plus brefs délais. »

La réglementation d’urbanisme interdit de peindre la brique en façade extérieure de la majorité des bâtiments. De plus, des règles régissent la place de la publicité dans le paysage urbain.

Béatrice Saulnier-Yelle, du cabinet de la mairesse de Montréal

« Nous avons reçu l’autorisation »

Plusieurs firmes de publicité et de production ont travaillé sur la concrétisation du coup d’éclat à Montréal.

Plus Compagnie, la maison mère qui regroupe plusieurs d’entre elles, a fait valoir que toutes les autorisations nécessaires avaient été obtenues.

L’équipe de production s’est rendue en personne dans les bureaux de l’arrondissement le 2 mai pour parler directement à un responsable des permis. Après avoir clarifié que le bâtiment n’était ni en pierre, ni patrimonial, ni d’intérêt, et qu’il était déjà peint, nous avons reçu l’autorisation de peindre.

Isabelle Bonin vice-présidente de Plus Compagnie, par courriel

Mme Bonin a transmis à La Presse des copies de courriels échangés avec l’arrondissement de Ville-Marie. Un fonctionnaire lui affirme qu’« il est interdit de peindre une façade de maçonnerie », mais ajoute le lendemain qu’« un permis n’est pas requis pour peindre » dans la mesure où il s’agit d’un entretien.

Plus Compagnie a aussi envoyé à La Presse des copies de permis d’occupation temporaire du domaine public mentionnant « peinture façade » comme « raison de l’occupation ».

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Une affiche installée devant l’immeuble porte le slogan « Y’a d’la joie sous ce toit. Koodo Internet. »

Selon les images captées par Google Street View, cette façade était déjà couverte de peinture depuis au moins 2007.

Koodo n’a pas commenté la situation. Le coup publicitaire doit durer jusqu’au 7 juillet.

La même équipe de publicitaires a aussi appliqué sa méthode de transformation à une maison de Toronto, située près du parc Trinity Bellwoods.

Dinu Bumbaru, de l’organisme Héritage Montréal, a pourfendu l’utilisation d’un bâtiment centenaire comme panneau d’affichage publicitaire.

« C’est un geste parasite égoïste, a-t-il lancé. Qu’est-ce que cette compagnie fait pour aider le patrimoine qu’elle exploite ainsi ? Le patrimoine montréalais a besoin de coups de pinceau, pas juste de coups de pub sans suite. »

« Prévenir la pollution visuelle »

La formation politique de Valérie Plante n’en est pas à ses premières critiques envers la présence de publicité dans le paysage urbain.

Au cours des dernières années, les administrations locales de Projet Montréal des arrondissements du Plateau-Mont-Royal et de Rosemont–La Petite-Patrie ont interdit la présence de panneaux-réclames dans leur arrondissement.

Les entreprises qui exploitent ces installations se sont adressées aux tribunaux pour contester cette interdiction.

« Le règlement a un objectif urgent et réel, soit celui de prévenir la pollution visuelle, a conclu la Cour d’appel du Québec quant au cas du Plateau-Mont-Royal, en maintenant en place le règlement local en question. Cet objectif s’inscrit dans une mouvance de longue date de la Ville et du Plateau en vue d’améliorer la qualité du paysage urbain. »

En 2020, la Cour suprême du Canada a refusé d’entendre la cause, signant l’arrêt de mort des panneaux-réclames dans l’arrondissement. Le cas de Rosemont–La Petite-Patrie est toujours devant les tribunaux.