« J’espère qu’il y a quelqu’un qui va ouvrir la porte et nous donner une chance. » Malgré ses efforts, Jenny Akerley n’a pu se trouver un logement à temps pour le 1er juillet. Comme 38 autres ménages, la mère de famille monoparentale et son fils de 7 ans ont dû se tourner vers l’Office municipal d’habitation de Montréal (OMHM) pour être hébergés d’urgence.

Au total, 147 ménages sont accompagnés activement par l’OMHM. À l’échelle de la province, ce sont 384 ménages qui se retrouvent dans une situation d’hébergement temporaire. Parmi eux, 125 ménages sont hébergés en urgence dans un hôtel par la Société d’habitation du Québec (SHQ).

Jenny Akerley, qui n’a pas une bonne cote de crédit et qui reçoit actuellement des prestations d’aide sociale, n’a pas pu se trouver un toit pour le 1er juillet. Elle se retrouve désormais hébergée par l’OMHM dans un logement étudiant au centre-ville de Montréal avec son fils.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Selon les données les plus récentes de la Société d’habitation du Québec (SHQ), il y avait lundi matin 1296 ménages locataires du Québec qui sont accompagnés activement par un service d’aide à la recherche de logement.

La petite famille a quitté le Nouveau-Brunswick le 22 décembre pour revenir vivre à Montréal. Mais depuis ce jour-là, bien qu’elle ait sollicité une quarantaine de locateurs, aucun d’entre eux n’a accepté de lui louer un logement.

C’est toujours la même chose, ils veulent quelqu’un de seul et tranquille. Dès que tu dis que tu as un enfant, ils ne veulent pas, et quand tu es sur l’aide sociale, ils te demandent ce qu’est ton emploi, et si tu as un mauvais crédit, ça ne t’aide pas plus.

Jenny Akerley, mère de famille monoparentale

Elle était temporairement hébergée par une amie depuis janvier, mais des tensions ont mis fin à la cohabitation.

Cette mère seule doit en plus composer avec les besoins spécifiques de son fils, qui est autiste. Leur arrivée la veille dans leur hébergement temporaire a d’ailleurs été très éprouvante pour lui.

« Il était vraiment stressé, car il me voyait stressée, explique Jenny. J’ai trouvé ça difficile, car il fallait que je me gère et que je gère un enfant qui fait des crises. »

Des démarches pénibles

Jenny se dit rassurée et reconnaissante d’être hébergée en urgence, mais elle se souvient avec tristesse de la première fois où elle a franchi les portes de l’OMHM pour demander de l’aide.

« Mon premier rendez-vous le 21 juin m’a fait sentir comme une victime, comme si c’était ma faute, dit-elle. Ils me demandaient pourquoi j’étais revenue au Québec et pourquoi je ne retourne pas au Nouveau-Brunswick. »

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Jenny Akerley affirme avoir sollicité une quarantaine de locateurs, sans succès.

Ils m’ont vraiment fait sentir comme si je n’étais pas une bonne mère, comme si c’était de ma faute que mon enfant se retrouve sans-abri.

Jenny Akerley, mère de famille monoparentale

Elle raconte qu’il a été difficile de cacher ses larmes à son fils durant le trajet du retour.

« J’ai pleuré devant tout le monde, ça m’avait vraiment cassée, dit-elle. Mon fils n’a fait que pleurer dans le métro en me disant : “Maman, je ne veux pas être sans-abri.” »

Après qu’elle eut prouvé la recherche de logement qu’elle avait faite, on lui a éventuellement proposé de l’héberger temporairement.

« Quand je suis arrivée chez nous, je leur ai envoyé toutes les démarches et ils m’ont appelée le lundi d’après pour un rendez-vous le mercredi, raconte Jenny Akerley. J’espère qu’il y a quelqu’un qui va ouvrir la porte et nous donner une chance. »

Une crise répandue

La porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), Véronique Laflamme, dresse le constat d’une crise ancrée au Québec et qui touche autant les grandes villes que les plus petites municipalités.

Dans plusieurs régions du Québec où les logements étaient considérés jusqu’ici comme abordables, les loyers ont augmenté de façon très rapide. La rareté des logements locatifs n’a jamais été aussi étendue à travers le Québec, et dans toutes les municipalités le taux d’inoccupation est sous le seuil d’équilibre du marché de 3 %.

Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU

Elle prend l’exemple de Trois-Rivières, où 39 ménages ont dû être hébergés en urgence le 1er juillet.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

À travers la province, 384 ménages sont actuellement sans logement et sont dans une situation d’hébergement temporaire.

« Le portrait est très sombre pour les locataires du Québec, et il y a des villes comme Montréal où ils sont majoritaires dans la population, ajoute Véronique Laflamme. Cette crise-là a un effet sur le tissu social de communautés et de quartiers qui étaient jusque-là populaires. »

Elle dénonce la situation de nombreux résidants de secteurs d’habitude plus populaires qui se font « chasser de leur quartier ».

Demandes d’aide en hausse

Les données de la Société d’habitation du Québec montrent que le nombre de requêtes qu’elle a reçues de citoyens dans le besoin est passé de 5200 en 2023 à 9200 cette année. À ce jour, 71 % d’entre elles auraient été traitées par les services de la SHQ.

« On reconnaît qu’il y a des besoins, mais l’aide est mieux organisée pour les rejoindre », explique le directeur des communications et des relations externes à la SHQ, Sébastien Olivier. « Le travail en amont porte ses fruits. »

Pour le porte-parole de Québec solidaire en matière de logement et d’habitation, Andrés Fontecilla, ces chiffres ne sont que « la pointe de l’iceberg ».

Je suis convaincu que les chiffres rapportés […] sont en deçà de la réalité. Il y a beaucoup de personnes qui n’ont pas contacté le service d’urgence, car elles ont été se loger chez des amis ou la famille.

Andrés Fontecilla, porte-parole solidaire en matière de logement et d’habitation

Une situation « stressante »

Le cabinet de la ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, a réagi au portrait que dresse ce 1er juillet et assure qu’« aucun effort n’est ménagé » pour porter assistance aux citoyens qui en font la demande.

« On comprend que la situation est difficile et stressante pour les ménages vulnérables qui ont de la difficulté à se loger », déclare l’attachée de presse de la ministre Duranceau, Justine Vézina. « Tout le monde est mobilisé depuis plusieurs mois pour que cette période se déroule le mieux possible. »

De son côté, le cabinet de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, se dit prêt pour accompagner toutes les personnes dans le besoin et les invite à composer le 311.

« La période de déménagement est stressante pour plusieurs Montréalais qui sont de plus en plus nombreux à avoir de la difficulté à trouver des options de logement qui répondent à leurs besoins et à leur budget, déclare le cabinet de la mairesse. Nous sommes là pour vous. »