L’engagement de l’administration Plante d’offrir un accès baignable au fleuve dans l’est de Montréal a beaucoup de plomb dans l’aile, deux ans après sa date promise d’ouverture.

Le lieu choisi, le parc de la Promenade-Bellerive, est toujours fermé aux baigneurs, indique un panneau installé par la Ville. Et pour cause : la Santé publique locale craint que les baigneurs puissent se rendre malades et Ottawa s’inquiète des conséquences de leur présence sur une espèce de poisson menacée, selon des documents du printemps dernier obtenus par La Presse.

Tous ces acteurs ont discuté du dossier le 4 avril dernier parce que la Ville souhaitait pouvoir permettre la baignade dès cet été, révèle un compte rendu de réunion rédigé par un fonctionnaire.

« La direction régionale de santé publique [de Montréal] indique que, sur la base des informations soumises, un avis recommandant d’interdire la baignade en 2024 sera produit et diffusé », indique le document. « En effet, l’emplacement sur un ancien lieu d’élimination de déchets sans mesure de recouvrement des sols, la présence de composés organiques volatils et la présence d’un émissaire dont le clapet est défectueux immédiatement en amont du site sont quelques-unes des raisons qui justifient cette recommandation. »

Pêches et Océans Canada, pour sa part, a émis des réserves importantes quant au projet en raison de la présence à proximité d’herbiers fréquentés par le chevalier cuivré, un poisson qui « se trouve uniquement au Québec » et qui inquiète les biologistes. Le ministère québécois de l’Environnement s’est aussi inquiété d’« un nombre important de déversements au port de Montréal », juste en amont.

« Processus extrêmement laborieux »

En 2021, en pleine campagne électorale, Valérie Plante semblait pourtant confiante en convoquant les médias au parc de la Promenade-Bellerive.

« Projet Montréal s’est engagé à aménager un accès à l’eau et à la baignade au parc de la Promenade-Bellerive dès l’été 2022 », indiquait alors la formation politique. « Dès l’année prochaine, les Montréalaises et les Montréalais pourront s’y baigner en toute sécurité. Pour notre équipe, l’accès à nos berges et à nos cours d’eau est une priorité », promettait Mme Plante.

Jeudi, le maire de l’arrondissement local a indiqué que le dossier était plus complexe que prévu.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

Le maire de l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, Pierre Lessard-Blais

Depuis plusieurs années, on déploie d’importants efforts pour obtenir les autorisations nécessaires auprès des autorités gouvernementales.

Pierre Lessard-Blais, maire de l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, dans une déclaration transmise par son cabinet

« C’est un processus extrêmement laborieux qui implique plusieurs organismes gouvernementaux et ministères provinciaux et fédéraux, chacun ayant son mot à dire », a-t-il ajouté.

M. Lessard-Blais s’est dit déçu des critiques exprimées par la Santé publique envers le projet, dans la mesure où des baigneurs défient déjà l’interdiction de se saucer. « L’accès à l’eau existe, qu’on le veuille ou non », a-t-il dit. « On respecte les compétences de la direction régionale de santé publique, mais il faut dire que c’est décevant de se faire demander plus de travail, alors qu’on souhaite simplement améliorer la sécurité d’une situation déjà existante. »

Un projet de restauration complète de la berge est prévu pour le tournant de la décennie.

« Amateurisme total »

L’opposition officielle voit les choses d’une autre façon.

« Ça démontre l’amateurisme total de l’administration de Projet Montréal, tant en arrondissement qu’à la ville centre », a attaqué l’élu de Tétreaultville Julien Hénault-Ratelle, qui n’entretient plus l’idée de pouvoir se baigner à court ou moyen terme au parc de la Promenade-Bellerive. « Ils ont fait une promesse sans s’assurer que c’était réalisable. »

M. Hénault-Ratelle déplore d’ailleurs que l’équipe de M. Lessard-Blais ait commencé à aménager la plage, ce qui pourrait laisser croire à certains que la baignade est permise. Dans les documents d’accès, le ministère québécois de l’Environnement souligne d’ailleurs la tenue de « travaux qui auraient été réalisés sans autorisation ».

La direction régionale de santé publique a refusé la demande d’entrevue de La Presse pour le moment, expliquant qu’elle devait continuer son travail.

L’organisation « rendra public prochainement un avis sur les risques à la santé posés par le projet d’aménagement d’une plage publique dans le parc de la Promenade-Bellerive », a indiqué la conseillère en relations publiques Marianne Paquette. « Cet avis, en voie d’être finalisé, vise à informer les décideurs et la population des risques à la santé présents sur le site et à émettre des recommandations afin d’assurer un accès sécuritaire au site et à la baignade pour la population. »

L’histoire jusqu’ici

2021

Projet Montréal promet d’aménager un site de baignade au parc de la Promenade-Bellerive dès l’année suivante.

2023 

Les lieux sont toujours fermés aux baigneurs, l’administration locale dit espérer pouvoir ouvrir l’année suivante.

2024

Les lieux sont toujours fermés aux baigneurs, la Santé publique et les ministères de l’Environnement des deux ordres de gouvernement émettent d’importantes réserves quant au projet.

Avec la collaboration de William Leclerc, La Presse