Quatre restaurants de la rue Peel ont eu une mauvaise surprise, vendredi soir, quand le Service de sécurité incendie de Montréal (SIM) a forcé la fermeture de leurs terrasses pour des raisons de sécurité, en pleine fin de semaine du Grand Prix. Les terrasses ont pu rouvrir samedi, mais sans les chapiteaux qui les protégeaient, les laissant ainsi exposées à la pluie.

Ce qu’il faut savoir

  • Quatre terrasses ont été fermées par le Service de sécurité incendie de Montréal (SIM) parce que les installations qui s’y trouvaient ne respectaient pas les normes de sécurité.
  • La directrice des opérations du Café Ferreira, Sandra Ferreira, a publié une vidéo sur les réseaux sociaux dans laquelle on la voit bouleversée à la suite à la fermeture de sa terrasse qui était remplie de clients.
  • Le SIM affirme que les restaurateurs avaient été avertis avant le Grand Prix de la non-conformité de leurs installations.
  • Les terrasses ont pu rouvrir samedi, mais sans les chapiteaux qui les recouvraient.

Sandra Ferreira pleurait à chaudes larmes, en racontant le calvaire qu’elle a vécu vendredi soir. Dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, la directrice des opérations du Café Ferreira explique avoir reçu la visite d’une « douzaine de pompiers » qui lui ont demandé de vider la terrasse de son restaurant, pourtant remplie de clients.

« Les pompiers sont venus nous dire que la terrasse n’est pas conforme, explique dans sa vidéo Sandra Ferreira. Ils attendent au vendredi du Grand Prix pour venir, alors qu’on a un restaurant plein. Et devant tout le monde, ils nous demandent de faire évacuer la terrasse. »

La Ville avait pourtant autorisé son établissement à ouvrir la terrasse, et ce, bien que quelques ajustements avaient été jugés nécessaires, dit-elle. Au total, la propriétaire aurait déboursé plus de 40 000 $ pour accueillir ses clients sur sa terrasse cette année.

Je leur demande ce qui arrive si je ne le fais pas [évacuer la terrasse] et ils me disent que c’est la terrasse ou c’est le restaurant. Je trouve ça tellement cruel d’avoir attendu pour nous dire ça [de faire] une scène devant plein de gens, avec moi qui fonds en larmes.

Sandra Ferreira, directrice des opérations du Café Ferreira

Le constat d’infraction qui lui a été remis mentionne qu’elle n’aurait « pas pris toutes les mesures nécessaires pour supprimer une condition dangereuse ».

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

La terrasse du Café Ferreira

« [Pour] tous les restaurants de la rue Peel, ça a été des mois d’acharnement sans relâche [pour avoir les terrasses], ajoute Sandra Ferreira. Ce week-end, j’ai honte pour ma ville, j’ai honte que ça se passe devant nos clients. […] Tout le monde arrive, et la déception, c’est qu’il ne se passe rien sur la rue [Peel]. »

Le cabinet de la mairesse « ébranlé »

L’évènement a suscité de nombreuses réactions, notamment chez des élus de la métropole.

Le cabinet de la mairesse de la Ville de Montréal, Valérie Plante, s’est dit « ébranlé » par le témoignage de Sandra Ferreira. Il a assuré par ailleurs que les équipes du SIM avaient « confirmé la conformité des terrasses de la rue Peel » et qu’elles pourraient toutes rouvrir au cours de la journée de samedi.

« Le SIM doit assurer un dialogue constant et poursuivre la recherche de solutions pour arrimer la sécurité et la vitalité des commerces que nous aimons toutes et tous », a ajouté le cabinet de la mairesse.

« Outre la question du mauvais timing, je questionne le manque de leadership de l’arrondissement de Ville-Marie dirigée par Valérie Plante, a écrit sur X le porte-parole de l’opposition officielle en matière de sécurité publique, Abdelhaq Sari. Elle est où, la concertation avec l’ensemble des parties prenantes dont parle la mairesse ? »

Les propriétaires avaient été prévenus

Le SIM explique avoir procédé vendredi soir à la fermeture de quatre terrasses qui n’étaient pas conformes. Cette procédure a eu lieu dans le cadre de l’opération Sentinelle, qui vise à s’assurer de la conformité des établissements qui accueillent le public. Cette opération a lieu quatre fois par année alors que se déroulent d’importantes festivités.

Le chef de division aux communications du SIM, Guy Lapointe, assure que les pompiers avaient été à la rencontre des commerçants bien avant le Grand Prix.

« On a rencontré les propriétaires il y a une semaine et demie pour leur indiquer que ce n’est pas la terrasse, mais la marquise [un petit chapiteau] qui doit être à trois mètres », explique Guy Lapointe.

On leur a demandé de la déplacer, mais on a constaté [vendredi soir] qu’ils n’avaient pas suivi les instructions.

Guy Lapointe, chef de division aux communications du SIM

Il rejette les accusations de la directrice des opérations du Café Ferreira selon lesquelles les pompiers seraient venus sans avertissement. Guy Lapointe explique que l’opération Sentinelle vise aussi à vérifier que les limites d’achalandage sont respectées. C’est pour cette raison qu’ils sont intervenus en présence des clients.

Le directeur général de la Société de développement commercial de Montréal Centre-ville, Glenn Castanheira, a exprimé sa « profonde préoccupation » face aux mesures prises par le SIM à l’égard des terrasses.

« Cette démarche, entamée dès le premier jour des festivités, en période de forte affluence touristique, suscite de sérieuses inquiétudes quant à ses conséquences sur la vitalité économique de certains commerçants de notre centre-ville », déclare Glenn Castanheira.

L’Association des pompiers de Montréal réagit

L’Association des pompiers de Montréal s’est distancée de l’opération du SIM, se disant « irritée et profondément déçue » de voir ses membres « erronément et intensément pris à partie » par plusieurs restaurateurs dont la terrasse a été fermée par le SIM.

Elle a assuré que les pompières et pompiers « n’avaient rien à voir avec ces interventions du Service de sécurité incendie de Montréal, le SIM ».

« La confusion provient du fait que cette opération spectaculaire, appelée Sentinelle, a été menée par des agents préventionnistes, des employés civils, qui, malheureusement, portent un uniforme analogue à celui des pompiers », a déclaré le président de l’Association des pompiers, Chris Ross.

Les interventions des autorités n’ont pas déplu qu’aux restaurants dont les terrasses étaient recouvertes. Marie-Pierre Burelle est la gérante du restaurant le Ryu, dans la rue Peel. Son établissement est le seul à ne pas avoir installé de chapiteau sur sa terrasse cette année.

Et pourtant, deux agents se seraient mis devant les portes de son établissement pendant près d’une demi-heure alors que les clients étaient présents.

Les clients se demandaient ce qui se passait […] Pourquoi ils rentreraient s’il y a deux policiers devant les portes [du restaurant] ? Ça a vidé les terrasses.

Marie-Pierre Burelle, gérante du restaurant le Ryu

Soirée difficile

La pluie n’a pas aidé la cause des restaurateurs, samedi soir. Bien qu’elles aient été rouvertes, les terrasses de la rue Peel étaient entièrement vides vers 20 h, faute de marquises pour les mettre à l’abri des intempéries.

Dans le vestibule du Café Ferreira, les clients s’entassaient, tandis que des employés surmenés virevoltaient aux alentours. Pour décrire comment se déroulait la soirée, la maître d’hôtel Claudia Ferreira n’avait qu’un mot. « Mal ».

Le restaurant a tenté de trouver une nouvelle place aux quelque 80 personnes qui avaient réservé sur la terrasse pour souper. Faute d’espace, le quart de ces réservations ont dû être annulées, selon Claudia Ferreira. « On a fait de notre mieux », a ajouté la jeune femme, avec un sourire fatigué.

Pour Dominic Plouffe, qui vient souper sur la terrasse du Café Ferreira chaque année, à l’occasion du Grand Prix, l’intervention du SIM « n’a aucun sens ». Le client, qui attendait d’être assis depuis une dizaine de minutes, a compati avec le sort des restaurateurs. « Maintenant, ils doivent tout réorganiser à l’intérieur, en plein pendant la F1. C’est beaucoup de gestion », a-t-il souligné.

Un peu plus haut sur la rue, le restaurant Alexandre et Fils a aussi dû dire adieu à un nombre important de clients. Alain Creton, propriétaire de l’établissement, reconnaît cependant avoir reçu l’avertissement du SIM dix jours avant l’intervention. « On paraît mal, à Montréal », a commenté le restaurateur, selon qui 70 réservations ont été annulées en raison de la pluie, ce qui représente près de 7000 $ en pertes.