Malgré l’opposition d’une partie de son conseil d’administration, la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) va de l’avant avec une hausse de 150 % de la taxe sur l’immatriculation des véhicules (TIV). Celle-ci passera donc officiellement de 59 $ à 150 $ par voiture dans le Grand Montréal dès janvier 2025, afin de combler l’imposant manque à gagner en transport collectif.

« Ça ne nous fait absolument pas plaisir, il n’y a personne qui est content de se retrouver un peu acculé [au] mur à chercher des solutions face au sous-financement du transport collectif », a fait valoir jeudi après-midi la mairesse de Montréal, Valérie Plante, aussi présidente de la CMM.

Elle s’est toutefois félicitée de voir « la majorité des maires et des mairesses » se rallier pour « se donner du temps et [a dit espérer] que le gouvernement du Québec soutienne le transport collectif à la hauteur des besoins ».

Dans sa résolution adoptée en majorité, à 24 contre 4 sur un total de 28 membres du conseil d’administration, la CMM indique que cette hausse de taxe est le « seul moyen dont elle dispose pour diversifier, hors du champ foncier », les revenus des transporteurs de la métropole. Ainsi, chaque automobiliste paiera maintenant 150 $, alors qu’il en payait jusqu’ici 59 $.

Une hausse marquée de la taxe sur l’immatriculation des véhicules était envisagée depuis un moment déjà en raison du refus de la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, d’augmenter son offre pour financer les déficits des opérateurs.

« On est mis devant un choix très difficile que personne ne veut prendre, mais qui est nécessaire, parce qu’on souhaite maintenir le transport collectif », a plaidé de son côté le maire de Laval, Stéphane Boyer, en rappelant que plus de 270 postes ont été abolis dans la dernière année dans les réseaux du Grand Montréal. « Je ne connais pas beaucoup de ministères qui ont fait ça », a-t-il lancé.

En assurant que le travail continuerait pour dégager plus de revenus autonomes, M. Boyer a ajouté que l’incidence financière du Réseau express métropolitain (REM) et du télétravail sont de nouvelles réalités avec lesquelles composer. « C’est surtout ça qui nous met de la pression. On n’a pas vraiment le choix de trouver de nouvelles sources de financement et nos options sont assez limitées. »

Ce n’est pas une stratégie. On n’est pas ici pour être dans une guerre politique. Il y a des gens qui dépendent du transport collectif pour se rendre à l’hôpital et aller au travail chaque jour. […] Si les centaines de milliers de personnes qui embarquent dans le métro avaient une voiture, on serait dans une congestion infernale.

Stéphane Boyer, maire de Laval

Un trou béant à combler

Si tout cela demeure en théorie « sous réserve » des négociations toujours en cours entre Québec et les villes, la décision semble bel et bien définitive, puisque tout indique que l’offre du gouvernement Legault aux transporteurs restera à 200 millions, soit environ 70 % du déficit « conjoncturel » attribuable à la chute des recettes tarifaires pendant la pandémie de COVID-19.

Aux prises avec un manque à gagner de 561 millions, les sociétés de transport, elles, réclamaient un minimum de 421 millions. Il restait donc un trou béant à combler, ce que la hausse de 150 % de la TIV viendra amplement combler, avec des revenus de 320 millions de dollars supplémentaires par année. À titre de comparaison, cette taxe non augmentée générait jusqu’ici 127 millions annuellement.

Le reste de l’écart entre l’aide gouvernementale et le déficit, soit environ 40 millions, sera comblé par les nombreuses mesures d’optimisation financière déjà annoncées, ce qui permettra de boucler le budget pour 2025.

Or, l’idée même d’une hausse de la taxe sur l’immatriculation est loin de faire l’unanimité au sein de la CMM, surtout sur la Rive-Sud, où une quarantaine de maires se sont opposés à l’idée, mercredi. Leur poids au sein du CA n’a toutefois pas été suffisant pour faire invalider l’augmentation.

« On a voté contre pour une bonne raison : tout le monde reconnaît que la couronne sud est le parent pauvre du transport collectif. Il était trop tôt actuellement pour voter une augmentation de la taxe étant donné que nos citoyens n’ont pas d’autres options que d’utiliser un véhicule. Il y a même des villes qui n’ont aucun autobus sur leur territoire actuellement », a fait valoir jeudi la mairesse de Mercier, Lise Michaud.

Sur la couronne nord, les représentants ont voté pour, non sans une pointe d’amertume. « C’est une décision difficile, mais pour le bien du transport collectif à long terme. Les déficits sont trop importants. Taxer, ce n’est jamais populaire, mais c’est le seul moyen qu’on a », a conclu le maire de Deux-Montagnes, Denis Marin.

« Nous saluons la décision de la CMM, qui démontre que le financement du transport collectif est un enjeu qui demande l’implication de tous les acteurs. Le courage des élus pour augmenter les revenus dédiés au transport collectif contribuera à maintenir le niveau de service de notre réseau », a quant à elle fait valoir la Société de transport de Montréal (STM).

Avec Philippe Teisceira-Lessard, La Presse

L’histoire jusqu’ici

2011 : Le maire de Montréal Gérald Tremblay introduit une taxe de 45 $ pour les résidants de Montréal.

Avril 2023 : La taxe est étendue aux autres villes du « 450 » et majorée à 59 $. Elle commence à être appliquée au début de 2024.

Mai 2024 : La taxe passe officiellement à 150 $, une hausse de 150 % qui sera applicable début 2025.

En savoir plus
  • 280 %
    La hausse de la TIV aurait pu être encore plus imposante. Fin avril, La Presse avait en effet révélé qu’une augmentation pour le moins salée, allant jusqu’à 280 %, a aussi été étudiée par les municipalités. Le montant réclamé aux contribuables aurait alors bondi de 59 $ à près de 225 $ par voiture.
    706 millions
    D’ici quelques mois, cette hausse de la TIV fera chuter la contribution annuelle de plusieurs grandes villes, dont Montréal, qui paiera 706 millions au lieu de presque 800 millions. Laval et Longueuil paieront quant à elles environ 20 millions en moins de contributions municipales.