Des citoyens de l’arrondissement de Saint-Laurent, à Montréal, dénoncent la décision de l’arrondissement de retirer un arrêt obligatoire au cœur d’une zone commerciale très populaire auprès des familles, et où la sécurité des déplacements actifs est déjà compromise.

« Quand j’ai vu qu’ils allaient retirer l’arrêt, je n’en revenais pas, laisse tomber Danielle Major, une résidante du secteur. Il y a plein de commerces ici, des terrasses, un café, une crèmerie… Retirer l’arrêt est la dernière chose dont le quartier a besoin. »

Avec plusieurs de ses voisins, Mme Major a lancé une pétition qu’elle fait signer aux passants le long du boulevard Décarie, afin de s’opposer au retrait de l’arrêt prévu le 10 juin prochain par l’administration du maire d’arrondissement, Alan DeSousa. Mercredi midi, pratiquement tous les passants accostés acceptaient de signer la pétition.

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Un groupe de citoyens fait signer une pétition dans le but de renverser cette décision du conseil d’arrondissement.

Les gens sont étonnés quand on leur dit que l’arrêt va être retiré. Ils voient bien que ça n’a aucun sens.

Danielle Major, résidante du secteur qui a lancé une pétition

Katia Grubisic, qui habite Saint-Laurent avec sa famille, note que l’arrêt obligatoire protège une traverse piétonne utilisée constamment par des résidants du secteur, qui compte trois écoles, deux cégeps et plusieurs garderies.

« Il faut plus de moyens de favoriser la convivialité et la sécurité des déplacements actifs à cet endroit, pas moins ! », dit-elle.

Un panneau qui ne devrait pas être là, selon Saint-Laurent

Un commerçant qui s’est plaint auprès du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) dernièrement que l’arrêt obligatoire était mal respecté par certains automobilistes a poussé les policiers à statuer qu’un panneau d’arrêt ne devrait pas se trouver à cet endroit.

Marc-Olivier Fritsch, du service des communications de l’arrondissement de Saint-Laurent, note que la traverse piétonnière située entre le 849 et le 850, boulevard Décarie ne constitue pas une intersection selon le Code de la sécurité routière.

« Avoir une intersection est une condition indispensable pour l’installation d’un panneau d’arrêt selon les normes de signalisation routière », dit-il.

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Le panneau d’arrêt était en place depuis 18 ans.

Le retrait prochain de l’arrêt sera accompagné par du marquage au sol, des panneaux de traverse avec lumières à clignotement rapide que chaque piéton pourra activer manuellement, ainsi que des balises flexibles jaunes, qui seront retirées durant les mois d’hiver.

Des explications qui ne satisfont pas les résidants.

Sébastien Carrillo, résidant de Saint-Laurent, note que l’obligation d’avoir une intersection pour mettre un panneau d’arrêt est une norme de Québec qui s’applique aux routes numérotées, qui ont typiquement un fort volume de circulation à haute vitesse.

« Les ingénieurs des arrondissements de Montréal se réfugient derrière cette norme provinciale pour ne pas agir dans un milieu de vie urbain dense, où elle ne s’applique pas », dit-il.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Les panneaux d’arrêt qui seront retirés

M. Carrillo note que cet arrêt obligatoire est en place depuis bientôt 18 ans, sans que personne ne s’en offusque.

« Alors où est l’urgence ? On veut que l’arrondissement prenne le temps de faire un aménagement sécuritaire, qui fasse ralentir les automobilistes. Mais ils nous disent qu’ils vont retirer l’arrêt, peinturer une traverse, et “voir comment ça se passe”. En résumé : les familles du quartier vont servir de cobayes pour déterminer si ça fonctionne ou pas. C’est honteux. »

Rencontré sur place mercredi, un policier a lancé la suggestion d’interdire toute traverse à cet endroit, et de mettre des grilles au centre du boulevard Décarie pour empêcher les gens de le franchir à pied.

Couper l’accès aux piétons au cœur d’une zone commerciale populaire n’est pas la solution, dit M. Carrillo.

« On a une belle vie de quartier ici, avec des terrasses. Il faut l’encourager, pas mettre des bâtons dans les roues des gens pour prioriser la fluidité du transit motorisé. »

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La directrice générale de Piétons Québec, Sandrine Cabana-Degani, en 2022

Sandrine Cabana-Degani, directrice générale de Piétons Québec, note que la refonte des normes du ministère des Transports est l’un des enjeux sur lequel son équipe travaille.

« On trouve étrange que le SPVM mette en cause l’aménagement. Il y a plein d’aménagements qui ne sont pas aux normes partout dans nos rues, à Montréal et ailleurs. Pourtant, les policiers les font respecter. Le conducteur a l’obligation de se conformer à la signalisation. Les policiers ne devraient pas commencer à dire qu’ils ne donneront pas de contravention à tel ou tel endroit. Ce n’est pas le message qu’on devrait envoyer. »

Si les passages piétons étaient respectés par l’ensemble des automobilistes, le changement proposé par l’arrondissement serait louable, ajoute-t-elle.

« Mais on sait tous que ce n’est pas le monde dans lequel on vit, malheureusement. »

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Le panneau n’est pas installé à une intersection, une situation qui nécessite son retrait, selon l’arrondissement.

Elan Cohenca, commerçant depuis 38 ans sur le boulevard Décarie, note que les aménagements pour les piétons du quartier sont pratiquement toujours laissés sans surveillance, les policiers étant occupés ailleurs.

« Les automobilistes arrivent souvent à 50 km/h ici, car c’est une ligne droite pour eux. Et là, on va retirer le stop ? Imaginez un enfant en train de traverser la traverse piétonne parce qu’il croit qu’il a été vu. C’est incroyable de penser que c’est la bonne solution. »

Michel Teodoro, qui est barbier sur le boulevard Décarie depuis plus de 60 ans, est du même avis. Le 4 janvier dernier, il a été happé à cet endroit par un automobiliste qui a pris la fuite après la collision. L’automobiliste n’a pas pu être retrouvé par le SPVM.

« On veut qu’ils ajoutent des caméras, pas qu’ils retirent l’arrêt », a-t-il dit.