Une quarantaine de maires de la Rive-Sud s’oppose en bloc à l’idée de faire passer la taxe sur les immatriculations de 59 $ à 148 $ par voiture dans le Grand Montréal, une mesure envisagée afin de financer davantage le transport collectif.

« Ça va pénaliser les automobilistes qui, dans nos villes, n’ont pas vraiment le choix d’avoir une auto, puisqu’on n’a pas du tout accès au transport collectif de la même façon », martèle le président de la Table des préfets et élus de la Couronne-Sud (TPECS), Christian Ouellette, en entrevue.

Sa sortie survient alors qu’un vote devrait avoir lieu jeudi, lors d’une assemblée extraordinaire publique de la CMM, sur la possibilité d’augmenter la taxe sur l’immatriculation des véhicules (TIV) de 150 %, la faisant passer de 59 $ à 148 $.

M. Ouellette s’inquiète que cette hausse ne se répercuterait pas sur le développement du transport collectif en banlieues. « On voudrait, si ça se fait, que ça reste dans les couronnes pour nous permettre de faire du développement, d’améliorer le service. En ce moment, on nous dit que ça ne reviendrait vers nous qu’en 2026 ou lorsque la Politique de mobilité durable aura été finalisée. Ce n’est pas suffisant. »

Il appelle au contraire à « poursuivre les négociations toujours en cours avec le gouvernement ». À ce jour, la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, s’est avancée sur une potentielle aide de 200 millions, couvrant 70 % du « déficit conjoncturel » des transporteurs, alors que leur manque à gagner est de 565 millions en 2025 seulement.

« La ministre a quand même ouvert la porte à d’autres solutions. Il faut prendre le temps de regarder toutes les options, sans prendre une décision rapide. C’est trop important », affirme celui qui est aussi maire de Delson. Quand elle se fera, la hausse de la TIV devrait par ailleurs suivre le rythme de l’inflation, ajoute-t-il.

D’une réalité à l’autre

En matière de circulation, la réalité est loin d’être la même partout dans la région métropolitaine. Sur la couronne sud, on compte 680 véhicules par 1000 habitants. À Longueuil seulement, ce chiffre est de 572, alors qu’à Montréal, il est de 396. Sur la couronne nord, c’est 668 et à Laval seulement, 573.

Parmi les autres pistes à explorer, la TPECS suggère notamment d’œuvrer en priorité à indexer la taxe sur l’essence et le droit sur l’immatriculation.

Dans le premier cas, le taux de 3 cents le litre n’a pas bougé depuis 2010, alors que le prix moyen du litre était de 1,08 $. Le droit sur l’immatriculation, lui, n’a pas augmenté depuis 1992 ; environ 15 millions de dollars auraient été disponibles s’il avait été indexé il y a quatre ans.

Une « compensation pour les pertes de revenus liées à l’implantation du REM, ainsi qu’une aide spécifique “pour la revitalisation du train de banlieue” serait d’autres avenues porteuses selon la Table, qui réclame aussi d’augmenter la pression sur l’utilisation du Fonds vert comme une source potentielle de financement.

« Bénéfique pour tout le monde »

À la CMM, on rétorque que « deux options sont envisageables » à court terme pour combler le déficit de 565 millions : « mettre davantage à contribution les propriétaires de véhicule qui empruntent les routes en partie libérées par les usagers du transport collectif ou augmenter de quelques points de pourcentage, année après année, le fardeau fiscal de l’ensemble des propriétaires spécifiquement pour le maintien du réseau actuel ».

« Aucune n’est idéale, mais une nous semble moins pire que l’autre », dit la porte-parole de l’organisation, Catherine Barbeau, en rappelant qu’une rencontre doit avoir lieu vendredi à l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), après l’assemblée de la CMM.

D’après des documents internes de l’organisation consultés par La Presse, une hausse de la TIV de 150 % ferait chuter la contribution annuelle de plusieurs grandes villes, dont Montréal, qui paierait 706 millions au lieu de presque 800 millions.

Les villes de Laval et de Longueuil paieraient aussi environ 20 millions en moins de contributions municipales. Et surtout, « le transport collectif est bénéfique pour tout le monde, autant ceux qui l’utilisent que ceux qui ne l’utilisent pas », conclut Mme Barbeau.