Québec est invité à mettre en œuvre des « changements profonds » afin d’atteindre ses cibles de réduction de gaz à effet de serre (GES). Dans son dernier rapport, le comité consultatif sur les changements climatiques rappelle aussi au gouvernement Legault son devoir « d’exemplarité » et de « cohérence » pour mieux mobiliser la société québécoise sur la voie de la décarbonation.

Québec loin de son objectif

« On a un message assez simple. Il faut mettre en œuvre des changements profonds, parce que vous avez compris, on n’en fait clairement pas assez », lance Alain Webster, président du comité consultatif sur les changements climatiques, chargé de conseiller le ministre de l’Environnement, Benoit Charette. Selon les dernières données disponibles, le Québec a réduit ses émissions de GES de 8,9 % entre 1990 et 2021. Or, la cible est de réduire ces émissions de 37,5 % d’ici 2030 par rapport à 1990. Le rapport souligne que le Québec compte parmi les nations qui consomment le plus d’énergie par habitant et que les énergies fossiles répondent encore à plus de 50 % des besoins énergétiques de la province.

Oui, mais la Chine…

Le Québec ne va pas sauver la planète en réduisant ses émissions, qui comptent pour un infime pourcentage des GES à l’échelle planétaire. Alain Webster a entendu cet argument plus d’une fois, un raisonnement qui invite selon lui à un repli sur soi, en ne faisant rien, au moment où plusieurs pays avancent rapidement vers la décarbonation. « Moi, ça m’achale de voir que la Chine investit plus dans les énergies renouvelables que tous les autres pays réunis », affirme le professeur Webster. Selon lui, le Québec et ses entreprises pourraient aussi se retrouver pénalisés à ne rien faire puisque de plus en plus d’États vont imposer des tarifs supplémentaires aux joueurs qui ne respectent pas leurs engagements climatiques.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Alain Webster, président du comité consultatif sur les changements climatiques

Des changements structurels sont requis

Le comité formé de 13 experts propose 26 recommandations regroupées dans six axes stratégiques afin d’accélérer la transition au Québec. Leur message clé, c’est que le gouvernement doit mettre en place des changements structurels pour décarboner le Québec. « Il faut avoir une vision qui est plus systématique, qui est plus cohérente. Ç'a l’air banal, mais ce n’est pas simple dans l’action gouvernementale pour pouvoir accélérer cette sortie des énergies fossiles », signale Alain Webster. Selon le rapport, ces changements structurels « dépassent l’action individuelle ». Ils « visent en amont les déterminants de la consommation énergétique et des ressources naturelles. […] Ce sont les milieux de vie eux-mêmes qui doivent être façonnés de manière à rendre faciles et souhaitables des comportements faiblement consommateurs en ressources naturelles et en énergie », précise-t-on.

Densification, mobilité et économie circulaire

Le rapport donne quelques exemples de changements structurels nécessaires pour décarboner le Québec. En matière d’aménagement du territoire et de mobilité, on rappelle l’importance de la densification, l’amélioration de l’offre de transports publics, la réduction du parc automobile et même la diminution de la taille des véhicules. Pour le secteur industriel, Québec doit notamment « favoriser l’intégration des principes d’économie circulaire » et « mettre en place des mesures d’écofiscalité ». En matière de système alimentaire, on aborde la délicate question de la consommation de viande, émettrice de gaz à effet de serre, en suggérant « de diversifier les sources de protéines ».

Plus de réglementation et de contraintes

« Un recours à une plus grande diversité d’instruments de politiques publiques est impérieux pour enclencher dans les meilleurs délais une décarbonation complète : plus de réglementations et de contraintes, plus d’écofiscalité, plus d’investissements dans les infrastructures, tout en priorisant avant tout la sobriété », précise le rapport. « Il faut que l’État utilise tous les leviers à sa disposition pour y arriver, ajoute Alain Webster. Des leviers en matière réglementaire, des leviers en matière d’écofiscalité, et des enjeux en matière de mobilisation. C’est un élément qui nous semble essentiel. Pourquoi c’est important ? Parce que la trajectoire actuelle des émissions au Québec, elle n’est tout simplement pas alignée sur les stratégies proposées au niveau du GIEC. […] On n’est pas aligné sur une décarbonation rapide. »

Vite un budget carbone

Pour atteindre son objectif, Québec doit se doter d’un budget carbone, comme le font la France et le Royaume-Uni par exemple. Un tel budget permettrait de fixer des objectifs annuels, « permettant ainsi un recalibrage de l’action climatique si les objectifs ne sont pas atteints ». Selon le comité, « l’absence d’un tel outil au Québec constitue une lacune importante de la gouvernance climatique ». On propose aussi de « majorer la tarification carbone » et « accentuer le recours à l’écofiscalité ». Le système actuel de plafonnement et d’échange de droit d’émissions avec la Californie. Le prix du carbone n’a pas encore permis les réductions nécessaires de GES, estime-t-on. Quant à l’écofiscalité, le Québec utilise peu ce levier, qui prône le principe de l’utilisateur-payeur. Mais pour convaincre la population, l’État devra aussi se montrer exemplaire « dans tous les champs d’intervention », précise-t-on.

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