Lors d’une vague de chaleur intense, la tentation est grande de mettre son climatiseur en marche pour profiter d’un brin de fraîcheur, ou de s’en procurer un. Mais à quel prix pour l’environnement ?

« Si l’on serrait la vis aux climatiseurs, combien de CO2 n’irait pas dans les nuages ? », demande Jacques Mercure.

Chaque été, au Québec, la vente de climatiseurs explose. Près des deux tiers des ménages québécois en possèdent un aujourd’hui, contre 54 % en 2013, selon Statistique Canada.

Mais malgré la fraîcheur salvatrice qu’ils procurent, les climatiseurs ne font pas l’unanimité. « C’est un débat fâcheux », admet le DStéphane Perron, de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).

On est vraiment pris entre santé, confort et environnement.

Le DStéphane Perron, de l’Institut national de santé publique du Québec

Bons pour la santé

Sur le plan de la santé, de nombreuses études réalisées dans le monde l’ont montré : les climatiseurs sauvent des vies, chaque année. Ils réduisent le risque de mortalité et les problèmes de santé liés à la chaleur, confirme un rapport publié en 2022 par l’INSPQ.

De plus, la climatisation permet de diminuer l’exposition à des contaminants (composés chimiques, spores, moisissures, pollens) provenant de l’extérieur, à condition de maintenir les fenêtres fermées pendant son utilisation, de ventiler en parallèle et de bien entretenir l’appareil – en particulier son filtre.

À noter cependant qu’un climatiseur réglé à trop basse température peut avoir l’effet inverse. Torticolis, mal de tête, symptômes allergiques, sécheresse des muqueuses, choc thermique, problèmes cardiovasculaires : quand l’appareil est réglé à moins de 20 °C, les risques pour la santé se multiplient.

Gourmands en énergie

Les climatiseurs soulèvent également plusieurs enjeux environnementaux.

D’après les données de Ressources naturelles Canada, en une vingtaine d’années, la consommation d’énergie utilisée pour climatiser les habitations a presque doublé – car bien que les nouveaux appareils soient plus efficaces, de plus en plus de ménages s’en procurent.

Selon la calculatrice d’Hydro-Québec, une climatisation centrale des années 1990 d’une capacité de deux tonnes consomme plus de 1500 kWh au cours de l’été. Cela correspond aux consommations additionnées d’une cuisinière électrique, d’un lave-vaisselle et d’une sécheuse sur un an. Mais une climatisation plus récente peut consommer environ deux fois moins.

Calculez la consommation de votre climatiseur sur le site d’Hydro-Québec

Une histoire de gaz

Les climatiseurs posent un autre défi : celui de leur recyclage. Ils contiennent un gaz frigorifique – tout comme les réfrigérateurs –, qui circule en circuit fermé et qui permet de refroidir l’air. Les gaz les plus dangereux, les chlorofluorocarbures (CFC), ont été bannis en 1985 grâce au protocole de Montréal. Ils ont depuis été remplacés par d’autres, dont l’incidence environnementale est moindre, mais non négligeable.

Le problème est que, lorsqu’un climatiseur arrive en fin de vie, on a tendance à le laisser sur le trottoir. Il peut alors atterrir au dépotoir ou être récupéré par des revendeurs de métaux qui ne savent pas nécessairement comment traiter ces gaz. Ceux-ci finissent donc bien souvent par s’échapper dans l’atmosphère.

« Si on abandonne son climatiseur dans la rue, tous les efforts qu’on fait pour l’environnement au quotidien peuvent être annulés par ce geste », résume Jules Foisy Lapointe, directeur général de GoRecycle.

1 tonne 

Quantité moyenne d’équivalent CO2 épargné grâce au recyclage d’un climatiseur au Québec

57,1 milliards de tonnes 

Quantité d’équivalent CO2 qui serait épargné sur 30 ans, à l’échelle mondiale, si les climatiseurs étaient mieux gérés

Sources : Projet Drawdown, GoRecycle

M. Foisy recommande d’apporter son vieux climatiseur à un point de collecte de GoRecycle, seul organisme reconnu par Recyc-Québec pour assurer le recyclage de ce genre d’appareil, afin que ces gaz soient traités et éliminés correctement. Actuellement, l’organisme estime qu’il parvient à récupérer et à recycler moins de 2 climatiseurs sur 10 jetés au Québec.

Des îlots de chaleur… encore plus chauds

Dernier enjeu, mais pas des moindres. Peut-être avez-vous déjà ressenti une brise d’air chaud dans une ruelle où les climatiseurs s’alignent sur la façade extérieure des bâtiments.

Dans un article publié en 2020 dans la revue Environmental Research Letters, des chercheurs français ont montré que, lors d’une canicule qui a frappé la France en 2003, la climatisation a contribué à réchauffer les rues de Paris et de sa banlieue. À cause de cet air chaud rejeté à l’extérieur, certains quartiers ont vu le mercure monter jusqu’à 3,6 °C de plus que s’il n’y avait pas eu de climatiseurs.

Pour Florent Barbecot, professeur au département des sciences de la Terre et de l’atmosphère de l’Université du Québec à Montréal, c’est là, le cœur du problème.

Lorsqu’on utilise un climatiseur, ça fait du bruit et ça amène de la chaleur dans la rue, donc nos voisins vont s’en procurer aussi. C’est un véritable cercle vicieux.

Florent Barbecot, professeur au département des sciences de la Terre et de l’atmosphère de l’UQAM

Il souligne que cela soulève aussi une question de justice sociale, puisque c’est dans les quartiers défavorisés que les personnes en possèdent moins, vivent dans des bâtiments moins bien isolés et souffrent donc le plus de la chaleur.

Une question de modération

Plusieurs solutions de rechange ont été proposées par les experts interrogés par La Presse, comme améliorer l’isolation des bâtiments ou créer plus d’espaces verts.

« Les feuilles des arbres fonctionnent comme des miniclimatiseurs, appuie Florent Barbecot. Sauf qu’un arbre, ça n’a pas d’impact environnemental négatif, c’est gratuit et ça amène du bien-être. »

Mais à court terme, la solution la plus efficace pour supporter les vagues de chaleur reste d’utiliser un climatiseur de façon modérée – le DStéphane Perron suggère de choisir une température située entre 22 et 26 °C. Un conseil qui ne se limite pas aux particuliers : dans le monde, nombre d’entreprises et d’institutions s’engagent à avoir la main plus légère sur la climatisation.

« Au fur et à mesure que les changements climatiques progressent, malheureusement, les climatiseurs vont être de plus en plus indispensables. Le but est de tenter de les utiliser intelligemment », dit-il.

Lisez l’article « Sobriété énergétique : les musées repensent leurs standards de climatisation »

Chiffre de la semaine 

PHOTO TIRÉE DU SITE DE PLANTCARB

Des chercheurs danois sont parvenus à créer un nouveau bioplastique, qui serait 100 % biodégradable et compostable.

100 %

Des chercheurs danois sont parvenus à créer un nouveau bioplastique, qui serait 100 % biodégradable et compostable. Fait d’amidon – que l’on trouve dans le blé, le maïs, l’orge et la pomme de terre notamment –, il est résistant, étirable et se décomposerait d’après eux en deux mois seulement. Il pourrait par exemple remplacer le film plastique utilisé pour emballer la nourriture. Les scientifiques ont fondé une entreprise (appelée plantCarb), obtenu un brevet et cherchent maintenant des partenaires pour commercialiser leur invention à grande échelle. Avis aux amateurs !

Feu vert 

PHOTO TIRÉE DU SITE DE RECYC-QUÉBEC

L’application Ça va où ? permet de savoir comment se départir de ses déchets de déménagement.

Recyc-Québec incite à réduire ses déchets de déménagement

« Une tonne de déchets à jeter ? 1 866 DÉCHETS (1 866 332-4387) ». Peut-être avez-vous vu ces grandes affiches vertes placardées un peu partout à Montréal, ces derniers jours. En appelant à ce numéro, on tombe sur un message de Recyc-Québec : « Cette boîte vocale est pleine. Tout comme la majorité des sites d’enfouissement sur la planète. » L’organisme propose ensuite de télécharger son application Ça va où ? pour savoir comment se départir de ses déchets de déménagement.

Il a dit

PHOTO TIRÉE DU SITE DE REWILDING EUROPE

Dan Calderon, hydrobiologiste de l’Association des pêcheurs de Suède

Avoir la chance de réintroduire une espèce qui a disparu au niveau national, c’est un cadeau.

Dan Calderon, hydrobiologiste de l’Association des pêcheurs de Suède, lorsqu’il a mis à l’eau le 18 juin dernier, dans le fleuve Göta älv, une centaine de jeunes esturgeons noirs provenant d’Allemagne. Cette espèce avait disparu du fleuve il y a un siècle à cause de la surpêche et de la mauvaise qualité de l’eau. (Source : AFP)

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