(Paris) Les scientifiques ont découvert qu’un nouveau « point de bascule » pourrait être sur le point d’être franchi, l’Antarctique se dirigeant vers une « fonte incontrôlée » de ses calottes glaciaires, selon une étude publiée mardi.

La fonte est causée par l’eau désormais plus chaude de l’océan qui s’infiltre entre la glace et la terre sur laquelle elle repose.

Un point de bascule climatique est un seuil critique au-delà duquel un système se réorganise, souvent de manière abrupte et/ou irréversible, entraînant une série de conséquences en cascade.

Les calottes glaciaires de l’Antarctique reposent sur un substrat rocheux et s’étendent au-delà de la côte pour flotter sur la mer. Des études antérieures avaient déjà montré que l’eau de mer, dont la température augmente sous l’effet du réchauffement climatique causé par les activités humaines, pouvait s’infiltrer dans la zone de rencontre entre la terre et la mer et ainsi progresser sous la glace terrestre, toujours plus avant à l’intérieur des terres.

L’étude parue mardi dans la revue Nature Geoscience confirme cette hypothèse et la quantifie par une modélisation : à mesure que l’eau de mer se réchauffe, l’intrusion s’accélère sur de courtes distances de 100 mètres jusqu’à des dizaines de kilomètres, faisant fondre la glace en la chauffant par le bas, explique l’auteur principal de l’étude, Alexander Bradley.

Cela « peut conduire au dépassement d’un point de bascule, au-delà duquel l’eau de l’océan s’introduit de manière illimitée sous la calotte glaciaire, via un processus de fonte incontrôlée », avertit l’étude.  

Avec à la clé un risque d’élévation du niveau de la mer, lorsque la fonte accélérée dépasse la formation de nouvelle glace sur le continent, menaçant les populations côtières partout dans le monde.

Pourtant, les modèles utilisés par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) des Nations unies pour projeter l’impact du réchauffement climatique sur l’Antarctique n’ont pas pris en compte ce phénomène. Ils ont également systématiquement sous-estimé la perte de glace observée jusqu’à présent, selon l’étude, qui estime que ces modèles doivent être mis à jour.

Mais surtout « cela ne fait que souligner la nécessité d’une action climatique urgente afin d’éviter que ces points de bascule ne soient dépassés », souligne M. Bradley, chercheur au British Antarctic Survey.

En mai, la température des océans de la planète a encore battu, pour le 14mois d’affilée, un nouveau record mensuel, atteignant 20,93 °C de moyenne, selon le réseau européen Copernicus.

« Chaque dixième de degré (de réchauffement) nous rapproche de ce genre de processus, ces points de bascule sont de plus en plus proches », alerte M. Bradley.