Nouveau rebondissement dans la saga judiciaire du boisé des Hirondelles. La Cour d’appel annule une décision condamnant Saint-Bruno-de-Montarville à verser une indemnité pour expropriation déguisée au sénateur Paul Massicotte. Un tribunal devra maintenant décider si le boisé a une « valeur écologique importante » pour justifier ou non le versement d’une indemnité.

Dans une décision de 11 pages rendue le 18 juin, la Cour d’appel du Québec annule le verdict du juge Lukasz Granosik en faveur de Sommet Prestige Canada, une entreprise appartenant à Paul Massicotte. Le tribunal d’appel demande au magistrat de la Cour supérieure « de se prononcer sur le bien-fondé » des arguments des avocats de Saint-Bruno, qui invoquent de nouvelles dispositions de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme permettant de protéger certains milieux naturels sans verser de compensation à ses propriétaires.

En mars 2023, le juge Granosik avait conclu que le sénateur Paul Massicotte avait été victime d’une expropriation déguisée de son terrain situé dans le boisé des Hirondelles et qu’il avait droit à une indemnité. Le promoteur voulait réaliser un projet de lotissement dans le boisé, mais la Ville avait adopté des règlements destinés à protéger ce milieu naturel.

Dix mois plus tard, l’Assemblée nationale a apporté des modifications à la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme afin de donner plus de marge de manœuvre aux municipalités désireuses de protéger les milieux naturels sur leur territoire. L’ajout d’un article (245) prévoit qu’une ville n’est pas tenue de verser une indemnité à un propriétaire lorsqu’il est question notamment de protéger des milieux humides ou un milieu naturel qui a une « valeur écologique importante ».

Québec répondait alors à une demande du monde municipal, qui fait face à plusieurs poursuites pour expropriation déguisée après des modifications aux règlements de zonage au cours des dernières années.

Fait à noter, les élus ont décidé que ce nouvel article avait un effet rétroactif et pouvait s’appliquer aux dossiers déjà devant les tribunaux. C’est l’argument qu’a invoqué l’avocat de Saint-Bruno, MJean-François Girard, devant la Cour d’appel.

Milieu naturel important

Qu’est-ce qu’un milieu naturel qui a une « valeur écologique importante » ? C’est la question à laquelle devra répondre le juge Lukasz Granosik, puisque les élus n’ont pas précisé la portée du concept.

La Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) a désigné le boisé des Hirondelles en 2022 comme un milieu naturel d’intérêt dans un règlement de contrôle intérimaire visant à protéger les milieux naturels sur son territoire. Une réglementation contestée par Paul Massicotte devant les tribunaux.

Selon Jean-François Girard, qui est aussi biologiste, le boisé, qui est contigu au parc du Mont-Saint-Bruno, est considéré comme un maillon important du réseau des milieux naturels à Saint-Bruno et dans la région de la Montérégie. Il est reconnu également pour abriter des plants de ginseng à cinq folioles, une espèce menacée.

« L’enjeu devient plus circonscrit et il est maintenant hautement scientifique », affirme MGirard en entrevue avec La Presse. Selon lui, la décision que prendra le juge Granosik « est fondamentale pour la suite des choses pour toutes les municipalités ».

La firme De Granpré Chait, qui représente Paul Massicotte, n’a pas donné suite à la demande d’entrevue de La Presse.